Beaucoup de stratèges se revendiquent optimistes pour les actions et les matières premières en 2010. Non pas du fait de signaux incontestables de reprise économiques (si jamais ils se matérialisent d’ici 2011, ils ont déjà été joués et même sur-joués) mais parce que l’argent devrait demeurer abondant et gratuit, de par la volonté réitérée des banques centrales.
La formation de bulles d’actifs négociables ne semble pas constituer une menace pour Ben Bernanke. Il affirme ne rien détecter depuis des mois. S’il n’était tenu d’employer le ton réservé qui sied à sa fonction, il ne saurait encourager plus clairement les spéculateurs à commettre tous les excès possibles, sachant par avance que la Fed fermera une nouvelle fois les yeux.
De l’avis même de celui qui règle le débit des liquidités disponibles depuis janvier 2006, les marchés n’ont aucune raison de s’émouvoir d’un gain de +80% sur le Nasdaq en 9 mois et de +70% sur le S&P 500. Ce rythme de croissance — deux fois plus fort et rapide que de mars à décembre 2003, alors que la période était vierge de toute menace de faillite pour cause de surendettement, avec des banques commerciales prêtant à tout-va à l’ensemble des agents économiques — n’a pourtant jamais été observé !
Qu’espérer de plus, sinon un doublement de valeur du Nasdaq ou du S&P ? Certains n’hésitent pourtant pas à jouer cette stratégie. Mais nul n’est obligé de privilégier la fuite en avant vers les 2 550 ou 1 330 points lorsque des stratégies moins risquées et tout aussi rémunératrices sont praticables.
◊ Un élément parmi les plus intéressants de ces 18 derniers mois est la corrélation dollar/pétrole/Dow Jones
Tant que le dollar consolide, l’évolution du baril suit assez fidèlement le chemin tracé par l’indice américain ; l’inverse se produit lorsque le billet vert se redresse, comme lors de la période de liquidation boursière s’étendant de fin novembre 2008 à mi-mars 2008, marquée par plusieurs rebonds successifs du billet vert (liquidation des positions de carry trade yen/dollar).
Autrement dit, avec un minimum de sens de l’observation, il est assez facile de déterminer (en fonction de l’orientation du dollar) qui du Dow Jones ou du baril joue alternativement le rôle de « l’éclaireur ». On peut donc désormais n‘avancer que sur un terrain bien balisé, dans des conditions de sécurité optimales.
Alors que le consensus est haussier à plus de 70% sur les actions, le pétrole, les matières premières — bref sur tout ce que les spéculateurs peuvent acheter sur un marché organisé avec de l’argent « pas cher » –, il va s’avérer primordial de ne pas jouer le rôle de « dernier converti » à la tendance dominante (qui serait, de l’avis général, inexorablement haussière).
Nous avons pu constater récemment (du 4 décembre au 4 janvier) que la hausse ou la baisse du dollar n’a finalement que peu d’impact sur la progression des actions.
◊ Mais la corrélation n’est pas si limpide
Si la relation mécanique avec les cours du pétrole fonctionnait encore à la mi-décembre… le lien semble soudain se distendre à son tour. Le baril vient de rebondir de 69$ vers 82$ sans que le billet vert ait rien regagné ni reperdu puisqu’il fluctue depuis 15 jours entre 1,425 et 1,44.
En fait, l’or noir semble grimper dans tous les cas de figure et la hausse des indices boursiers dépend de leur pondération plus ou moins forte en valeurs pétrolières.
Si le baril franchit la grosse résistance des 82$, Wall Street suivra… comme toutes les places européennes dans son sillage… La Fed n’y verra aucune objection, ni même le signe précurseur d’une vague d’inflation. L’indice des prix US n’avait même pas bronché en 2007/2008 avec un baril passant de 50 à 146$ : pourquoi faudrait-il s’inquiéter davantage d’un rally amorcé vers 34$ en direction des 90 ou des 100$?
◊ Comment jouer le pétrole ?
Au-delà des 82$, le pétrole devrait s’en aller combler le gros gap de rupture baissier des 86,4$ du 9 octobre 2008. La tentation serait alors très forte d’anticiper une fermeture dans la foulée du gap des 92,8$ du 3 octobre (date sinistre pour les indices boursiers)… Mais ce serait oublier un peu vite que le palier des 86/86,5$ avait fait office de support du 5 décembre 2007 ou 5 février 2008.
Symétriquement, une rechute sous les 75$ pourrait être annonciatrice d’un mouvement de consolidation général sur les actions, la cassure des 72$ préfigurerait l’invalidation de la tendance haussière en vigueur depuis mi-mars 2009 à Wall Street et en Europe.
Quoi qu’il en soit, le débordement (ou le non débordement) des 82$/baril va s’avérer crucial. Notre message est qu’aucune stratégie offensive à la hausse de quelque nature que ce soit ne doit être mise en oeuvre tant que cette résistance n’aura pas été effacée.