Elle a débuté il y a bientôt un an et demi et n’est toujours pas terminée. Lancée par Donald Trump, qui a fait d’elle l’un des grands marqueurs de son mandat et la cheville ouvrière d’« America First », vocable d’une politique protectionniste à laquelle il tient plus que tout, la guerre commerciale qui met aux prises les Etats-Unis et la Chine est une véritable saga.
Un roman-feuilleton, un « Dallas » tout ce qu’il y a de plus réel, avec d’un côté un vieil Oncle Sam déterminé à rendre gorge à son principal créancier et à son plus féroce concurrent à l’export, et de l’autre un Empire du Milieu dopé aux subventions et qui veut à tout prix défendre les règles commerciales en vigueur (celles-ci sont il est vrai plutôt à son avantage). Tous les coups sont permis, surtaxes, dévaluation monétaire, et il est écrit que rien ne sera épargné à l’adversaire, directement frappé au portefeuille et touché dans ce qui fait sa force.
Des centaines de milliards de dollars et des produits de toutes sortes sont en jeu.
Expert autoproclamé de l’« art du deal », le président américain souffle le chaud et le froid, alternant tweets incendiaires, menaces directes, colères chaudes et froides, et messages d’apaisement. L’adversaire a par conséquent du mal à savoir sur quel pied danser et est censé perdre ses moyens. Harcelé, il a vocation à lâcher prise, de guerre lasse et confronté à la toute-puissance yankee.
Les délégations des deux pays se sont une nouvelle fois rencontrées la semaine dernière, les négociations ont duré deux jours et elles ont débouché sur un accord. Plus exactement sur une ébauche d’accord, car une kyrielle de points cruciaux n’a pas été tranchée, du dossier Huawei en passant par la propriété intellectuelle et les tarifs douaniers sur les produits de grande consommation. On verra tout cela plus tard, si tout va bien…
Donald Trump aurait tout intérêt à un accord rapide
En l’état, Pékin s’est engagé à acheter davantage de soja, ce qui devrait permettre à l’infatué Donald Trump de faire un quasi-carton plein électoral auprès des fermiers, sachant tout de même, comme le rappelait mon confrère Philippe Béchade dans ces colonnes hier, que Xi Jinping n’avait pas dit autre chose en… janvier 2018. L’Empire du Milieu va également acheter davantage de porcs, ce qui tombe à point nommé alors qu’une peste porcine décime les troupeaux du pays.
De son côté, la Maison-Blanche a formellement renoncé à l’augmentation de 25 à 30% des tarifs douaniers punitifs sur 250 milliards de dollars d’importations chinoises aux Etats-Unis, une mesure qui devait entrer en vigueur le 15 octobre.
Des avancées donc, mais des avancées relativement timides et qui, surtout, restent à coucher sur papier. « Nous avons une entente fondamentale sur les points clés. Nous avons fait beaucoup de progrès, mais il nous reste encore du travail à accomplir », a opiné Steven Mnuchin, secrétaire américain au Trésor.
Critiqué pour sa vision ondoyante du dossier syrien, avec un lâchage en règle des Kurdes et un galimatias sur le président turc Erdogan qui lui ont valu un déferlement de critiques jusque dans son camp ; dans le viseur des démocrates, qui sont allés jusqu’à lancer une procédure de destitution, le locataire de la Maison-Blanche, actuellement soumis à une très forte pression et qui organise sa réélection depuis plusieurs semaines, a tout intérêt à un accord global dans des délais raisonnables.
Question de crédibilité, mais aussi parce que les taxations sur les produits chinois techs et de grande consommation pourraient peser lourd sur le portefeuille du consommateur américain, lequel saura certainement s’en souvenir au moment de pénétrer dans l’isoloir…
Les investisseurs, eux, ont salué l’effort de ces derniers jours, avant que les marchés actions occidentaux ne rentrent quelque peu dans le rang, comme si la réalité avait repris ses droits. Il va de soi que la moindre nouvelle avancée sera guettée.
Il est aussi probable que la moindre reculade sera sanctionnée, voire qu’elle donne le coup d’envoi à une correction qu’attendent bien des contrariens… Et que le contexte général, entre incertitudes géopolitiques chroniques et indicateurs décevants outre-Atlantique, en Chine et dans l’eurozone, justifierait pleinement.
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