Le soutien des banques centrales, décidées à déployer des politiques monétaires accommodantes dans la durée, même si les investisseurs espéraient un ton plus « dovish » de Jerome Powell, patron de la FED, et davantage de concret de la BCE lors de leurs réunions du mois dernier, ne suffit plus.
Alors que l’économie donne des signes d’essoufflement aux Etats-Unis, et plus encore en Chine et dans l’eurozone (dernière preuve en date : la contraction du PIB allemand au deuxième trimestre, certes symbolique (-0,1%), mais ô combien révélatrice), avec force indicateurs contrastés voire décevants, les marchés ont « choisi » le mois d’août, traditionnellement calme, vacances d’été obligent, pour corriger. Après un semestre d’ascension régulière, sans véritable pause, envers et contre toute rationalité, comme si les « algorithmes » étaient devenus les seuls maîtres à bord, le temps est désormais, sinon à l’orage, en tout cas à l’accumulation des nuages.
Mathieu Lebrun l’avait pressenti dans ces colonnes et dans celles de son service BAQPRO, ce qui n’a pas empêché ses abonnés d’engranger de belles plus-values, à la faveur d’un positionnement inspiré sur des valeurs minières à la vocation éprouvée de refuge et sur des trackers inversés : ce huitième mois de l’année se caractérise par un net regain de nervosité et de volatilité, de surcroît dans des volumes réduits. De quoi justifier un money management prudent, avec en toile de fond la nécessité de ne pas laisser courir les trades trop longtemps.
« Au vu de la dernière réunion de la BCE, il n’y a pas eu de discussions concrètes autour d’un plan d’action. Et si la banque centrale va probablement finir par sortir l’artillerie lourde à la rentrée, surtout si les statistiques continuent à se dégrader), la volatilité risque de ne pas épargner le marché d’ici là », écrivait Mathieu Lebrun il y a deux semaines. Et de poursuivre, décidément visionnaire : « ajoutez à cela des discussions commerciales sino-américaines qui s’enlisent, des marchés américains sur leurs sommets historiques, le tout avec des volumes en baisse constante (période estivale oblige), et vous avez tous les ingrédients d’un cocktail potentiellement détonnant… »
La Chine fait peur
S’il faut se garder de ratiociner sur la rentrée, force est d’admettre qu’en l’état, les ardeurs sont passablement tempérées et qu’une seconde partie d’année comparable au dernier semestre de 2018, au cours duquel les marchés actions ont littéralement bu la tasse (et plus particulièrement les petites capitalisations, massacrées pour pléthore d’entre elles), ne saurait être exclue.
Passé maître dans l’art de souffler le chaud et le froid avec la Chine, par jeu, par conviction ou par stratégie, Donald Trump a asséné un véritable uppercut à la face des intervenants en relançant une guerre commerciale trop vite oubliée par les observateurs le 1er août dernier via l’annonce de 10% de taxes supplémentaires sur 300 Mds$ d’importations chinoises épargnées jusqu’alors. Le président américain, qui n’est plus à un changement de cap près, a toutefois joué l’apaisement hier en fin de journée en reportant l’imposition de tarifs punitifs sur des produits d’électronique grand public importés de Chine. La raison officielle prêterait presque à sourire : « Nous faisons ça pour Noël, juste au cas où cela aurait un impact sur le consommateur américain », consommateur américain dont le soutien est indispensable en vue de sa réélection…
Il n’en fallait pas davantage pour que le CAC40, qui avait ouvert en nette hausse (+1% environ), avant de rebasculer en territoire négatif, repasse largement le seuil des 5 300 points. L’indice phare de la Bourse de Paris a finalement clôturé à 5 363 points, après un pic à 5 402 points et un plus bas de 5 268 points en tout début d’après-midi, soit une amplitude de 134 points pour le moins inhabituelle à cette période de l’année !
Avec les avancées et reculades liées à la guerre commerciale susmentionnée, les opérateurs ne semblent plus savoir sur quel pied danser. Ils ont aussi pris en pleine face hier le revers du président argentin sortant Mauricio Macri aux élections primaires, considérées comme une répétition générale au scrutin présidentiel à venir, défaite synonyme de possible retour du peronisme et qui a entraîné un effondrement de 38% de la Bourse de Buenos Aires.
La crise hongkongaise, avec des milliers de manifestants réclamant plus de souplesse de Pékin et qui ont bloqué le trafic aéroportuaire dans la région administrative spéciale, suscite également de très vives inquiétudes. Alors que les regards du monde entier se tournent vers lui, le Politburo chinois pourrait opter pour une intervention militaire qui, à n’en pas douter, lui vaudrait les foudres de la communauté internationale. « Pékin fait entendre des bruits de bottes », a titré hier Philippe Grangereau, journaliste au Figaro, faisant référence à une vidéo montrant une file de véhicules militaires converger vers Hong-Kong et diffusée par l’édition chinoise du Global Times. La stratégie de l’intimidation parviendra-t-elle à circonvenir des contestataires jusqu’à présent très déterminés ?
Cette question aussi reste en suspens, au cœur d’un été décidément bien mouvementé dans plusieurs points chauds du globe…