Le cours de ILIAD (FR0004035913) a égalé lundi matin celui de FRANCE TELECOM (FR0000133308) au sommet de la bulle internet en mars 2000 à l’issue d’une accélération haussière qui ressemble à un copier/coller de celle de 1998/2000. L’opérateur historique avait alors inscrit un zénith de 217 € (ce qui, corrigé des augmentations de capital, donne un cours de 189 € sur les graphiques).
Le multiple de capitalisation d’Iliad, déjà stratosphérique à 36 fois les profits (en intégrant les très bon résultats du 4ème trimestre 2013), devient cette fois-ci co(s)mique puisque son rival Orange affiche dans le même temps un multiple de 11 (et encore, c’était à peine 10 il y a tout juste une semaine). Si les PER ne vous évoquent rien, sachez simplement que le ratio capitalisation boursière/valeur d’entreprise d’Iliad est de 2,4 (pour faire simple, c’est juste vertigineux) alors que pour Orange ou Deutsche-Telekom, le ratio est de 1,4 à 1,5.
Mais la Iliad-mania ne se raisonne pas : le seul fait que cet opérateur pousse ses pions – toujours dans la bonne direction d’après les analystes – suffit à faire flamber le cours de +50% depuis début décembre (et un plancher de 145 €).
Ce genre d’emballement euphorique pourrait cependant marquer la fin d’un mouvement hyper spéculatif où les opérateurs ont depuis longtemps cessé de raisonner en terme de retour sur investissement pour ne privilégier que l’aspect « on achète un winner » qui ringardise ses concurrents. Et peu importe que cela ne soit pas soutenable à terme, on ne regarde que la croissance du nombre d’abonnés, au détriment des concurrents… Or depuis début 2014, Free ne fait plus la loi !
Même en devenant propriétaire de son réseau 3G et 4G (lequel serait racheté dans son intégralité à Bouygues (FR0000120503) pour un montant de 1,8 Mds€), comment justifier que cet opérateur qui casse les prix et vend de nombreux abonnements à perte (cela s’appelle du dumping en parlant cru) se paye deux fois et demi plus cher qu’Orange ?
La réponse est consternante de banalité.
Les gérants (qui ont tout compris) veulent de l’Iliad dans leurs portefeuilles ; et ceux qui sont sceptiques doivent également en avoir pour coller au benchmark du secteur. C’est typiquement le genre de hausse auto-réalisatrice dont avait bénéficié France Télécom 12 ans avant d’être rebaptisée Orange.
Aujourd’hui, avant d’entamer sa spectaculaire remontée au-dessus des 9 €, Orange était un des titres les plus méprisés du CAC40 (de la pure dead money écrivaient les analystes avec une touchante unanimité) ; il était donc l’un des plus vendus à découvert puisque rien ne justifiait la moindre revalorisation de l’action.
La stratégie pratiquée à grande échelle depuis 2 ans consiste à vendre France Telecom/Orange et Bouygues à découvert pour ramasser du Free à tour de bras. Même si (et surtout parce que) tous les spéculateurs ont opté pour ce long/short, quelques grosses mains pourraient considérer qu’il n’y a plus grand chose à gratter sur Iliad à plus de 200 € tandis qu’Orange devrait valoir le double.
Je n’ai pas d’avis tranché sur Bouygues car si une transaction/cession de réseau à 1,8 Mds€ est conclue avec Free, en ce qui concerne la 4G, tout est refaire (SFR est très en retard au niveau couverture) et l’intégration commerciale des deux réseaux prendra du temps.
Même devenu n°1 en France, Bouygues ne deviendra pas pour autant un pure player de la téléphonie mobile et tous les raisonnements qui ont conduit à se tenir à l’écart de ce groupe ainsi que des opérateurs télécom (un secteur en déflation) pourraient ressurgir rapidement dans les salles de marché.
Dans le climat hyper-spéculatif actuel, je n’exclus pas de voir Bouygues progresser au-delà des 33 € mais avec un potentiel de hausse limité, et un risque de repli deux fois plus élevé.
Extrait, tiré de Pitbull, la lettre d’investissement de Philippe Béchade