La semaine passée fut le théâtre (c’est bien le mot qui convient) de l’annonce fracassante du tout nouveau QE3. La tentation est trop forte de vous faire partager un point de vue personnel sur le sujet, pour ensuite bien évidemment retourner à nos moutons : l’analyse technique, qui sera cette semaine consacrée à l’évolution du CAC.
En préambule, que les choses soient claires : j’adhère totalement aux commentaires de mes collègues aux Publications Agora : la Fed et la BCE ont « manipulé » les marchés depuis de nombreux mois à l’aide de leurs discours pleins d’espoir et/ou interventions.
Les marchés ont monté dans l’expectative de nouveaux plans, d’argent toujours moins cher, leur permettant à nouveau de spéculer — et de la possibilité de refourguer gratos (ou presque) leurs dettes pourries aux banques centrales. Tout va donc pour le mieux dans le meilleur des mondes financiers, comme vous l’expliquait Philippe Béchade fin août.
Dans la vraie vie, un QE3, ça serait un peu comme si vous vouliez vous débarrasser de votre vieille voiture pourrie qui perd des boulons et dans laquelle vous voyez le bitume à travers le plancher rongé par la rouille. En théorie, personne n’en veut.
Sauf que, ô miracle, votre concessionnaire local entre en scène et vous fait une offre du genre qui ne se refuse pas.
Le gars, affublé d’un sobriquet passablement ridicule (Ben Mario), philanthrope ou magouilleur (vous ne voulez pas savoir) s’avance vers vous, le sourire aux lèvres : « Pas de problème mon gars. Je te reprends ta vielle Simca 1000 et je te refile en échange le dernier coupé cabriolet à la mode. Mais tu iras boire un verre à ma santé et saluer Jojo de ma part, il a pas trop le moral en ce moment. » Dans le monde de la finance, vous venez de troquer vos dettes pourries contre de nouvelles obligations.
La vie est décidément trop belle : vous allez frimer avec votre nouvelle voiture toute neuve (comprendre : afficher de beaux bilans) et par la même occasion, remonter le moral à Jojo (acheter des actions et faire monter les marchés).
Evidemment, c’est une caricature ultra-simpliste : nous ne nous sommes pas arrêtés sur l’intérêt du concessionnaire. Peu importe : lui, magouilleur ou sauveur, il voulait vous refiler son cabriolet et que vous alliez remonter le moral à Jojo. D’habitude, ça marche. D’habitude, pour fêter votre beau cabriolet, l’alcool coule à flots chez Jojo — les marchés explosent après un QE ou autre « mesure non-conventionnelle ».
Sauf que là… vous redoutez la gueule de bois. Pas en forme, des soucis, vous devez assurer au bureau demain… vous n’avez pas spécialement envie de passer la nuit au bar à boire avec Jojo à la santé de Ben. Vous commandez une bière, et vous rentrez. Fin de l’histoire dans la vraie vie. Les marchés n’ont pas l’air de sauter de joie, comme nous allons le voir dans l’étude graphique qui va suivre. Il est fort à parier qu’un newsflownégatif reprendra vite le dessus.
◊ Donc en termes de trading, que devez-vous attendre ?
Une petite vue graphique va nous permet de recadrer le champ de bataille et de voir où se trouvent les tranchées.
◊ En unité de temps hebdomadaire, le graphique du CAC 40 est simple et clair : résistances !
Si les indices américains ont cassé quelques résistances, pour le CAC, c’est l’inverse : il se situe JUSTE en dessous d’une zone de résistances majeures composées par :
- la résistance (marron) du canal baissier long terme ;
- la résistance (ligne rouge en pointillé) qui est déterminée par la présence du dernier plus haut relatif du CAC. D’ailleurs, en analyse technique, un plus-haut (ou plus-bas) relatif donne excessivement souvent lieu à des prises de position.
Ces deux résistances se conjuguent donc pour former une jolie barrière de péage sur l’autoroute du bonheur dans la zone des 3 600 points.
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Alors, comme à chaque fois que les prix abordent des zones de résistance ou de support majeures, j’essaye d’évaluer ce que traficotent les « grosses mains ». Ceux qui peuvent faire bouger le marché. Sont-ils dans une phase d’accumulation (achat) ou de distribution (vente) de leurs positions ?
IMPORTANT
Alors que la plupart des investisseurs doivent se contenter de gains de quelques pour-cent sur les actions et les indices, quelques traders bien informés amplifient et multiplient par 7 en moyenne le moindre mouvement des actions et des marchés à la hausse ou à la baisse, engrangeant des gains à deux, voire trois chiffres. |
◊ Ce que nous disent les volumes : attention !
Pour ce faire, j’ai développé un outil dérivé de l’OBV (On Balance Volume) qui mesure justement la pression des volumes, c’est-à-dire la façon dont le marché distribue les cartes.
Pour prendre un exemple, vous pouvez très bien vous situer dans un marché qui a l’air haussier (et qui l’est) mais dans lequel une phase de distribution se met en place. En clair, cela veut dire que les bougies haussières se font dans de faibles volumes, alors que les bougies baissières — même si elles sont petites en amplitude — sont utilisées par les opérateurs pour VENDRE ou SOLDER leurs positions. Et ce dans des volumes beaucoup plus conséquents.
Moralité : on vous fait croire que le marché est haussier en poussant les prix sur de faibles volumes, mais les volumes gonflent en réalité sur des mouvements baissiers. C’est ce que l’on appelle une divergence baissière sur les volumes. Une telle divergence baissière est apparue il y a quelques jours sur le CAC.
C’est une information privilégiée qui permet de détecter ce qui se trame en coulisse. Cet indicateur (OBVD sur le graphe ci-dessous), je l’appelle mon « radar anti-enfumage ». Il m’a sauvé la mise tellement de fois que je ne les compte plus.
Prenons désormais le CAC 40 en unité de temps (UT) journalière. Et nous notons ici aussi la présence d’une résistance importante qui se situe aussi dans la zone des 3 600 points.
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Ensuite, comparez l’évolution des prix et celle de l’OBVD (toutes deux indiquées par des segments rouges). Les prix montent, mais l’OBVD s’oriente à la baisse. Cette divergence baissière sur les volumes indique clairement un flux de désengagement. Les « grosses mains » n’applaudissent pas le QE3, bien au contraire : ils vendent ou se désengagent et une rotation baissière se met en place progressivement.
Et quand cette configuration apparaît juste sous des résistances majeures, comme c’est le cas présent sur le CAC, alors les sonneries d’alarme retentissent. Si cette phase de distribution persiste encore quelques jours, cela voudra dire que le flux acheteur sera par trop diminué. Que les vendeurs pourront facilement reprendre la main à la moindre occasion. La voie sera libre pour inverser (souvent brusquement) le mouvement car les opérateurs auront finalisé leurs rotation d’actifs.
◊ Conclusion : faites bien attention à partir de maintenant
- Résistances hebdomadaires et journalières se regroupent dans la zone des 3 600 points.
- L’UT hebdomadaire évolue dans un canal baissier. Les prix sont pratiquement à son contact.
- L’analyse des volumes de l’UT journalière montre que la participation au mouvement haussier n’est pas solide et (pire) que le marché a commencé à se désengager.
Le CAC pourrait donc nous réserver bien des surprises à très court terme.
Personnellement, j’attends un signal via mes setups de trading qui me permettront d’initier une position vendeuse avec la possibilité de placer un stop extrêmement serré (et c’est crucial) afin de bénéficier d’un ratio risque/gain comme le marché n’en offre que rarement.
Si vous voulez creuser le sujet et obtenir plus de détails, vous pouvez consulter la dernière analyse que j’ai publiée sur le site Pro AT.
1 commentaire
Merci pour la qualité de vos commentaires qui relèvent d’un talent hors du commun. Votre générosité impose le respect.
claude