L’énorme claque assenée aux métaux précieux le 12 avril mérite qu’on s’y attarde. Pourquoi cette claque ? Quelle bonne nouvelle pour l’économie aurait déclenché cette panique vendeuse ? Pour y répondre, il y a deux écoles.
La première peut être caricaturée par l’intervention du journaliste vedette de CNBC, Larry Kudlow. Dans son intervention du 15 avril, en pleine débâcle des prix du métal jaune, il expliquait que : « Quand l’or baisse, c’est, je pense, que l’économie se porte bien ! … Il s’agit de la deuxième grande hausse de l’or de ces 40 dernières années. La première était dans les années 1970. Il s’agissait là de la seconde. C’est fini. Et le fait que la hausse de l’or est terminée est le signe, à mon humble avis, que les choses vont progressivement s’améliorer aux Etats-Unis…« .
Donc, cher lecteur, soyez rassuré : l’économie va bien. Le vendredi 12 avril au matin les investisseurs, alors qu’ils se rasaient, se sont longuement regardés dans le miroir puis, se frappant le front de la paume de la main droite, se sont tous dits, sans se concerter, « l’économie va bien, je vends mon or !« , comme ça soudainement. Franchement, à qui peut-on encore servir ce genre de soupe ?
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Une baisse parfaitement orchestrée
L’autre école consiste au préalable à comprendre ce qui s’est réellement passé ce jour là.
Depuis l’été 2011, le prix de l’or oscillait entre deux bornes : une résistance qui coiffait les prix de l’once à 1800$ et un support autour de 1550$. Ce va-et-vient ayant duré, à chaque approche de la résistance les haussiers devenaient fébriles à l’idée de percer ce rempart et les baissiers, forts des occurrences précédentes, étaient confiants dans leur défense. Inversement, à chaque arrivée sur le support, les haussiers se voyaient déjà repartir à l’assaut de cette résistance qui coiffait les prix. Mais voilà. Le 12 avril, à l’ouverture du CME, les baissiers ont dégainé très vite et très fort. Dès l’ouverture, 124,4 tonnes d’or sous la forme de contrats à terme étaient vendues.
Pour celles et ceux qui n’en sont pas familiers, les contrats à terme, à l’origine, permettent aux producteurs (blé, maïs, or, porc, etc.) de vendre aujourd’hui, au prix déterminé ce jour, leur production future. Ils s’assurent ainsi leur trésorerie indépendamment des aléas futurs de production. L’acheteur lui se garantit un prix et une date de disponibilité. Mais très vite, la spéculation s’est engouffrée dans ces marchés. Aujourd’hui n’importe qui peut intervenir sur les contrats à terme.
Revenons au 12 avril. Un ordre de vente, ayant transité par Merrill Lynch, sur le marché à terme, de 4 millions d’onces d’or (124,4 tonnes soit 40 000 contrats de 100 onces) est passé. Le prix de l’once d’or accuse le coup et vient titiller le support. Les haussiers contre-attaquent et les prix remontent légèrement pendant quelques heures puis PAN ! Une nouvelle attaque arrive sur le marché. Cette fois ce sont plusieurs ordres combinés qui déferlent pendant 35 minutes pour un total de… 10 millions d’onces (311 tonnes d’or) proposées à la vente.
Devant un tel déchaînement le support craque et tous les haussiers – qui avaient placé des ordres stop sous le support – alimentent un peu plus la chute.
Le choix du dernier jour de la semaine n’était pas innocent. Deux jours à regarder les cours sans pouvoir rien faire ! Le lundi, la réplique de ce séisme vint des liquidations de portefeuille, conséquences des appels de marge des courtiers. Une fois ce support cassé, la baisse s’est donc auto-entretenue jusqu’au 16 avril.
Pour être tout à fait complet sur cette attaque, car vous l’avez bien compris il est hors de question de lier cette baisse à une quelconque évolution des fondamentaux, il convient d’évoquer la préparation dont elle a fait l’objet.
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Le 2 avril, la Société générale publiait une étude baissière sur l’or, The end of the gold era, dont le principal argument est que les marchés seraient revenus à un fonctionnement normal ce qui augurerait d’une prochaine hausse des taux.
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Le 6 avril, Goldman Sachs publiait un avis négatif sur l’évolution du prix de l’or, conseillant à ses clients de passer à la vente.
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Le 10 avril au soir, une rumeur circulait sur la vente du stock d’or de Chypre, rumeur démentie par le directeur de la banque centrale chypriote le lendemain.
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Le même jour, la Réserve fédérale publiait les minutes de sa réunion des 19 et 20 mars derniers dans lesquelles certains membres évoquaient la possibilité de mettre fin aux rachats de dettes (QE).
Nous verrons demain pourquoi la défense des stocks d’or exigeaient cette attaque sur l’or.