Le premier ministre indien, Narendra Modi, est à Paris depuis jeudi pour parler économie et en particulier du contrat des 126 chasseurs Rafale datant de 2012. Le pays pourrait ainsi revenir sur sa décision d’achat suite à l’augmentation du coût du projet (de 12 à 20 Mds€) et au refus des autorités françaises d’autoriser le transfert de technologies permettant la fabrication d’une partie des avions en Inde. Mais ce n’est pas ce sujet qui est au cœur de mes préoccupations : je voudrais plutôt vous parler de l’économie indienne.
La plus grande démocratie au monde se porte bien, très bien même, et va sans doute profiter en 2015-16 (avril-mars) d’une croissance économique supérieure à celle de son voisin chinois. Le PIB pourrait ainsi progresser de 7,8% du côté du sous-continent alors que l’Empire du Milieu se contenterait d’une croissance de seulement 7%.
Le pays bénéficie aussi de la récente baisse des prix du pétrole. Différents chiffres circulent, mais on peut d’ores et déjà dire que le pays importe plus de 120 Mds$ de pétrole par an, une quantité colossale. Le pays est encore dépendant à hauteur de 70% de ses importations de pétrole. Il est possible qu’à horizon 2035, le pays soit le troisième consommateur du monde derrière les États- Unis et le Japon, et détrône ainsi la Chine au rang de la 3ème place.
L’Inde, l’émergent qui s’en sort bien ?
Dans le marasme économique dans lequel la crise économique a fait plongé l’s émergents (je vous rappelle que le Brésil est au bord de la récession et que la Chine doit négocier un très fort ralentissement), l’Inde s’apprête donc à faire figure d’exception.
Quel est son secret ?
La forte croissance indienne s’explique en réalité de structurelle. Le nouveau premier ministre a pris des mesures pour encourager les investissements étrangers tout en annonçant des réformes comme la privatisation des chemins de fer. Les investisseurs étrangers peuvent maintenant détenir 49% d’une compagnie indienne d’assurance, contre 26% antérieurement. Une mesure qui devrait attirer de nombreux acteurs d’autant que l’assurance-vie représente seulement 3% du PIB indien contre, par exemple, plus de 11% à Hong Kong. Il y aura donc un rattrapage évident avec des assureurs occidentaux dans les starting-blocks.
Bien entendu, l’économie indienne, tournant à plein régime, doit être suivie de près. Mardi dernier la Banque Centrale Indienne a laissé ses taux inchangés à 7,5%. Peut-être est-elle trop prudente : l’inflation ne cesse de baisser, passant de près de 9% il y a un an à 5,1%. Le patronat appelle d’ailleurs de ses vœux une nouvelle détente monétaire.
Le pays doit par contre faire face à une situation budgétaire assez compliquée avec déficit budgétaire dépassant encore les 4% du PIB. L’intention du gouvernement est de le réduire au niveau des 3% d’ici à 2018.
L’autre défi majeur – et sans doute le plus difficile à résoudre – est bien-sûr la pauvreté endémique frappant le pays : 2/3 des habitants du pays vivent en dessous du seuil de pauvreté tandis que seulement 2% de la main d’œuvre indienne a reçu une formation professionnelle. Ce chantier que l’Inde doit mener est vaste et long mais lui permettra, enfin, d’entrer dans la cours des grands et d’abandonner rapidement l’acronyme BRICS qui lui est encore réservé. Imaginez si l’Inde arrive à réduire le nombre de gens qui sont sous le seuil de pauvreté, faisant ainsi croitre sa classe moyenne et accélérer sa consommation intérieure !
Il faudra également améliorer les conditions actuellement encore peu favorables aux affaires : figurent pêle-mêle des infrastructures inadéquates, des lois sociales contraignantes et un manque de gouvernance et de transparence. D’après un récent classement de la Banque Mondiale, l’Inde est même au 182ème rang en ce qui concerne l’obtention de permis de construire. Les défis sont donc immenses… Les investisseurs ne semblent guère s’en soucier : le Sensex, l’indice de la Bourse de Bombay, a pris plus de 28% en un an… et ne faiblit pas comme les indices boursiers des autres pays émergents.