François Hollande et Manuel Valls, ainsi que la plupart de leurs homologues européens (réunis mercredi 29 juin pour le premier sommet « post-Brexit », et en l’absence de David Cameron), sont unanimes.
Le message du peuple britannique a été compris, l’abcès d’une Europe punitive et technocratique doit être crevé. Il ne faut pas moins d’Europe, mais « mieux d’Europe » pour restaurer la confiance des peuples.
Chacun y va presque de sa petite larme dans l’hémicycle de Bruxelles et de ses regards assassins tournés vers Nigel Farage, leader de l’UKIP, parti eurosceptique pro-Brexit, qualifié de « super menteur » (il l’a effectivement bien cherché).
Ainsi, il faut refonder l’Europe. Pour s’atteler à cette tâche, qui de mieux placé que le couple franco-allemand, moteur du projet européen depuis 65 ans ?
Les deux ministres des Affaires Etrangères allemand et français, Frank-Walter Steinmeier et Jean-Marc Ayrault, sociaux-démocrates convaincus, ont aussitôt planché sur le projet d’un budget commun à l’eurozone destiné à l’investissement, puis à la refonte des processus d’ajustements budgétaires unilatéraux (jugés trop rigides) auxquels doivent se conformer le pays « hors des clous ».
Il n’aura fallu que quelques heures à Wolfgang Schaüble, l’austère ministre allemand des Finances, pour reprendre l’idée d’un Fonds monétaire européen (FME)… en lui assignant une mission qui prendrait l’exact contrepied de celle défendue par Steinmeier et Ayraul. A savoir : pas question d’aller vers plus de solidarité financière, les règles budgétaires communes ne doivent pas être assouplies, mais durcies !
Schaüble réaffirme que « les Etats membres ne peuvent pas se dédouaner de leur propre responsabilité pour parvenir à un budget stable, ni se dispenser d’accomplir des réformes structurelles ». Il défend le principe d’un « droit de rejet des budgets nationaux par le futur FME (devenant l’incarnation d’une « troïka permanente ») lorsqu’ils en remplissent pas les critères du pacte de stabilité ».
Les pays réfractaires s’exposeront à des amendes et pourraient se voir imposer les réformes structurelles nécessaires, au risque de voir l’Europe bloquer le versement des fonds structurels prévus en retour des contributions au budget européen.
La contre-proposition de Schäuble vise à torpiller tout projet de mécanisme plus redistributif alors même que l’Allemagne se voit reprocher l’ampleur de ses excédents, accumulés, soit disant au détriment des pays partenaires de l’eurozone, tandis que la plupart ne sont pas adaptés à fonctionner avec un « Euromark ».
Imaginez certains pays européens décidant de s’en remettre au scrutin démocratique pour approuver le principe d’un FME qui aurait le droit d’arbitrer le match des budgets nationaux et de distribuer les cartons jaunes et les cartons rouges !
La seule option, pour aller au bout de la logique, serait l’expulsion des joueurs fautifs et récidivistes ! Nous avons déjà la liste des noms (la France figure dessus). Mais les Britanniques, qui n’en auraient pas supporté le quart du dixième, venant de s’expulser eux-mêmes, il n’est peut-être pas opportun d’évoquer maintenant le renvoi aux vestiaires des joueurs objets d’un avertissement !
Est-ce qu’Angela Merkel ne rendrait pas un grand service à l’Europe en organisant, pour son propre usage, une consultation démocratique au sujet des sympathiques propositions de Wolfgang Schaüble pour s’assurer définitivement que l’Allemagne n’est capable de bien fonctionner qu’avec elle-même ?
Soyons honnêtes : nous pouvons appliquer le même genre de raillerie à la France, l’Italie et l’Espagne. En ce qui concerne la Refondation de l’Europe, ce nouveau grand départ, il en existe au moins 27 concepts différents !
Avant qu’un consensus (qui décevra tout le monde) n’émerge, cela risque de prendre un certain temps. Or, les marchés sont tout sauf patients. Eux qui commencent déjà à piaffer à cause du Brexit, dont la mise en œuvre pourrait devoir attendre le 9 septembre !
Et que dire du suspens de la désignation officielle des deux candidats américains à la présidentielle de novembre et de leurs colistiers ? Il faudra patienter jusqu’au 21 juillet (les conventions démocrates et républicaines, qui s’étendent sur quatre jours, débuteront le 18 juillet). Avant cette date, pas de programme économique officiel non plus !
Nous avons devant nous trois grosses semaines d’incertitude politique. Tout ce que les marchés détestent ! Les brasseurs d’argent comptent sur les banques centrales pour tenir la baraque, pour leur éviter de gamberger et surtout de faire un bad trip…
Vous connaissez le contenu de la trousse de secours des banques centrales par cœur : la grosse shooteuse à liquidité chargée de QE4, le compresseur de taux (qui écrase les rendements obligataires et les enfonce en territoire négatif)… et surtout le pendule dont les banques centrales se servent pour hypnotiser les marchés tandis qu’une voix suave répète inlassablement « la croissance redevient plus robuste, le chômage se réduit, l’inflation devrait tendre vers 2% ».
Il y a tout juste une semaine, une autre voix suave ânonnait « le Bremain est en tête, le Brexit perd du terrain, il ne reviendra pas dans la course ». Nous connaissons tous la suite. Mais celle qui nous intéresse, c’est celle qui n’est pas encore écrite. L’avenir ressemble plus que jamais à un brouillard londonien !
Les marchés tentent de surmonter cette difficulté en ayant recours à l’analyse technique. Autrefois, celle-ci avait une valeur prédictive, car certains comportements humains produisaient des figures, respectaient une certaine forme de cyclicité (alternance de peur et d’avidité).
Aujourd’hui, il n’y a plus de psychologie à analyser (95% des échanges sont algorithmiques) et les sherpas du marché (dotés de superordinateurs) dessinent eux-mêmes des ébauches de figures sachant que les robots les plus basiques rendront le scénario initial auto-réalisateur.
C’est une sorte de grand « Jacques a dit » financier dans lequel la phrase la plus fréquente est « Jacques a dit… MONTEZ ! ».
Et depuis mardi, alors qu’il ne restait que trois séances pour « habiller » les bilans de fin de semestre, c’est une reprise en « V » qui a été enclenchée. Elle était destinée (comme c’est le cas depuis 7 ans) à effacer au minimum 50% du terrain perdu les 24 et 27 juin. Cela s’est déroulé comme dans un rêve, avec un CAC 40 revenant tester les 4 225, l’Euro Stoxx 50 les 2 850 et le DAX 30 les 9 700 points.
C’est presque trop parfait, comme une véritable mécanique céleste. Le piège, c’est justement de se dire que c’est trop beau et que ce qui découle des comportements humains contient une part d’aléatoire bien trop importante pour que cela fonctionne comme dans les manuels d’analyse technique.
Mais c’est pourtant bien le cas : l’Euro Stoxx 50 a testé presque au point près son plancher des 2 680 du 11 février dernier.
Le S&P 500 s’est appuyé au dixième de point près sur le palier des 2 000 et le CAC 40 a raté la cible avec le plus gros écart, environ 1,5% par rapport au plancher graphique des 3 890.
Il fallait évidemment se fier au S&P et à l’Euro Stoxx 50, parfaitement au rendez-vous de ce 30 juin avec un timing parfait, puisque le 1er semestre s’achève aujourd’huiet une cible atteinte dès mercredi soir en transaction hors séance… comme pour tuer tout suspens.
C’est ce moment, apparemment programmé par les sherpas, qui nous offre l’opportunité de racheter les BX4, BXX et DSD pratiquement 12% moins cher que nous les avions vendus lundi.
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