Les guerres des devises sont comme des guerres réelles sur au moins un point important : elles n’impliquent pas des combats en permanence. Au lieu de cela, il y a des périodes de batailles intenses suivies de périodes d’accalmie jusqu’à ce que les combats reprennent à plus grande échelle.
La Seconde Guerre mondiale était comme ça. Après la Blitzkrieg allemande en Pologne en septembre 1939, il y eut une période de calme relatif jusqu’au printemps 1940. C’était une période appelée la « drôle de guerre ». Puis, le 10 mai 1940, les nazis envahirent la France, la Belgique, Le Luxembourg et les Pays-Bas, pays qui ont tous perdu rapidement, le point symbolique de la victoire étant les nazis entrant à Paris le 14 juin 1940.
Nous avons la même dynamique d’alternance entre périodes d’intensité et de calme dans les guerres de devises.
La nouvelle guerre des devises a commencé en janvier 2010, lorsque le président Obama a mis en place son Initiative Nationale d’Exportation (National Export Initiative) conçue pour doubler les exportations des États-Unis en cinq ans. La seule façon de le faire était de déprécier le dollar.
En septembre 2010, le monde entier se plaignait d’un dollar trop faible et le ministre brésilien des Finances, Guido Mantega, déclarait que le monde était dans une « guerre des devises ». Le dollar a atteint son plus-bas historique en août 2011, et le prix de l’or en dollar son record historique de 1 900$ l’once un peu plus tard. Après cela, le dollar s’est redressé, l’or a progressivement baissé, et la rhétorique de la guerre des devises s’est calmée. Le discours sur les guerres de devises a été lentement remplacé par la crise de la dette souveraine européenne, les craintes du Grexit et la baisse de l’euro en 2012-2015.
Mais la guerre des devises n’est pas terminée et n’a jamais vraiment disparu. Les journalistes financiers aiment parler d’une « nouvelle » guerre des devises chaque fois qu’il y a un déclin significatif d’une monnaie majeure par rapport à une autre. La vérité est que nous assistons à une longue et continue guerre de devises. Les titres des journaux ne reflètent que les batailles dans une lutte qui s’inscrit dans la durée.
Dans mon livre, Currency Wars (2011), je souligne que la première guerre monétaire a duré 15 ans, de 1921 à 1936, et la deuxième guerre monétaire a duré 20 ans de 1967 à 1987. La guerre actuelle, que j’appelle la troisième guerre des devises, a commencé en 2010 et je m’attends à ce qu’elle dure jusqu’en 2025 — à moins qu’il n’y ait une réforme systémique ou un effondrement systémique auparavant.
Cette précision sur le contexte général est importante pour comprendre où nous en sommes. Nous sommes dans le stade le plus dangereux et le plus fatidique. Vous pouvez considérer cette phase de la guerre des devises comme le fameux « jour J » (D-day).
Le président Trump critique la manipulation de la monnaie chinoise. Récemment, il a fait une surenchère en incluant le Japon et l’Allemagne sur sa liste de prétendus manipulateurs de devises. Le Japon essaie de montrer sa bonne volonté en annonçant d’énormes nouveaux investissements aux États-Unis. L’Allemagne est offensée et rejette l’accusation. La Chine est coincée entre le marteau et l’enclume : si la Chine continue de soutenir le yuan, elle perdra un autre millier de milliards de dollars de réserves et évoluera vers une crise de solvabilité. Si elle dévalorise le yuan (ce qui est probable à mon avis), elle va provoquer la colère de Trump qui va répliquer avec des droits de douane et des mesures pour affaiblir le dollar.
Trump détient des atouts importants dans cette bataille. Il aura au minimum deux et peut-être jusqu’à cinq sièges au conseil des gouverneurs de la Fed d’ici la fin de cette année. Trump pourrait attribuer ces sièges à des « colombes » (dovish) qui feront tout pour affaiblir le dollar et mettre encore plus de pression sur la Chine, soit pour qu’elle épuise ses réserves soit pour constater l’effondrement du yuan.
Cette possible dévaluation concurrentielle des États-Unis ne signifie qu’une seule chose : inflation. Un dollar moins fort signifie que les marchandises importées coûtent plus cher. Ces augmentations de prix à l’importation se propagent dans la chaîne d’approvisionnement pour aboutir à des prix plus élevés en magasin. C’est pourquoi l’or est en hausse de 10% depuis la mi-décembre. Les investisseurs voient l’inflation venir et se ruent sur la seule monnaie qui survit toujours : l’or.
Même dans les zones de guerre, il existe des pays neutres où les citoyens peuvent éviter la destruction. Au cours de la Seconde guerre mondiale, la Suisse était neutre et sûre. Dans les guerres de devises, l’or est votre sorte de « Suisse personnelle », un endroit où vous pouvez vous sentir en sécurité.
La troisième guerre des devises, qui a commencé en 2010, est en train de se réveiller après une accalmie. Comme les Etats-Unis et la Chine se positionnent pour un conflit potentiel, l’or devrait voir sa demande soutenue.
3 commentaires
Bonjour,
merci pour vos articles très intéressants sur le monétaire. Pas toujours faciles à comprendre cependant..
Justement, dans un article précédant vous parliez de « l’accord de Shangai » entre les principales banques centrales pour faire monter ou baisser telle ou telle devise ( avec accord de la Chine) et , maintenant vous nous parlez à nouveau de guerre des devises entre la chine et les USA…Est ce que cet accord tacite est rompu ? Est ce que nous sommes rentrés dans un nouveau paradigme où les efforts coordonnés des banques centrales pour maintenir le niveau des marchés ne serait plus d’actualité ??
cordialement
Bonjour
Oui, en effet, il semble bel et bien que depuis l’élection de Trump, l’Accord de Shanghai ne soit plus d’actualité et que la Chine et les Etats-Unis relancent leur guerre des devises
Bonjour,
Comme toujours merci pour vos articles limpides et vrais.Si un jour je peux investir avec vos conseils devises je le ferai:il m’est évident que la guerre économique cachée se livre sur son accessoire circulant:la devise.