Près de 100 Mds€… C’est la capitalisation boursière d’Inditex (ES0148396007), la maison mère de Zara, aussi propriétaire de marques connues comme Massimo Dutti, Pull and Bear ou Berschka. Une valorisation qui permet au groupe de dépasser largement les 80 milliards de LVMH (FR0000121014) et de s’affirmer comme la première marque de textile au monde. Et dire qu’en 2001, lors de son introduction en Bourse, la société ne valait que 8 Mds€… À l’époque LVMH en valait déjà une trentaine. Cette progression montre en tous les cas que, même dans le milieu de la mode, la création de richesse n’est pas seulement dans le luxe. On pourrait retrouver un scénario similaire dans l’aviation où des low cost, comme Ryanair (IE00B1GKF381) ou Easyjet (GB00B7KR2P84 EZJ), ont, elles aussi, eu leur succes stories, parfois même peut-être au détriment des entreprises du même secteur plus positionnées luxe : il suffit de regarder le cours d’Air France (FR0000031122) pour s’en convaincre…
Mais revenons à Indietex : comment expliquer une telle réussite ? Il n’y a pas de réponses uniques, mais les choix logistiques et industrielles radicaux de Zara en font probablement partie. La stratégie de Zara est de renouveler ses boutiques quasiment tous les quinze jours, en passant par une chaine de production relativement locale. Jugez plutôt : 50% des produits du groupe sont en effet fabriqués en Europe et dans le bassin méditerranéen, permettant un réassort ultra-rapide en magasin. Comme vous vous en doutez, ce type de stratégie hyper-réactive – permettant à un produit se vendant bien de ne jamais se trouver en rupture de stock et aux autres de ne plus être produits – serait particulièrement difficile à mettre en place dans le cadre d’une collaboration avec un fabricant chinois : la livraison prend nettement plus de temps et les contrats sont négociés à long terme. Par cette stratégie dynamique d’essais et d’erreurs ce sont, chaque année, plus de 30000 modèles qui sortent des bureaux espagnols animés par quelque 200 créateurs… Difficile de faire mieux sur le plan de la diversité de l’offre.
Autre particularité : vous ne verrez pas beaucoup de publicités pour la marque. En effet, dans les magasins le turn over des produits est si rapide que les clients (en majorité des clientes) savent qu’elles doivent venir souvent pour avoir une chance de mettre la main sur une nouveauté, et ce sans budget publicitaire. Certes, parfois, le groupe utilise le scandale pour exister. C’est ainsi, par exemple, que, en août 2014, la société avait installé en rayon un tee-shirt rayé bleu marine avec une étoile jaune, qui ne pouvait pas ne pas rappeler celle imposée aux Juifs par les nazis. Cependant, certains se disent encore que cette affaire n’était qu’une grossière erreur involontaire et ne reposait en rien sur une stratégie marketing pensée…
Reste que, malgré ses quelques faux-pas, le groupe se déjoue complètement de la conjoncture économique. Entre 2009 et 2014, son chiffre d’affaires est passé de 11 à 18,1 Mds€. Et ce en atteignant une rentabilité nette ayant de quoi faire rêver : sur le dernier exercice, la marge nette d’Inditex s’élevait encore à 13,9%, ce qui est remarquablement pour une marque surfant sur des prix plutôt modestes. Pas de mystères donc si la Bourse applaudit des deux mains le parcours du titre, même si l’action commence à être chère avec un PER de 40 sur 2015 et encore de 28 sur 2016.
Mais, pour conclure, laissons la parole à un ami gérant d’une grande banque britannique, spécialisé sur la péninsule ibérique : « On n’achète pas Zara pour ses ratios mais pour son concept unique en Europe. C’est la seule valeur sur laquelle on peut aller les yeux fermés pour jouer l’économie espagnole ».