La plupart des regards sont tournés vers La Française des Jeux, qui plongera demain dans le grand bain boursier. Facétie du calendrier, alors que les IPO ne sont pas légion sur le marché parisien depuis de longs mois, une autre société à la notoriété autrement plus étriquée, Agripower, est cependant aussi en train de préparer son basculement dans l’univers coté.
Intégrateur de solutions de méthanisation, ce groupe nantais créé en 2012 cotera à compter du 20 novembre prochain, six jours après la clôture de l’offre au public, qui a débuté hier. Il procèdera à une augmentation de capital de 5 M€, montant qui pourra être porté à un maximum de 5,75 M€ dans l’hypothèse d’un exercice intégral de la clause d’extension.
Président-fondateur, Eric Lecoq détient ainsi que son épouse 100% du capital d’Agripower. Inexistant à ce jour, le flottant atteindra 33% voire 42,7% au terme de cette opération. Quant au prix de l’action, pas de fourchette et donc pas de mystère, ce qui est plutôt rassurant pour l’investisseur : le prix a été fixé à 6,70 € par action.
La communauté financière a convergé hier vers l’Hôtel de Sers, dans le VIIIème arrondissement de Paris, pour une présentation bien huilée. Incontestablement, Eric Lecoq connaît son sujet. Ingénieur de formation, pur entrepreneur de la transition énergétique, ce patron sympathique, humble et accessible a été confronté au périlleux exercice des questions-réponses pendant près de deux heures, mais n’a jamais été mouché.
L’introduction en Bourse qu’il a appelée de ses vœux semble avoir été mûrement réfléchie et vise quatre objectifs distincts : le financement de la croissance, l’accroissement de la force de frappe commerciale, le renforcement des équipes techniques et l’enrichissement de l’offre d’Agripower. Pas de jaloux, pas de « parent pauvre » : le produit net des fonds levés dans le cadre de l’émission des actions nouvelles sera équitablement réparti entre ces quatre objectifs (25% chacun).
« Un boulevard en France »
En attendant, Agripower est déjà une structure bien « rodée », avec un chiffre d’affaires en constante augmentation et déjà, une rentabilité assez significative. Les revenus sont ainsi ressortis à 7,23 M€ au titre de l’exercice 2019, clos fin juin, soit une progression de 44% comparativement au précédent. Le bénéfice net a pour sa part atteint 482 000 €, bien au-dessus des 143 000 € dégagés à fin juin 2018. Quant à la marge brute, elle atteignait 23% au dernier pointage, à comparer à 22% au terme du précédent exercice.
En bonne santé, le groupe a aussi largement de quoi voir venir, comme en témoigne son carnet de commandes, qui s’établit à 33 M€ et lui confère une visibilité sur deux voire trois ans. En ces temps de transition énergétique, et même si la méthanisation n’est pas le pan le plus connu de ce grand dessein national qu’est la décarbonisation, il revendique déjà cinquante unités installées et le double de commandes signées, alors qu’il n’en avait déployée qu’une seule en 2014 !
« Il y a un boulevard en France », assure Eric Lecoq, qui peut compter sur le savoir-faire du constructeur et équipementier allemand Weltec, son principal partenaire (actuellement présent dans 32 pays), pour conquérir l’Hexagone, lui qui n’a à ce stade aucune ambition à l’export. C’est peu dire, en effet, que la France est à la traîne par rapport à son voisin d’outre-Rhin, lequel, fidèle à sa réputation de pionnier vert, s’est lancé dans la méthanisation dès la fin des années 1990 et compte aujourd’hui pas moins de 9 300 unités dédiées à la transformation d’intrants organiques en biogaz, contre à peine 588 dans nos frontières. Ce même biogaz représentait au surplus 4,5% de la production électrique allemande en 2017, contre… 0,5% de la production française.
Or, qui dit méthanisation dit méthane (CH4), un gaz à l’effet de serre largement oublié par les pouvoirs publics et autres Cassandre de l’apocalypse environnementale, alors même que son potentiel de réchauffement global est… 28 fois plus élevé que le CO2.
On peut donc affirmer qu’Agripower est un groupe d’utilité publique, positionné sur une filière en plein essor, qui participe de la défense d’une cause écologique unanimement plébiscitée ou presque et qui bénéficie de subventions de l’ADEME (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie), en sus d’un fonds de garantie Bpifrance de 100 M€. Un groupe qui propose en outre des solutions de méthanisation sur mesure à la fois collectives, à destination des collectivités, de groupe d’agriculteurs ou de l’industrie agroalimentaire ; et individuelles avec ici des dispositifs destinés aux exploitations agricoles de tailles intermédiaires.
Agripower aspire désormais à accélérer son développement dans le Grand-Ouest, mais aussi autour des métropoles lilloise, lyonnaise et toulousaine ; et à élargir son offre à de nouveaux segments. En termes chiffrés, la société espère générer 40 M€ de revenus à horizon 2023, tout en maintenant ses niveaux actuels de rentabilité. Un défi de taille au regard des recrutements nécessaires à son développement, mais qui semble à sa portée étant donné sa trajectoire de croissance, le caractère différenciant et complet de son offre – avec une implication qui va de l’avant-projet jusqu’à la maintenance – et l’importante marge de progression de son marché.
Et si Agripower devenait la référence française en matière de méthanisation ?