Avec la promesse de liquidités gratuites évoquées à 48H d’intervalle par la BCE et – plus timidement – par la FED, l’appétit pour le risque est revenu en force. Et comme les entreprises cotées ont repris leurs rachats de titres (« buybacks ») de plus belle, le papier se fait rare (à coup de 800 à 1 000 Mds$ par an depuis 2017, le « flottant » s’assèche à une vitesse jamais vue de mémoire d’investisseurs).
Il y a de la demande et, surtout, toute une génération de gérants pas trop regardants (formatés pour faire du quantitatif plutôt que du qualitatif, et soumis à l’impératif de ne pas s’éloigner du « Benchmark »).
Avec le véritable surgissement boursier de 18 à 21% de fin décembre au 30 avril dernier, s’est ouverte une fenêtre idéale pour les « IPO » : nombre de gérants étaient désespérément sous-investis et il leur fallait regarnir leurs portefeuilles.
C’est le moment qu’avaient choisi Lyft et Uber pour faire leur entrée dans la cour des grands : passé le « coup de chapeau » technique des premières heures de cotation, les cours se sont orientés à la baisse et cela a un peu douché les « permabulls ».
Ces entreprises vendaient du rêve : elles ont dû se plier aux lourdes obligations réglementaires incombant aux sociétés cotées et se montrer transparentes sur leurs comptes… mais également divulguer des perspectives crédibles, et non plus vendre des châteaux en Espagne.
Le nombre de licornes (entreprises non cotées valant plus d’un milliard de dollars) s’est multiplié, mais leurs valorisations théoriques ont commencé à plafonner : c’est un signe qui ne trompe pas et les initiés cherchent à récupérer leur mise.
Après un passage à vide au mois de mai (sitôt Uber introduit le 10 mai dernier), Wall Street s’est spectaculairement redressé en l’espace des 3 premières semaines de juin, le S&P500 inscrivant – fort opportunément – un nouveau zénith historique à 2 964 points peu après l’ouverture du vendredi 21 juin dernier, celui des « 4 sorcières » (verrouillant un gain annuel de 17%).
Des entreprises en grande partie déficitaires
Avec un sens du « timing » aiguisé, Slack s’était introduit via un système d’offre directe à prix prédéfini de 26 $ (pas de fourchette d’IPO) qui s’est soldé par un véritable plébiscite : le titre s’est envolé de 61% vers 42 $ dès les premières minutes de cotations (avant de marquer le pas vers 37$). Sa valorisation a atteint 16 Mds$ (une valorisation plus que doublée en 10 mois) alors que l’entreprise ne réalise que quelques millions de chiffre d’affaires !
Slack propose aux entreprises un outil assez comparable à Whatsapp, permettant à leurs employés de communiquer en temps réel et de partager des fichiers.
Des dossiers plus confidentiels ont connu des débuts encore plus tonitruants la semaine dernière : Chewy a bondi de 59% par rapport à son cours d’IPO, CrowdStrike de 71% et Fiverr de 90%.
Selon le cabinet de recherche IPOScoop, le gain moyen des 65 sociétés qui se sont introduites aux Etats-Unis depuis le début de l’année est actuellement de 40%, soit près de 2 fois la performance du Nasdaq (+21,5%).
Mais attention, il y a un piège : 81% des entreprises introduites depuis 1 an (entre juin 2018 et juin 2019) ne dégagent pas de bénéfices… une façon pudique d’exprimer le fait qu’elles perdent de l’argent, y compris par centaines de millions comme Lyft, voir par milliards, comme Uber. Un ratio de 81% d’entreprises non profitables n’est comparable qu’à la bulle Internet de 1999/2000.
Il n’en reste que comparaison n’est pas raison puisque nombre d’entreprises classées « licornes » ont un vrai business model, de vrais clients (cloud, exploitation des « data », entreprises de biotechnologies ayant atteint le stade des essais cliniques, etc.).
Un retournement de tendance trop évident ?
Le problème, c’est que toutes ces introductions ont eu lieu en « haut de cycle », avec des scénarios idylliques auxquels les investisseurs avaient envie de croire.
Qu’adviendra-t-il d’entreprises qui doivent faire leurs preuves si la conjoncture se dégrade ?
Les gérants voudront-ils conserver des titres lourdement déficitaires parce qu’ils sont sûrs de détenir le prochain « Amazon » ?
Les analystes techniques sont vigilants : ils ont tous constaté que le Dow Jones qui s’est hissé vers 26 900 (à 17H10 vendredi dernier) a tutoyé son record du 3 octobre2018 à 40 points près: (0,2%). Le S&P500 s’est hissé vers 2 964 avant de redescendre à 2 950, tout comme le 1er mai dernier à l’ouverture… soit 10 points de mieux que lors du zénith de mi-septembre 2018.
Le risque de « M » baissier ou « double-top » (figure de retournement de tendance) est évident, aussi bien à court terme qu’à moyen terme, et les optimistes estiment que le risque d’une correction majeure ne se matérialisera pas… puisque tout le monde est « couvert » contre un tel scénario. Le marché pourrait alors leur donner raison en franchissant les sommets d’ici la fin du mois (abandon des couvertures pour beaucoup) et c’est là qu’un renversement de polarité serait le plus dévastateur.
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