Alors que j’étais en train de remonter les dernières valises du parking, mon fils de 16 ans qui avait allumé la télévision pour jeter un oeil aux dernières images des Jeux Olympiques diffusées depuis Rio m’interpelle : « Papa, viens voir… ! Shinzo Abe s’est déguisé en super Mario ! » (voir notre video du jour)
Mon subconscient a géré cette information de façon totalement dysfonctionnelle et j’ai lancé : « Ah… et il va nous imprimer combien cette fois ? 30, 40 ou 50 Mds$ supplémentaires ? ».
J’avais encore les 2 mains prises – et c’est un de nos défauts masculins bien connus de la gente féminine : un homme ne peut effectuer simultanément une tâche manuelle et intellectuelle.
Résultat, une réponse complètement à côté de la plaque.
Shinzo Abe en Super Mario
Je m’étais figuré Shinzo Abe arborant le masque de Mario Draghi avec une casquette rouge et une moustache de plombier annonçant qu’il rajoutait 30 Mds$ au plan de relance japonais dévoilé début août — une nouvelle que j’avais sans doute lu distraitement sur un ticker d’information financière la veille…
Mais la réalité qui se déroulait sous les yeux de mon fils dépassait également ma propre capacité fictionnelle : le Premier ministre japonais Shinzo Abe a émergé d’un podium lors de la cérémonie de clôture des Jeux de Rio, non seulement coiffé de la casquette de Super Mario mais également revêtu durant quelques secondes du bleu de chauffe du plus célèbre héros de l’univers Nintendo, afin de « montrer au monde l’influence du Japon avec l’aide d’un personnage typiquement japonais ».
J’ai (non sans mal) repris remis tous les éléments dans l’ordre en découvrant les images diffusées en direct depuis le stade olympique de Rio… Puis ai tenté de rattraper ma première sortie ridicule en expliquant à mon fils que les Jeux de Tokyo seront assurément un véritable gouffre financier et qu’avant même d’avoir englouti les premiers milliards d’équivalent dollar dans des équipements sportifs titanesques (rien à voir avec l’aspect « de bric et de broc » de l’organisation brésilienne car au Japon, la devise c’est « le meilleur sinon rien »), le Japon était déjà champion planétaire des déficits publics avec un score de 250% et bientôt de 280% (plan de relance à crédit oblige).
J’imagine déjà un stade olympique climatisé car si les Jeux de 2020 se déroulent effectivement sur la première quinzaine d’août, je vois mal les athlètes réaliser des performances par plus de 40° dans l’après-midi et +35° jusqu’à 22h30.
Je referme cette parenthèse climatique pour en revenir au climat sur les marchés. Si nous nous limitons à l’examen du CAC 40, du DAX 30 et de l’Euro Stoxx 50 (que Gilles Leclerc a analysé hier), rien n’a bougé depuis le 14 juillet dernier.
Absolument rien !
La camisole algorithmique contraint les indices
Le CAC 40 a reperdu 0,25% ce lundi 22 août et s’est enfoncé sous les 4 400 points… mais il s’est empressé de reprendre le terrain perdu en after-hour, alors que Wall Street ne faisait strictement rien et n’allait absolument nulle part (scores de clôture s’étageant entre -0,12% et +0,12%).
Le graphique intraday du Dow Jones était particulièrement instructifs : tout s’est joué au sein d’un biseau d’une perfection géométrique bluffante, d’une amplitude verticale de 80 points maximum (à peine 0,5% d’écart absolu) se resserrant au fil des heures jusqu’à se réduire à une série d’oscillations de 20 points… puis de 10 points au cours des 90 dernières minutes !
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Les programmeurs de robots-traders ont passé la séance à resserrer les lanières de la camisole algorithmique, camisole parfaitement en place depuis le 5 août : le Dow Jones n’a jamais réussi à s’extraire du corridor des 18 500/18 600 points depuis cette date. La séance de lundi résume à elle seule plus de 15 jours de stagnation boursière.
Cette séance n’était pourtant pas dénuée d’enjeux techniques. La séance des Trois sorcières s’étant déroulée vendredi dernier, celle de ce lundi n’était autre que la première du terme de septembre, mois à l’issue duquel les investisseurs mesureront la performance du troisième trimestre 2016 : le dernier se déroulant sous la double mandature de Barack Obama. Si les scores en restent là d’ici le 16 septembre prochain, les investisseurs auront multiplié leur mise boursière par 2,5 depuis l’élection du 44ème Président des Etats-Unis, mi-novembre 2008.
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Aucun président démocrate (et encore moins républicain) ne peut se vanter d’avoir rendu en 8 ans les riches aussi riches et les ultra-riches encore plus riches alors qu’il s’était fait élire en promettant de réduire les inégalités et de faire payer aux brasseurs d’argent leurs erreurs et leurs fautes commises sous l’ère Bush. Mais qui se souvient de ses critiques sans concession adressées à « la finance sans visage » et plébiscitées par les électeurs… ?
Les médias ne veulent retenir qu’Obamacare et le torpillage de ce grand projet social par tous les moyens orchestrés par le camp républicain.
Les marchés soutiennent la Fed qui soutient les marchés
C’est ce qui a, au passage, entraîné un rejet des élites politiciennes dont Donald Trump a su jouer avec un incontestable brio – à défaut de s’être montré convaincant sur le reste. Et Hillary Clinton ne risque pas de rassembler beaucoup de suffrages en jouant sur le même registre que Barack Obama en 2008 : vues les centaines de millions de dollars déversées par les plus grandes firmes cotées à Wall Street pour financer sa campagne, personne ne la croirait. Les plus grandes institutions financières et banques d’affaires du pays n’auraient versé à ce jour que 30 M$ en faveur des comptes de campagne de Donald Trump, contre 10 fois plus au profit de sa rivale. Un tel écart est une première historique, mais bien compréhensible puisque Donald Trump a promis de démanteler la Fed (faire démissionner tous ses membres).
Alors, pour plaire du camp démocrate, il est évident qu’une hausse de taux n’aura pas lieu le 21 septembre prochain (juste après les Quatre sorcières) parce que cela provoquerait un chaos boursier à deux mois du scrutin présidentiel. Ce serait le pire scénario pour Hillary Clinton et cela donnerait du poids à l’argumentation de Donald Trump qui aurait beau jeu de démontrer que Janet Yellen et ses pairs sont des irresponsables et qu’il est urgent de les remplacer.
Mais tout cela explique-t-il la stagnation des indices européens, du Dow Jones et du S&P 500 depuis le 14 juillet, dans des volumes d’une étroitesse historique ?
Difficile à croire !
En revanche, cela semble traduire le fait que les banques centrales, notamment la Fed et la BoJ (la dernière à avoir rajouté des liquidités dans le système début août avant que Shinzo Abe se déguise en Super Mario) sont tellement omniprésentes et hégémoniques que tous les institutionnels ou particuliers ont déserté le marché.
Les banques centrales demeurent le seul joueur à la table de poker, les seuls enchérisseurs dans la salle par pseudo clients interposés. Mais ce sont bien elles qui possèdent les jetons, tiennent le maillet, inscrivent les scores au tableau sans personne pour les contester.
Elles ne savent plus du tout où conduire le marché parce qu’en fait, elles sont le marché.