Chers lecteurs,
C’était il y a bientôt cinq ans. J’étais à l’époque un « rookie » dans le monde du journalisme financier, mais je m’en souviens presque comme si c’était hier. Minés par des divergences politiques profondes, et que d’aucuns avaient fini par croire irréversibles, les Etats-Unis étaient au bord du défaut de paiement. En ce mois d’octobre 2013, l’Oncle Sam traversait une crise budgétaire largement oubliée du grand public, mais qui n’en aurait pas moins pu provoquer une véritable onde de choc à l’échelle planétaire.
Au dernier moment et après seize jours de « shutdown », le 18e du gouvernement fédéral américain depuis 1976 et dernier en date, le Congrès avait fini par relever le plafond de la dette américaine. Face à la menace d’un péril qui n’aurait fait les affaires de personne, les Républicains, majoritaires à la Chambre des Représentants, renoncèrent à leurs revendications au nom de l’intérêt supérieur de la nation.
En échange du rehaussement du plafond de la dette jusqu’à la fin 2014, ils avaient exigé un délai d’un an dans l’application du très controversé Obamacare (réforme dont je rappelle qu’elle fut très tôt prise en grippe par Donald Trump, lequel n’est cependant pas parvenu à obtenir son abrogation), l’extension du non moins polémique pipeline Keystone XL ainsi qu’un moratoire sur le contrôle des rejets carbone.
De l’eau a coulé sous les ponts depuis, les écologistes ont été bâillonnés et le lobby pétrolier est caressé dans le sens du poil. Barack Obama n’est plus président, tout ce qu’il a entrepris ou presque a été défait, c’est le temps des tweets et des invectives, et la dette américaine continue de galoper, tout comme les déficits, le cadet des soucis de son successeur, sans que les marchés ne s’en émeuvent…
Les investisseurs ne prennent pas la menace du « shutdown » au sérieux
Alors que le « shutdown » est d’ordinaire une perspective assez effrayante, et en tout état de cause tout sauf un jouet puisqu’il entraîne une paralysie quasi-totale des administrations fédérales, Donald Trump entend en faire une arme.
« Si la situation actuelle devait perdurer, il n’y aura plus d’argent pour financer les administrations américaines à partir de fin septembre, à moins de relever le plafond des déficits au-delà de 1 300 Mds$ pour boucler le quatrième trimestre », avertit Philippe Béchade dans sa chronique du jour. Or, ce relèvement incombe à la Maison-Blanche, qui semble résolue à le subordonner à un agrément du Congrès pour son projet de mur à la frontière américano-mexicaine, qui s’étend sur plus de 3 000 kilomètres.
Quoique bien réelle, la menace ne me semble pas prise au sérieux par les investisseurs, bercés par une saison des résultats semestriels globalement de bonne facture et qui ne semblent voir que la guerre commerciale comme source d’incertitudes et de tensions. Le vote en mai 2017 d’une rallonge budgétaire par le Congrès pour éviter un « shutdown » explique peut-être cette insouciance, même si l’histoire américaine a montré à maintes reprises que le blocage administratif n’était pas toujours ni évitable, ni évité…
La question est maintenant de savoir si Donald Trump peut s’offrir le luxe de s’appuyer sur lui pour enfin obtenir l’assentiment parlementaire à un projet qui lui est certes cher, mais qui ne sera pas nécessairement décisif pour son avenir politique.
Les envolées et excès présidentiels sont désormais connus. Le président américain n’est toutefois pas devenu prévisible pour autant…
Bonne séance à tous,
Guillaume