Je reviens aujourd’hui à nouveau sur un de mes indicateurs préférés (et pour cause, c’est un des seuls que j’utilise pour trader) : le commitment of traders. Vous allez voir comment on peut l’utiliser pour analyser la force du billet vert et le déséquilibre généré. Mais d’abord, quelques notions indispensables.
Qu’est-ce que le Commitment of Traders (COT, de son petit nom)
Le COT un rapport hebdomadaire publié par la Commodity Future Trading Commission. Il indique le positionnement des traders professionnels des marchés future et options américains. Ainsi chaque semaine les traders classifiés sont obligés de rapporter leurs positions. Voici à quoi ressemble le COT.
Je vous l’accorde, c’est un peu rédhibitoire, mais cela va nous permettre de voir les notions que vous devez connaitre avant d’aller plus loin dans le trading du COT.
Comment lire le COT
La première donnée à observer, sans doute la plus importante, est la différence entre les deux catégories principales de traders.
- Les Commerciaux : Ce sont les agents qui se servent des marchés options et futures pour ajuster et couvrir un stock réel ou une activité liée au sous-jacent physique. Par exemple, un agriculteur qui veut couvrir le prix de sa récolte de blé ;
- Les Non-commerciaux : Ce sont les spéculateurs. Ceux qui essaient de faire des profits en échangeant les contrats sans but de couverture et sans rapport au sous-jacent réel. Par exemple, vous qui achetez des contrats sur le pétrole mais qui ne vous ferez jamais livrer les barils à la maison !!
D’autres termes méritent également d’être expliqués.
- Long : Les positions acheteuses
- Short : Les positions vendeuses
Et enfin une dernière notion à connaitre pour la suite :
- Open interest : ce sont des contrats qui n’ont pas de contrepartie identifiée au moment du rapport. Les contrats « ouverts » donc à la négociation.
Les commerciaux, la main invisible des marchés ?
En tous cas une chose est sûre, ce sont les commerciaux qui font la tendance. Ces agents de couverture travaillent pour des institutions pesant plusieurs milliards de dollars. On dit souvent que c’est la catégorie de traders qui a les poches les plus profondes, tant leur capacité d’action est quasi illimitée !
Aussi, selon leurs anticipations, leurs mouvements, les tendance se font et se défont au rythme de leurs transactions. Mais la première chose à réellement bien comprendre, c’est que les commerciaux ne sont pas comme les investisseurs traditionnels. Ils ne cherchent pas à gagner d’argent directement sur les marchés mais à protéger/optimiser une transaction future et physique.
Prenons un exemple, qui rejoint ce que Gaël Deballe vous expliquait dans un précédent article : comment les agriculteurs ont besoin, dans la vie réelle, des contrats à terme.
La problématique du producteur de blé est de récolter en été mais de ne vendre qu’en octobre.
Or s’il veut s’assurer du prix de vente de son boisseau ou de sa tonne à une échéance donnée, il va vendre un contrat dit « à terme » à un prix donné (ce que l’on appelle aussi un « future »). Il ne recherche en aucun cas à gagner en direct sur ce contrat, mais à sécuriser le prix de vente de son boisseau de blé.
Vous avez sur cette première image la représentation de la couverture d’un producteur de blé qui compense la perte du prix du boisseau par les gains sur le contrat future.
A l’inverse, cette image représente la neutralisation des prix en cas de hausse. Cette fois la couverture génère des pertes mais l’essentiel est préservé : le prix de vente de la production !
Il est indispensable de comprendre que les commerciaux se moquent de perdre de l’argent sur leurs positions détenues en contrats à terme puisque ce ne sont que des « assurances » qui sont équilibrées avec la valorisation de leurs stocks ou production. En clair ils cherchent la neutralisation du prix à une échéance donnée.
L’exemple du producteur de blé est bien entendu très simplifié et sous-dimensionné volontairement. Mais à l’échelle des transactions des marchés futures et options, ce sont des milliards qui s’échangent en permanence au travers de contrats de toutes échéances et de toute nature.
Et pour permettre ces échanges, il faut la seconde catégorie de traders : les spéculateurs.
Spéculateurs, la contrepartie utile (si, si) !
Souvent décriés, mal aimés (j’en sais quelque chose), le métier de spéculateur est pourtant indispensable au bon fonctionnement du marché car il va être la contrepartie des commerciaux et va donner la liquidité et le prix du marché.
Le spéculateur est celui qui va chercher à gagner de l’argent en profitant de la tendance des prix et des mouvements pendant la période du contrat jusqu’à son échéance. Il n’y a ici aucune transaction physique et jamais un spéculateur ne se fait livrer des tonnes de blé ou des camions de bovins au bureau… (même si certaines histoires de traders obligés de se faire livrer des bêtes en plein Texas ou des barges entières de charbon circulent parfois dans les couloirs !)
En clair pas de sécurité de revenu pour les producteurs sans spéculateurs pour acheter les contrats à terme ! Bien entendu, le débat sur les abus de la spéculation reste ouvert…
Mais ne nous égarons pas et reprenons notre exemple du producteur de blé et de ses 100 tonnes.
Il a vendu 100t de contrats à un spéculateur au prix de 160€/t, or le spéculateur, lui, pense justement que le prix qui a déjà atteint ce seuil va continuer sa tendance et grimper à 170 ou 180 €/t. Il revendra ainsi ses contrats avant l’échéance à un autre spéculateur ou à un acheteur aux besoins réel en blé (qui veut, lui, couvrir ses prix d’achats) pour prendre des gains sans jamais avoir vu la couleur du blé… sans mauvais jeu de mot.
Comprendre la mécanique des marchés…
Le marché est ainsi composé de deux camps :
- Les commerciaux achètent quand les prix sont bas et vendent quand les prix sont hauts et sont donc à contre-tendance. Regardez ce que cela donne sur l’EURUSD ci-dessous : au fur et à mesure que la paire chute (donc que l’euro chute par rapport au dollar), les commerciaux (courbe rouge dans le second volet) achètent. Les deux courbes évoluent en sens contraire.
- A l’inverse les spéculateurs, contrepartie des commerciaux, vont vendre quand les prix sont bas et acheter quand les prix sont hauts car ils suivent la tendance. On voit bien, sur ce même exemple, que la tendance des spéculateurs (courbe verte) est à la vente en même temps que l’EURUSD baisse… et à l’achat quand la paire remonte.
Les premiers font la tendance par leur puissance de feu et leur anticipation, les autres l’alimentent en servant de contrepartie. Ainsi va la vie du marché. Une fois cette mécanique intégrée, nous allons pouvoir étudier d’un peu plus près ces mouvements grâce à l’indicateur COT. Mais assez pour aujourd’hui, nous verrons cela dans un prochain article !
4 commentaires
[…] vous voulez prendre le temps de tout bien comprendre, relisez mes précédents points théoriques ici et ici, notamment pour comprendre pourquoi ça baisse quand les commerciaux […]
Je comprend l’exemple du producteur de blé ou de voitures etc. qui assurent son prix par le contrat à terme, les acheteurs du blé ou des voitures au terme et le rôle du spéculateur mais en ce qui concerne les devises, qui sont les « commerciaux » sur les paires de devises ?
Merci
Bonjour,
Vraiment votre article est très intéressant. Vous expliquez très bien les mécanismes des marchés à terme et vous en remercie.
J’aimerais vous poser la question suivante : sur le site du CFTC, les publications du COT sont publiées très tardivement, plusieurs jours après, ce qui le rend inexploitable pour le trading de devises. Pourriez-vous m’indiquer où le trouver dès sa publication?
D’avance je vous remercie,
Olivier
Bonjour monsieur
Le COT est décalé d’une semaine. Le site de la CFTC le publie en premier, il n’y a aucun moyen d’avoir les chiffres avant.
C’est ce qui fait du COT un indicateur uniquement exploité en swing trading.
Cordialement.
La Rédaction