Lucy, Taken, Arthur et les Minimoys… Si vous êtes amateur de cinéma, vous avez au moins ne serait-ce qu’entendu parler de ces films…
Ils ont un point commun : tous sont produits par Europacorp (FR0010490920-ECP). Créee en 2000 par Luc Besson et Pierre-Ange Le Pogam, cette société a été introduite en Bourse en juillet 2007 sur une valorisation boursière supérieure à 300 M€.
Elle va toutefois de Charybde en Scylla depuis cette date, essentiellement en raison de nombreux échecs au box-office. Résultat, sa valorisation est tombée à environ 87 M€, soit une division par plus de trois en l’espace de 11 ans ! Et si le groupe avait bien commencé l’année sur le plan boursier, il est retombé dans ses travers le mois dernier.
Pour agrandir le graphique, cliquez dessus
▶ La rentabilité n’est toujours pas au rendez-vous
Disons le franchement : Europacorp ne fait pas – ou plus – recette et ses résultats ne sont pas bons, même si le groupe a réduit ses pertes. Publiés la semaine dernière, les comptes de son exercice 2017/2018 ont certes été marqués par un bond de 49% du chiffre d’affaires à 226,6 M€, mais le relatif échec de Valérian et la Cité des mille planètes, film au budget considérable et qui n’a pas fait le buzz espéré outre-Atlantique, l’a empêché de redevenir rentable.
Bien que passée de 122,2 à 68,7 M€, la perte opérationnelle reste élevée. La perte nette est quant à elle ressortie à 82,5 M€, à comparer à 119,9 M€ au terme de l’exercice 2016/2017. Toutefois, le point noir d’Europacorp reste incontestablement sa situation financière.
▶ Une situation financière très délicate
Il faut en effet savoir que la dette nette dépasse les 250 M€, avec de surcroît près de 90% de cette dette exigible via des remboursements en octobre 2019. Comment trouver le cash nécessaire pour purger cette dette ?
Différentes options sont sur la table, comme une renégociation de dette ou une augmentation de capital, mais cette dernière opération serait toutefois compliquée à mettre en place.
Je m’explique.
Il existe en fait des clauses selon lesquelles les dettes du groupe sont exigibles si Luc Besson passe sous les 30% du capital. Or, le réalisateur détient une participation de 31,6%… Une levée de fonds serait donc nécessaire pour qu’il puisse conserver les rênes de la société et son catalogue, lequel est estimé à 140 M€….
Pour surmonter cette difficulté, Europacorp pourrait aussi être adossée. A cet égard, les rumeurs faisant étant d’un intérêt de Netflix vont bon train depuis de longues semaines. Le géant américain a il est vrai besoin de programmes et Europacorp constituerait une cible de choix, mais aucune avancée concrète n’a encore été enregistrée…
Autres options : que Netflix n’entre pas au capital, mais contribue tout de même à l’activité du groupe en achetant des films et des séries ; et la vente du catalogue, qui reviendrait quand même à appauvrir la société… Nul doute que ce type de mesures serait en tout cas décidé en ultime ressort.
▶ Retour aux fondamentaux
Dans l’immédiat, le groupe français a fait part de son intention de continuer à créer des contenus plus proches du profil des films qui ont fait son succès, en prenant par exemple ses distances avec des superproductions encore trop risquées. Vous vous en doutez, ce recentrage implique aussi une réduction de la voilure.
Celle-ci a déjà pris la forme d’une cession du pôle de production TV en fin d’année dernière et de la suppression de 22 emplois sur les 79 que compte Europacorp dans l’Hexagone, mais pour tout vous avouer, je n’ai jamais été à l’aise avec ce dossier… Je soutiens en effet que Bourse et cinéma ne font pas bon ménage.
En effet, il suffit qu’un seul film ne marche pas pour que tout l’équilibre financier d’une société de production soit remis en cause… C’est précisément ce qui est arrivé à United Artists, qui a fait faillite en grande partie à cause de l’échec commercial cuisant du film La Porte du paradis, western réalisé par Michael Cimino que la critique a rétrospectivement considéré comme un chef-d’œuvre.
Bref, l’action Europacorp demeure réservée aux plus audacieux. A ceux qui ont les yeux rivés sur leurs écrans et qui sont prêts à assumer des risques très, très importants…