A rebours de la tendance, au sein d’un marché parisien gagné par une certaine nervosité, à mesure que la perspective de la signature d’un accord de « Phase I » entre les Etats-Unis et la Chine s’éloigne (c’est dire le chemin qui reste à parcourir d’ici une concorde commerciale entre les deux superpuissances), La Française des Jeux (FR0013451333-FDJ) signe de très loin LE carton du jour.
Effet nouveauté ? Simple coup d’accélérateur sans véritable lendemain ? S’il ne fait guère de doutes que les séances à venir ne seront pas aussi spectaculaires, l’événement boursier de cette fin d’année dans l’Hexagone, qui est aussi la plus grosse IPO sur la place parisienne depuis celle d’Amundi en 2015, tient tout de même ses promesses.
Le ministre de l’Economie Bruno Le Maire avait parlé de succès avant même les premières cotations et les faits lui ont donné raison. Vers 14h30, le titre « FDJ » grimpe en effet de plus de 16% dans des volumes très étoffés (plus de 13 millions de titres échangés). Des premiers pas plus que réussis donc alors que l’action a été introduite à 19,90 €, c’est-à-dire tout en haut de la fourchette comprise entre 16,50 et 19,90 €.
« J’ai le sentiment d’être en train de vivre un moment historique […] 500 000 Français sont devenus actionnaires (…) ainsi que les plus grands investisseurs internationaux ». PDG du groupe, Stéphane Pallez boit du petit lait, tout comme Bruno Le Maire, qui comme Emmanuel Macron aspire de longue date à inciter nos concitoyens à tenter leur chance en Bourse et selon lequel cette privatisation « marque la réconciliation des Français avec les marchés ». Rien que ça !
La campagne de souscription à l’ouverture du capital de la deuxième loterie européenne avait débuté le 7 novembre. C’est ce jour-là qu’a débuté le désengagement partiel de l’Etat, un processus ultra-médiatisé assorti d’une avalanche de spots publicitaires qui aura donc porté ses fruits, en tout cas à ce stade de l’histoire.
Une entreprise qui ne connaît pas la crise
Près de 100 millions de titres représentant 52% du capital de FDJ – l’Etat conserve une participation de 20% et 30% des droits de vote, ce qui est suffisant pour conserver un contrôle étroit – sont désormais dans les mains de petits porteurs, institutionnels et autres salariés du groupe positionnés sur un dossier qui paraît relativement peu risqué de prime abord. La valeur a quoi qu’il en soit l’avantage de ne pas être dépendante des cycles économiques et aux tumultes d’ordre géopolitique : croissance ou pas, Brexit et guerre commerciale ou non, les Français continuent et continueront de tenter de gagner de l’argent via les jeux de hasard (NDLR : à en croire la société, près d’un sur deux âgé de plus de 18 ans a joué au moins une fois aux jeux FDJ en 2018)
Autre avantage de poids, la situation monopolistique de FDJ devrait lui permettre de verser un dividende attrayant, avec un rendement de l’ordre de 3 à 4% par an, aux actionnaires. Ces derniers se verront par ailleurs attribuer une action gratuite pour dix acquises sous réserve de les conserver pendant dix-huit mois.
Les amateurs de sociétés « OPAbles » et autres actions susceptibles de s’envoler en l’espace d’une seule séance – celle d’aujourd’hui devrait être l’exception – devraient en revanche rester sur leur faim, la dimension spéculative d’un tel dossier étant pour le moins discutable.
Au moment de l’écriture de ces lignes, la valorisation boursière de FDJ s’établit à quelque 4,3 Mds€, 1,5 Md€ de plus que Bic et 700 000 € de plus qu’Altran.
Un démarrage en trombe donc pour un groupe, répétons-le, imperméable à la crise, dont l’activité est en perpétuelle hausse et dont le bénéfice net représente 9,5% du chiffre d’affaires, ce qui est supérieur à la moyenne du CAC40.
Tout semble donc aller pour le mieux dans le meilleur des mondes. Pour l’instant en tout cas, car FDJ n’est pas plus à l’abri qu’une autre d’un avertissement sur ses résultats – gare aux prévisions trop optimistes en matière de rentabilité ! – qui lui vaudrait auquel cas, à elle aussi, des dégagements importants…