C’est peu dire que la décision gouvernementale de stopper net la saison de Ligue 1 lui reste en travers de la gorge. Président d’OL Groupe, Jean-Michel Aulas n’en démord et ne décolère pas.
Et pour cause : septième au moment du relevé des compteurs, son « Olympique Lyonnais » ne pourra de facto pas participer aux joutes continentales la saison prochaine. Du jamais vu depuis 1997.
C’était une autre époque. Celle où l’OL n’était pas encore l’OL, le seul club français qui a été capable de remporter sept titres de champion d’affilée. Une belle machine de guerre à même de se hisser dans le dernier carré des coupes d’Europe et de fidéliser des joueurs du calibre de Juninho, lequel est devenu son directeur sportif cet été.
Finaliste de l’ultime édition de la Coupe de la Ligue, en ballottage favorable en Ligue des Champions à la faveur de son court et prestigieux succès à domicile contre la Juventus de Cristiano Ronaldo, l’OL n’a(vait) pas tout raté cette saison, loin de là. Contraint de composer avec les blessures longue durée du prometteur Jeff Reine-Adélaïde et du talentueux attaquant international néerlandais Memphis Depay depuis mi-décembre, il s’en est même plutôt bien sorti et ne pointait qu’à une longueur de l’OGC Nice, dernier représentant du Top 5, avant que la pandémie de coronavirus n’oblige à cesser les hostilités.
Le classement est désormais figé, la messe paraît dite, les carottes semblent cuites, mais « JMA » refuse de s’avouer vaincu. Il l’assure : si le manque à gagner d’une non-participation à la C3 et a fortiori à la C1 est indéniable, « l’argent n’est pas le souci majeur ». Simplement, la décision du ministère des Sports se fonde sur une date qui n’existe pas à l’UEFA. « On peut examiner en détail avec le Premier ministre et le ministre de la Santé le protocole sanitaire validé par tous les pays européens et voir s’il y a une possibilité de reprise », a expliqué le patron de l’Olympique Lyonnais ce week-end pour justifier le premier de ses deux recours.
Le second porte quant à lui sur les modalités d’arrêt du championnat, attendu que l’OL pouvait encore « accrocher » un maroquin européen via trois canaux distincts : la Ligue 1, la Coupe de la Ligue et la Ligue des Champions, à condition de finir la saison parmi les cinq premiers et/ou de remporter l’une de ces deux dernières compétitions.
Gestion
Trêve de désagréments et infortunes footballistiques, OL Groupe a levé le voile hier soir sur ses comptes au titre des neuf premiers mois de l’exercice 2019/2020 et ceux-ci ont été marqués par une belle résilience face à la crise du coronavirus.
Acteur important de l’événementiel dans la région rhodanienne, contraint de tout arrêter brutalement, l’empire bâti pierre par pierre par Jean-Michel Aulas aurait déjà pu sérieusement accuser le coup. Il n’en a rien été : malgré la crise sanitaire et la suspension de toutes ses activités depuis le 13 mars, les produits totaux des activités a grimpé de 19% en rythme annuel aux trois quarts de l’exercice à 265,7 M€, à la faveur notamment d’un bond de 133% des revenus tirés des cessions des contrats de joueurs.
OL Groupe aura donc une fois encore fait étalage de ses qualités de gestionnaire, devenues légendaires dans le landerneau sportif, avec de surcroît une belle tenue de la branche « Events », dont le chiffre d’affaires a grimpé de 24% à fin mars pour ressortir à 6,5 M€. « Cette activité a notamment bénéficié des revenus issus des demi-finales et de la finale de la Coupe du Monde féminine de football disputées en juillet 2019 au Groupama Stadium », a expliqué la société dans son communiqué.
Prémunition
De réels motifs de satisfaction donc, même si l’impact financier correspondant au manque à gagner sur les produits des activités au cours de la seconde quinzaine du mois de mars a été évalué à environ 9 M€ et bien sûr que le trimestre en cours ne laissera pas un souvenir impérissable. Afin de limiter les dégâts au maximum, OL Groupe a réagi avec célérité, mettant en place plusieurs dispositifs comme le chômage partiel ainsi que le report des échéances de charges sociales, d’impôts directs et d’emprunts afin de se donner un peu d’air.
L’entreprise dit également avoir « entamé une démarche de recours au dispositif PGE (Prêt Garanti par l’Etat) dont les procédures d’autorisation auprès de ses prêteurs actuels et de mise en œuvre sont actuellement en cours ».
Elle a de toute façon de quoi voir venir… Au 30 avril dernier, il y a moins de deux semaines donc, sa trésorerie disponible s’établissait en effet à 90 M€. Une bonne manne de nature à « couvrir » l’impact d’une non-qualification européenne et d’un dernier quart d’exercice au déroulement plus qu’incertain.
OL Groupe n’a pas tourné autour du pot à son sujet: « au cours du quatrième trimestre de l’exercice (du 1er avril au 30 juin 2020), les activités de billetterie, de droits TV/marketing (hormis reliquats et impact éventuel lié à la répartition définitive de l’accord LFP/Canal+ qui devrait être validée dans les prochaines semaines) et d’events, ne devraient pas enregistrer de revenus courants », a-t-il prévenu. Alors que la société était partie pour une trajectoire sans précédent en termes de chiffre d’affaires, qu’elle était en passe de se conformer à ses objectifs, l’impact de cette absence de revenus a été estimé grosso modo à 50 M€ (hors trading et sur la base du classement actuel en Ligue 1).
Détermination
Coupée dans son élan, prise en tenaille entre le coronavirus et une décision gouvernementale hostile – et en toute objectivité discutable -, elle n’a néanmoins pas dit son dernier mot et la réduction essentiellement mécanique des charges d’exploitation (y compris la masse salariale) de l’ordre de 35 à 40 M€ attendue d’ici au 30 juin 2020 tendra à ménager sa rentabilité. Sur le plan de l’activité, « selon les modalités finales de comptabilisation du dispositif PGE/LFP* encore imprécises à ce jour », OL Groupe pourrait par ailleurs, le cas échéant, enregistrer un complément de revenu (20,4 M€) qui compenserait notamment les droits TV relatifs aux matchs de championnat de fin de saison non disputés.
Une petite consolation avant une autre plus grosse, peut-être, sous réserve de conditions sanitaires plus clémentes : une reprise des matchs dans le courant du mois d’août, qui concernerait aussi les féminines, « avec en théorie un nombre maximum de 5 000 personnes ». Les discussions avec les pouvoirs publics s’annoncent serrées, mais OL Groupe a d’ores et déjà un solide argument à faire valoir, un argument qui est d’ailleurs le fondement de l’un des deux recours susmentionnés : le fait que les autres grands pays européens du football sont à l’inverse en train de songer à voire d’organiser concrètement la reprise, d’où un potentiel décalage très préjudiciable, ne serait-ce que sur le plan purement sportif.
Jean-Michel Aulas, qui n’est pas le seul à avoir ouvertement exprimé sa désapprobation, d’où peut-être une action commune avec d’autres présidents de clubs insatisfaits, finira-t-il par obtenir gain de cause ? Nul ne le sait pour l’instant, mais on aurait tort de douter de son obstination. Et si l’exercice en cours ne sera in fine pas le grand cru qu’il aurait dû être, les ambitions à long terme demeurent de leur côté intactes.
En d’autres termes, OL Groupe « reste confiant dans sa capacité à atteindre les objectifs à horizon 2023/2024 présentés en février dernier, à savoir des produits des activités dans une fourchette comprise entre 420 et 440 M€, et un Ebitda de plus de 100 M€ ».
Pour y parvenir, Covid-19 ou non, la recette restera la même : un développement axé sur le concept de « full entertainment » autour de l’activité football, qui demeure le coeur de métier, associé à l’essor, à la récurrence et à la diversification de l’offre « Events » avec en particulier l’exploitation d’une nouvelle Arena.
En attendant, « JMA » dit « rester serein » pour OL Groupe. Il l’est moins en revanche pour le football français, qui n’a à ses yeux « pas les structures économiques et financières suffisantes pour résister à la concurrence ».
Puisse l’avenir proche lui donner tort.
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