Inattendue, la décision de l’Etat néerlandais de monter au capital d’Air France-KLM (FR0000031122-AF) a totalement rebattu les cartes sur ce dossier et ouvert une nouvelle période d’incertitudes.
Comme l’expliquait mon confrère Guillaume Duhamel dans ces colonnes la semaine dernière, Paris a eu bien du mal à cacher son exaspération devant la manière dont a procédé l’exécutif batave, même si les ministres des Finances des deux pays ont depuis lors tenté de calmer le jeu en indiquant de concert vouloir faire du transporteur franco-néerlandais la compagnie la plus performante du monde.
Dans l’immédiat, cette opération laisse supposer que l’Etat français ne montera pas au capital et que les positions actionnariales resteront figées. Elle n’en soulève pas moins de nombreuses interrogations de fond, notamment concernant l’attitude des deux autres compagnies aériennes détentrices d’une participation dans Air France-KLM, à savoir China Eastern Airlines et Delta Airlines, lesquelles sont actuellement propriétaires de 8,8% des actions chacune et n’ont pas encore réagi à ce qu’il est convenu d’appeler un raid boursier…
Air France est aujourd’hui beaucoup moins rentable que KLM
Si on regarde les droits de vote, l’Etat français demeure majoritaire avec 22,7%, devant l’Etat néerlandais (12,2%), et China Eastern Airlines et Delta Airlines (7,5% chacune), mais toutes les options sont envisageables, d’autant que lorsqu’on se plonge dans les comptes d’Air France et de KLM, la seconde est nettement plus rentable que la première… La marge opérationnelle de la compagnie néerlandaise est ainsi ressortie à 9,8% l’an passé, alors que celle de son homologue française n’a atteint que 1,7%.
Dans ce contexte, un renversement des alliances avec au bout du compte une prise de contrôle de KLM, aidée par China Eastern Airlines et Delta Airlines, ne peut être exclu.
Au global, les similitudes avec « l’affaire » Renault-Nissan sont troublantes, à ceci près qu’il n’y a évidemment pas de passage par la case prison dans ce cas de figure. Reste qu’il est fort probable que les accords conclus le 16 octobre 2003 seront revus de fond en comble, en particulier sur le plan de la gouvernance.
Quelle sera l’attitude de Benjamin Smith, sachant que c’est sans doute sa décision autour d’une énergique reprise en main des deux compagnies – en sus de relations très tendues avec Pieter Elbers, président du directoire de KLM dont il aurait un temps souhaité se séparer – qui a déclenché l’ire de La Haye ?
Il est encore trop tôt pour le savoir, mais cet épisode a d’ores et déjà fait une victime : le cours de Bourse. L’action a en effet chuté de près de 12% mercredi dernier, jour de l’officialisation de l’entrée au capital de l’Etat néerlandais. Et si la dynamique n’est peut-être pas totalement cassée sur un titre qui gagne encore un peu plus de 13% en l’espace d’un an, 17% depuis le 1er janvier et n’est toujours pas très cher avec un PER de 7 aux cours actuels, on peut tout de même douter que ce nouveau feuilleton provoque une ruée des investisseurs sur le titre…
Les marchés ne détestent en effet rien tant que les incertitudes politiques.
1 commentaire
Pourtant le motif est évident: vouloir faire de Air France un transporteur premium au dépens de KLM rétrogradée au rang de low cost, donc enlever à cette dernière sa meilleure source de revenu, ne pouvait qu’être un casus belli. Et en plus sans certitude que la clientèle suive étant donné qu’une montée en gamme réclame plus qu’une simple décision, l’image est un paramètre capital et une compagnie grévicultrice aura du mal à séduire cette clientèle. Le plus marrant ce sont ces pleureuses qui expliquent que les Hollandais n’avaient pas compris que c’était AF la maison mère et qu’ils devaient juste se soumettre est du plus haut ridicule car ils ont justement compris le principe en prenant une position de contrôle dans la maison mère et c’est bien cela le capitalisme. Et ne parlons pas du gouvernement qui affirme que l’entreprise doit être à l’abri du politique alors que lui-même intervient sans cesse!