Nous avons vu hier que la récente chute des prix sur l’or n’était en aucun cas liée aux fondamentaux de ce marché, mais était bel et bien prévue, organisée et voulue par les gros intervenants. Pourquoi ? tout simplement parce qu’ils ont un problème de contrepartie !
Pour pouvoir ouvrir une position vendeuse sur un marché à terme, un opérateur doit, à un moment donné du calendrier (delivery notice date), « montrer sa mise » aux acheteurs, c’est à dire livrer dans un des dépôts du Comex (depository) la quantité correspondant aux contrats qu’il a ouverts à la vente. Avant le 12 avril le niveau des stocks d’or détenus dans les dépôts était alarmant. Les demandes de livraisons physiques étant devenues courantes, les dépôts s’asséchaient. Les statistiques sur ces dépôts sont accessibles sur le site du CME. L’évolution de ces chiffres montre que les stocks de métal étaient en forte baisse depuis le début de l’année.
Quand la meilleure défense (des stocks) devient l’attaque (des prix)
Ainsi le stock global d’or détenu par le CME est passé de 11 millions d’onces début 2013 à 9,1 millions le 12 avril. Au 30 avril, ce stock a encore baissé à 8 millions d’onces. Parmi les cinq dépositaires des stocks du CME, la banque JP Morgan est la plus touchée. Son stock est passé de 2,4 millions d’onces début 2013 à 1,48 million le 12 avril (et 922 000 oz le 30 avril). Ce stock est découpé en deux types de dépôts. Le dépôt éligible correspond à un simple stockage demandé par des clients du CME sans rapport avec des contrats à terme en cours, contrairement au dépôt enregistré (registred) qui correspond aux dépôts de métal assignés à des contrats ouverts ou en attente de livraison. Les chiffres surprenants sont ceux des dépôts de JP Morgan. Le 12 avril, parmi les 1,45 millions d’onces du dépôt de JP Morgan, seulement 207 000 onces sont éligibles. Cette baisse se poursuit encore puisqu’au 30 avril JP Morgan ne dispose plus que de 922 000 onces en dépôts dont seulement 161 500 éligibles.
La quasi élimination du dépôt éligible est très certainement due à deux facteurs : une explosion des demandes de livraison pour les contrats entrés en période de delivery notice (transferts de métal de « éligible« vers « enregistré« )et le retrait par les clients de leurs avoirs du dépôt éligible plutôt que de les laisser à la garde de JP Morgan. En résumé, les sorties de physique étaient en train « d’assècher » les dépôts et plus particulièrement ceux de JP Morgan. Compte tenu du nombre de contrats ouverts à la vente, le CME s’avançait donc à terme vers un défaut de livraison si rien n’était fait pour dissuader les acheteurs.
Cette hypothèse est renforcée par des informations provenant de personnes proches de ce marché de l’or.
– Fin mars 2013, la banque ABN AMRO, évoquant, suite à son intégration avec Fortis, un changement de prestataire pour la garde des métaux précieux, annonçait tout de go à ses clients ébahis : « Vous ne pourrez plus demander la livraison physique de vos métaux précieux« .
– Mi-avril, le célèbre trader Andrew Maguire déclarait qu’un ami n’avait pu récupérer ses avoirs physiques auprès de la LBMA et qu’un chèque lui était proposé en lieu et place de ses lingots (settled with cash).
– Jim Sinclair, une autre personnalité connue dans ce milieu, évoquait le 23 avril les difficultés qu’une personne venait de rencontrer pour récupérer auprès d’une banque suisse ses lingots alloués. Celle-ci refuse la livraison mettant en avant des procédures de lutte contre le blanchiment.
Les exemples se multiplient, montrant qu’à l’évidence l’or physique devient, en particulier pour les institutions financières, une rareté. Avec cette perspective, il devient clair que cette attaque n’avait d’autre but que d’effrayer ces investisseurs qui assèchent progressivement le marché en physique, soit en le sortant des dépôts du CME, soit en l’achetant de gré à gré auprès des membres de la LBMA. Cet assèchement risquait de provoquer une flambée du prix de l’or significative d’un nouvel affaiblissement du dollar alors que tous les leviers ont déjà été mis en oeuvre pour caser la dette américaine au moment où l’économie américaine est en panne. Si les investisseurs se réfugiaient sur les métaux précieux, qui achèterait cette dette ?
Un incident de parcours mais certainement pas un accident
Je vous propose de regarder le graphique ci-dessous des cotations journalières de l’or en dollars (je n’ai pas cet historique journalier en euros). Ce graphique est volontairement présenté en échelle semi-logarithmique car cette échelle permet de comparer les variations entre elles. Avec cette représentation, les variations ont la même proportion quel que soit le niveau de prix.
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Il est ainsi possible de comparer la baisse de 1975-1976 (-47.82%) et celle de 1981-1982 (-64.32%) à la baisse dite « catastrophique » d’aujourd’hui. Vous en arriverez sans doute à la même conclusion que moi : rien d’alarmant, ni d’exceptionnel.
Manipulation ou pas (sachant que la probabilité de manipulation frôle les 99%), les dégâts au plan technique sont importants. Certes ceci touche essentiellement l’or papier mais il n’en demeure pas moins que pour le moment, le prix du physique en dépend directement. Comme je vous l’ai montré plus haut, la correction actuelle est minime et peut donc encore se prolonger si les « méchants » en remettent une couche. Les règles élémentaires de gestion de risques doivent être mises en pratique en particulier pour ceux qui sont positionnés sur des instruments financiers faisant intervenir des leviers. Ce qui est à l’origine de cette baisse n’est rien d’autre que la conséquence de l’utilisation de ce type d’instruments financiers.
Pour les autres, qui sont propriétaires de leur or ou argent physiques et qui s’inscrivent dans la durée, inutile de s’affoler. D’ailleurs il semble que beaucoup vivent cette situation comme une aubaine. Alors qu’avril est généralement un mois creux (en moyenne 54 000 onces vendues), l’US Mint affiche cette année 209 500 onces d’or vendues dans ce seul mois – dont 63 500, soit 2 tonnes, vendues dans la seule journée du 17 avril – faisant d’avril 2013 le deuxième record de vente depuis 2000 après celui de décembre 2009 (231 500). Selon le gérant de fonds Eric Sprott, la même frénésie acheteuse a été constatée à Dubaï, au Japon, en Inde et en Australie. Un correspondant de Hong-Kong lui annonçait avoir vendu en une seule journée l’équivalent de trois mois de chiffre d’affaires habituel, sans voir une seule once présentée pour achat. Le Wall Street Journal cite un bijoutier indien de Bombay qui évalue d’ores et déjà le niveau de ses ventes à 30%/ 40% au-dessus de l’année passée.
En résumé, et contrairement à la logique habituelle des marchés financiers, les acheteurs se précipitent alors que les prix baissent. L’effet psychologique d’une baisse soudaine pousse habituellement les investisseurs à se défaire de leurs avoirs de peur de perdre encore plus. Il semble qu’aujourd’hui la psychologie globale des investisseurs en physique se soit déconnectée de celle des spéculateurs des marchés à terme et des ETF. Cette réponse n’avait certainement pas été anticipée par les initiateurs du raid. Nous vivons là les prémices d’une déconnexion entre produit physique et produits de spéculation.
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