Veolia prendra-t-il le contrôle de Suez dans ce qui serait l’OPA de l’année sur la cote parisienne ? Alors que l’Etat aspire à temporiser, le numéro un mondial du traitement de l’eau et des déchets reste déterminé, à l’approche de l’expiration de son offre.
Plus que quelques heures, peut-être, avant le dénouement de l’un des grands feuilletons boursiers de ces dernières semaines. Officialisée il y a un mois, la proposition de Veolia de racheter la participation de 29,9% d’Engie dans Suez, qui a valeur de prise de contrôle, a en tous les cas cours jusqu’à demain.
Malgré les vents contraires, Antoine Frérot, PDG du géant du traitement des déchets, lequel pèse un peu plus de 10 Mds€ en Bourse, a maintenu le cap et n’a jamais lâché sa proie.
Que décidera Engie ? Les dernières déclarations de son patron Jean-Pierre Clamadieu, saluant un « projet industriel solide » et craignant l’absence de nouvelles propositions en ce sens, plaident de toute évidence pour un agrément à l’offre. De quoi satisfaire Amber Capital, déjà connu des investisseurs pour son activisme dans le sulfureux dossier Lagardère, qui l’a qualifiée d’« opportunité unique » qu’il est « urgent de saisir ».
Le fonds est donc sensiblement sur la même ligne qu’Antoine Frérot, appelant lui aussi de ses vœux la création d’un « champion européen de l’environnement » et qui, pour ce faire, a proposé 15,5% par action, soit 2,9 Mds€. Un montant néanmoins insuffisant aux yeux de l’Etat, qui a lui aussi son mot à dire, fort d’une participation de 24% au capital d’Engie, ce qui fait de lui le principal actionnaire de l’énergéticien. En conséquence, Veolia pourrait au bout du compte relever son offre pour tenter de convaincre un Suez toujours vent debout, doux euphémisme, contre ses velléités.
Un délai supplémentaire ?
Premier fournisseur privé d’eau dans le monde, Suez ne sera en effet pas resté les deux pieds dans le même sabot pour tenter de faire capoter ce projet, ayant en particulier logé son activité « Eau France » la semaine dernière dans une fondation de droit néerlandais pour les quatre années à venir. La base, elle, redoute des suppressions de postes et n’en démord pas, avec une fois encore ce mardi à la mi-journée le rassemblement d’une centaine de salariés devant la Tour Engie de la Défense contre le projet d’OPA de Veolia.
Dans ce climat délétère, le ministère de l’Economie a eu toutes les peines du monde à jouer les conciliateurs. Devant la difficulté de la tâche et l’improbabilité de trouver un terrain d’entente à brève échéance, Bruno Le Maire a ouvert la porte à un délai supplémentaire. « Je souhaite qu’on prenne le temps nécessaire et j’appelle les deux parties au sens des responsabilités », vient-il ainsi de déclarer, souhaitant bien sûr faire l’économie d’un combat de boxe entre deux des poids lourds de l’économie française au cœur d’une crise économique gravissime. Et de poursuivre : « L’Etat ne cédera à aucune pression ni à aucune précipitation […] Enfin, on n’est pas à une semaine, 15 jours ou trois semaines près. »
Pas sûr toutefois que de tels laps de temps suffisent pour que Suez et Veolia, cousins de par leurs cœurs de métiers respectifs, mais que les intérêts financiers et les circonstances ont transformé en ennemis, parviennent à accorder leurs violons…