La séance des 3 sorcières a littéralement carbonisé les gains du terme boursier d’octobre. Le Dow Jones affichait par exemple 26 935 points à l’issue de la séance du 20 septembre (qui était aussi la précédente échéance mensuelle dite journée des 4 sorcières) et même 27 025 points jeudi soir, mais il a clôturé en retrait de 0,95% à 26 770 points vendredi.
De son côté, le Nasdaq avait bouclé le terme de septembre à 8 118 points (le 20 septembre donc), s’affichait à 8 157 points jeudi en clôture… mais a perdu 0,83% le lendemain pour terminer à 8 089 points, soit une baisse de 0,4% sur le mois concerné.
Dans la foulée de cet ultime petit faux pas du 18 octobre, le « VIX » (NDLR : l’indicateur de volatilité du marché américain) s’est redressé de 3,3% à 14,25, une progression néanmoins insuffisamment marquée pour traduire une vague d’aversion au risque.
Au global, le repli des indices américains fut pour la première fois de la semaine cohérent par rapport à l’indicateur avancé d’activité du Conference Board, lequel s’est inscrit en baisse de 0,1% le mois dernier pour s’établir à 111,9 points. Un recul symbolique de prime abord, mais qui a fait suite à un précédent repli de 0,2% en août. Surtout, le consensus pronostiquait un rebond de 0,1%.
Coïncidence ou pas, et alors que la tendance s’alourdissait à Wall Street, Donald Trump a twitté vendredi à la mi-journée qu’un « accord commercial devrait être facilement signé avec la Chine d’ici mi-novembre ».
Sauf que la semaine précédente, le jeudi 10 octobre, le président américain avait déjà estimé que la Chine et les Etats-Unis étaient à la veille de trouver un terrain d’entente, ce qui avait euphorisé Wall Street pendant 48 heures. Le temps pour les investisseurs de s’apercevoir que les deux pays n’avaient en réalité rien signé du tout et s’étaient juste entendus pour approuver la première mouture d’un éventuel accord, à formaliser d’ici… mi-novembre (et le sommet de l’APEC au Chili, les 16 et 17 novembre 2019).
La farce du Brexit se poursuit
Les opérateurs auraient pu sanctionner cette imposture et reperdre une bonne partie des 3% de gains de la semaine précédente… C’est alors qu’ont commencé à circuler des informations faisant état d’une (énième) entente euro-britannique sur le Brexit, faisant succomber derechef les marchés à une nouvelle vague d’enthousiasme exacerbé qui reposait en fait sur du vent. Car non, ce nouveau « Brexit Deal » n’est pas plus avantageux pour le Royaume-Uni que les précédents. Au contraire, c’est même un recul pour l’Irlande du Nord !
Les unionistes du DUP se sont donc empressés d’assurer qu’ils ne voteraient pas pour cette accord. Pourtant sur la même ligne que Boris Johnson pour un Brexit le 31 octobre, Nigel Farage ne l’approuve pas non plus, tandis que le parti travailliste de Jeremy Corbyn le rejette en bloc.
Moyennant quoi, dix minutes après l’annonce du « deal », le Premier ministre britannique n’avait à l’évidence pas de majorité au Parlement pour le faire adopter. Toutefois, les marchés ont continué à faire « comme si » et la livre sterling s’est même envolée jusque vers 1,305 $ la veille de ce qui allait probablement se solder par un fiasco.
Un fiasco qui semblait devenir inévitable avec le vote à 16 heures samedi du Oliver Letwin Amendment. Celui-ci repousse le vote sur l’adoption du texte du Brexit jusqu’à ce que le Parlement britannique ait adopté la législation qui permettra de donner force de loi à un éventuel « Brexit Deal » (ce qui n’arrivera pas avant le 31 octobre), ce afin d’empêcher que survienne un vote bloquant l’adoption du Brexit même après sa potentielle adoption (loin d’être acquise en l’état), ce qui déboucherait alors sur un « no deal Brexit ».
Par ailleurs, le Benn Act (adopté précédemment par la Chambre des Lords) permet au Royaume-Uni – et fait obligation à son Premier ministre – de poursuivre les négociations avec l’Europe au-delà de la date butoir du 31 octobre prochain en cas de non-adoption de l’accord dévoilé mercredi et approuvé par Michel Barnier et Jean-Claude Juncker.
Pour résumer, les marchés ont pris 3% mi-octobre sur du vent et ils ont même été chercher de nouveaux sommets absolus sur l’anticipation déraisonnable d’un accord Europe/Royaume-Uni sur le Brexit.
Beaucoup moins bien engagée que prévu, l’affaire s’est même encore corsée avec l’affirmation par « BoJo », dans les minutes qui ont suivi le vote du Letwin Amendment, qu’il ne respectera pas l’obligation qui lui est faite de poursuivre les négociations avec l’Europe au-delà du 31 octobre (il proclamerait alors une sortie en « no deal »). Ce qui équivaut à se déclarer hors-la-loi et pourrait in fine déboucher sur une inculpation pour non-respect d’un vote du Parlement, un motif très grave dans le droit britannique, et sur une destitution d’office de son poste de chef de gouvernement par la Reine.
Mais Boris Johnson a pour lui l’opinion publique, qui souhaite majoritairement un Brexit y compris en mode « no deal » à la fin du mois.
C’est donc désormais la rue contre le Parlement et nul ne sait qui remportera cette bataille.
Tout faire pour éviter un éclatement de la bulle boursière
Le début de l’échéance de novembre sur les marchés promet d’être captivante puisque rien de ce qui a motivé l’euphorie des marchés depuis 10 jours ne s’est matérialisé à ce stade. De notre côté, nous n’avons eu de cesse de souligner ce paradoxe et d’attirer votre attention sur le fait que la FED venait d’annoncer le 11 octobre la mise en place d’un soutien « technique » (ce n’est pas un « QE », promis, juré) de 60 Mds$ par mois jusqu’à fin juin 2020, accompagné d’un regonflement de son bilan par le biais de rachats des instruments arrivant à échéance.
Impossible désormais de se réfugier derrière des « prétextes » : il devient parfaitement clair que la seule véritable explication de la récente hausse des marchés réside dans l’effort désespéré des banques centrales d’éviter un éclatement de la bulle boursière (après +20% en moyenne depuis le 1er janvier) et obligataire (+16% sur les T-Bonds et les emprunts « investment grade » depuis le début de l’année, un record).
https://agorapub-labourseauquotidien.pf6001.wpserveur.net/jean-claude-juncker-annonce-un-brexit-deal-avec-boris-johnson/