C’est dans les vieux pots qu’on fait les meilleures soupes et on ne change pas une recette qui gagne. Tels sont les enseignements, un brin convenus peut-être, à tirer de la séance d’hier, avec à Paris un CAC40 qui a brusquement muté et s’est fâché tout… vert, tel Hulk, pour bondir de 2,2% et franchir spectaculairement le seuil ô combien symbolique des 5 500 points.
Après de longues séances sans relief, une forte propension à l’atonie, et des semaines de doutes et de nervosité, les investisseurs ont donc brusquement accéléré, revigorés par le bon docteur Draghi, ce bienveillant praticien qui comprend si bien les douleurs de ses patients financiers, candide clientèle à laquelle il administre toujours la même potion magique. Pourquoi en changer, ses prodigieux effets étant connus et éprouvés ?
Depuis Sintra, somptueux cadre d’un forum annuel, et où le patron de la BCE et ses affidés ont désormais leurs quartiers, « Super Mario » a, pour reprendre l’expression de mon confrère Philippe Béchade, atteint un « véritable sommet en matière de promesses d’argent gratuit et de déluges de liquidités ». Plus accommodant, tu meurs !
Le président de la BCE a notamment déclaré hier que les baisses de taux demeuraient une arme à la disposition de l’institution pour lutter contre la faiblesse chronique de l’inflation dans l’eurozone. Un pas de franchi par rapport aux deux reports sine die des relèvements de ces mêmes taux d’intérêt.
Limpide, Mario Draghi a doctement expliqué qu’« en l’absence d’amélioration, de telle sorte que la convergence durable de l’inflation vers notre objectif se trouverait menacée, un soutien additionnel sera requis ». Et d’ouvrir la porte à une relance du quantitative easing (« QE »), au grand dam d’un Donald Trump qui aurait rêvé d’un monopole américain en matière de politique monétaire dovish et qui, furibard contre les niveaux actuels du dollar, est allé jusqu’à accuser la BCE de manipuler les taux de change.
Le soutien des banques centrales est acquis
Les opérateurs attendent maintenant l’épilogue de la réunion de la FED, alors que l’économie américaine donne des signes tangibles d’essoufflement, à l’image des chiffres mensuels de l’emploi, très inférieurs aux attentes. Toutefois, comme l’expliquait hier Mathieu Lebrun dans ces colonnes, les ventes au détail ont de leur côté révélé une bonne résistance de la consommation.
Dans ce contexte mi-figue, mi-raisin, les économistes qui tablent sur une baisse immédiate des taux directeurs pourraient bien en être pour leurs frais et devoir encore ronger leur frein, au moins jusqu’en juillet, voire en septembre.
Gageons tout de même qu’à moyen terme, la FED se parera elle aussi de ses plus beaux atours de pompière dans l’hypothèse d’une poursuite de la guerre commerciale sino-américaine, autrement dit si Donald Trump et Xi Jinping devaient échouer à accorder leurs violons à l’occasion du prochain sommet du G20. Dans le cas contraire, si les négociations entre Pékin et Washington aboutissent, un regain d’euphorie sur les marchés actions ne peut être exclu.
Une chose semble sûre : avec la certitude de banques centrales en soutien sur le long terme, relèvement des taux directeurs de la Réserve fédérale dès cette semaine ou non, les Bourses occidentales dans leur ensemble semblent à l’abri d’un été en pente dure…
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