Une envolée de +15% du Crédit Agricole, un bond de +11,75% de CNP Assurances, Société Générale qui reprend +6,6% : l’état d’esprit à soudain rebasculé en mode risk-on.
Les opérateurs voulaient de la sécurité à tout prix jeudi dernier ; aujourd’hui, ils veulent désormais du béta (de la volatilité… à la hausse en l’occurrence). Alors tout est bon pour devancer les indices de référence, à commencer par les rachats de titres vendus massivement à découvert comme Vallourec (+25% en 4 séances), Innate Pharma (+16%), Natixis (+15%, un score qui reflète la performance moyenne des 2 valeurs bancaires évoquées en préambule).
Un marché piégé
Le comportement des marchés est très instructif. Si l’on exclut les quelques valeurs dont la performance s’explique fondamentalement par de bons trimestriels (comme CNP ou Crédit Agricole) ou l’annonce d’une hausse de dividende (comme dans le cas de Schneider qui bondit de +9%), il faut se pencher sur celles qui grimpent parce qu’elles figurent dans la short list des valeurs ramassées par les trading programs.
On peut ainsi identifier le tandem Renault/Peugeot, des valeurs shortées comme Zodiac Aerospace, Europcar (+11,8% ce mercredi), Nexans ou Neopost, en plus de Vallourec déjà mentionné, puis les leadeurs du secteur du luxe comme LVMH et Kering qui surperforment largement le CAC 40 depuis 1 mois (avec entre +12 à +14% de hausse dans l’intervalle).
Un autre secteur mérite toute votre attention car il est défensif ; il regroupe la plupart des valeurs dont le chiffre d’affaires est constitué de redevances (péages autoroutier, parkings, taxes aéroportuaires) telles que Vinci, Eiffage, Aéroports de Paris (avec des gains qui dépassent +10% en moyenne par rapport à la mi-janvier). D’ailleurs, je ne sais pas si vous avez déjà ces titres en portefeuille, mais plusieurs des valeurs citées constituent déjà le portefeuille « PEA-Parfait » d’Eric Lewin (si vous voulez plus d’informations sur comment avoir un PEA parfait, je vous renvoie à ce dossier).
La surprise provient de la contreperformance d’une autre défensive, dont Eric a d’ailleurs parlé ces derniers jours : il s’agit de Korian (FR0010386334). Le titre plonge de -20% en 4 semaines et perd un tiers de sa valeur en 3 mois… effaçant 6 années de dividende.
Douche froide également pour les actionnaires de BIC qui ont vu le cours du titre se désintégrer de -18% en matinée, non pas pour cause d’un profit warning… mais parce que deux dirigeants très appréciés partent en retraite, atteints par la limite d’âge. Le titre BIC offre 5,9% de rendement désormais. Autrement dit, il n’a fallu qu’un quart d’heure pour effacer 1 année de hausse et 5 ans de dividende !
Air Liquide (FR0000120073) s’en tirait un peu mieux avec -6% le jour de la publication de ses résultats… mais la magie semble rompue puisque la direction n’a pas osé pronostiquer des résultats en progression par rapport à 2015. Encore une fois, le groupe constitue une valeur solide du PEA Parfait d’Eric Lewin… à voir dans ses analyses si le timing est opportun pour revenir à l’achat, se renforcer ou prendre des bénéfices !
La cote parisienne commence donc à ressembler à un champ de mine et le rendement ne protège plus les actionnaires de lourdes déconvenues. Les trous d’air et gap d’ouverture brouillent les pistes et il est de surcroît impossible de protéger son portefeuille avec des ventes stop serrées… Sinon, vous n’avez de cesse de vous faire sortir et de rater le rebond qui s’ensuit.
Et dire que beaucoup de jeunes gérants et conseillers de clientèle parent les actions des mêmes vertus que les obligations : rendements généreux et réguliers, surperformance garantie à moyen ou long terme ! Ils n’ont souvent rien connu d’autre, de par leur propre expérience, que des indices boursiers qui montent tout le temps. Que pourrait-il se passer puisque les banques centrales sont là en back-up ?
Rappelez-vous que – et pardonnez-moi de remettre l’ouvrage une fois de plus sur le métier – le marché n’achète plus depuis longtemps une entreprise, une histoire (les gérants préfèrent les belles fables) mais des flux financiers, du pricing power et, par dessus tout, du risque. Et si l’avenir leur apparaît soudain plus incertain, les banques centrales moins crédibles, ils se mettront à vendre le fameux risque. A plus forte raison si le risque leur semble non quantifiable.
C’est pourquoi, instaurer des taux négatifs dans un contexte d’aversion au risque ne sert strictement à rien et les achats massifs de Yen de la première décade du mois de février le prouve. Les investisseurs préfèrent perdre à coup sur 0,1% (divisé par 366 cette année) plutôt que 3% en quelques heures ou -20% en quelques semaines.
L’or, la protection contre tout
Malgré le retour en mode risk-on des 4 dernières séances, l’once d’or n’a pas rebasculé sous les 1 200$ l’once ; les volumes d’achat d’or physique ont décuplé en début d’année et vous pouvez être certain qu’il ne s’agit pas d’achats de petits épargnants paniqués. D’après les confidences des gérants que je croise à BFM et lors des déjeuners d’information des intermédiaires boursiers parisiens, les actionnaires individuels ont été les derniers à réagir fin janvier et le réflexe consistant à chercher refuge dans le métal précieux s’est perdu au cours des dernières décennies – l’or physique n’étant plus accessible aux épargnants via les établissements financiers classiques (nous avons maintes fois recommandé aucoffre.com, Goldbroker et et pièces.or dans nos publications).
Donc les acheteurs des grosses quantités d’or des 6 dernières semaines sont en action, et se débarrassent symétriquement des valeurs cycliques et des valeurs bancaires. Ces initiés ne sont pas des idiots et nous verrons bien si les scores époustouflants observés sur Crédit Agricole ou Natixis sont dus à des achats fondamentaux ou à des rachats de découvert dans un contexte de liquidité défaillante.