Si La Bourse au quotidien avait fait un sondage en début d’année sur la plus forte hausse du CAC40 d’ici au 31 décembre, il est probable que vous n’auriez pas spontanément pensé à Safran (FR0000073272-SAF). Et pourtant, l’action de l’équipementier aéronautique, spécialiste des moteurs, des nacelles, des trains d’atterrissage et des systèmes de freinage progresse de quelque 30% depuis l’entame de cet exercice, devançant largement son dauphin Dassault Systèmes (+24,8%) ou encore Peugeot (+12,7%).
Cette remarquable performance, le groupe dirigé par Philippe Petitcolin, un licencié en mathématiques, fils d’éleveur et qui s’est construit à la force du poignet, la doit à un newsflow de grande qualité. En marge de la publication des comptes semestriels, Safran a par exemple substantiellement relevé sa prévision de croissance organique sur l’exercice, laquelle est désormais attendue dans une fourchette comprise entre 7 et 9%, contre de 2 à 4% attendu originellement. De même, le bénéfice opérationnel courant devrait grimper d’environ 20%, alors que la direction visait auparavant le haut de la fourchette comprise entre 7 et 10%…
Organisée la semaine dernière, la journée investisseurs, sorte de grand-messe à laquelle sont conviés les gérants du monde entier, a été l’occasion de préciser la stratégie du groupe sur les cinq prochaines années. Sans grande surprise, celle-ci est très offensive et s’articule autour de trois grands objectifs : « conforter (les principales positions de motoriste complet du groupe) dans le domaine civil et militaire », « devenir le numéro un mondial des fournisseurs d’équipements aéronautiques au cours des 15 prochaines années » et « augmenter les investissements dans l’innovation pour construire l’avenir du secteur ».
Des ambitions élevées en termes de rentabilité
En termes chiffrés, Safran table sur une croissance organique du chiffre d’affaires entre 4 et 6% sur la période 2019/2022, avec en particulier une augmentation de 7 à 9% des activités de services pour moteurs civils. En termes de rentabilité, la marge opérationnelle courante devrait pour sa part ressortir entre 16 et 18% d’ici 2022, à comparer à 14,6% au titre des six premiers mois de l’exercice en cours. J’ajoute que même les activités historiques issues du rachat de Zodiac Aerospace ont vocation à contribuer à cette performance, avec une profitabilité attendue autour des 15%.
Quant à l’Ebitda, il est prévu qu’il grimpe de 50% à l’horizon 2022, avec un accent mis sur la croissance organique plutôt que sur la croissance externe.
Pour rendre la copie vraiment parfaite, la direction du groupe a longuement insisté lors de cette réunion sur sa volonté de choyer ses actionnaires, à en croire les quelques échos que j’ai pu avoir de la part d’amis gérants qui ont pris part à cette journée investisseurs. Concrètement, Safran entend bien sûr dépenser les 2,3 Mds€ de rachats d’actions initiés cette année, en ajoutant 700 M€ supplémentaires l’an prochain, soit au total un peu plus de 6% des 46 Mds€ de la capitalisation boursière de la société. Une manne sans équivalent sur la cote parisienne.
Reste à se demander si Safran pourra poursuivre sur cette lancée en 2019. En l’état actuel, il me paraît présomptueux d’envisager une progression aussi importante, même si l’aéronautique est maintenant considéré comme un secteur de croissance, grâce notamment à la montée en puissance des classes moyennes en Inde et en Chine.
Les ratios sont en effet assez élevés avec par exemple un PER supérieur à 20 sur 2019… Pas sûr dans ce contexte qu’en cas de reprise des marchés, à la faveur d’un assouplissement des tensions commerciales, le titre soit en première ligne.
De là à envisager à l’inverse un effondrement du titre, il y a un grand pas que je ne franchirai pas.
Au bout du compte, je crois plutôt qu’il faudra attendre une consolidation limitée à 7/9% avant de revenir sur la valeur.