Le 19e plénum du PCC (Parti communiste chinois) s’est ouvert sur un discours fleuve de trois heures de Xi Jinping, devant 2 290 délégués élus au suffrage direct, 204 membres du Comité Central +167 suppléants, 25 membres du Politburo et les 7 membres permanents du Comité central dont trois vont céder leur place, atteints par la limite d’âge (ils étaient 9 autrefois, élus par les « 371 »).
▶ La victoire de Xi Jinping au 19e congrès du Parti communiste chinois
Xi Jinping devrait ressortir renforcé de ce 19e Congrès puisqu’il sera d’une part confirmé à son poste de président du pays, mais pourrait également devenir président du Parti communiste – il n’avait que le rang de Secrétaire général jusqu’à présent.
Personne n’a plus été crédité du titre de président du PC depuis 30 ans et jamais autant de pouvoir n’aura été concentré entre les mains d’un seul homme depuis… Mao.
Xi Jinping devrait favoriser la nomination de très hauts cadres du Comité central appartenant à sa génération (les anciens se retirent) dans lesquels il a pleine confiance et qui partagent sa philosophie d’un pouvoir plus autocratique (pardon, incarné par une personnalité forte et déterminée)… Ils seraient mieux à même de « faire passer de profondes réformes car les enjeux sont énormes » (pour reprendre la formule choc qui résume une grande partie de sa profession de foi).
L’appareil du Parti est caractérisé depuis la mort de Mao par une inertie proverbiale et une culture du consensus qui se méfie des prises de décision « en rupture ». Lorsque des courants s’affrontent (classiquement conservateurs contre réformateurs), ce sont le plus souvent les partisans du statu quo qui l’emportent.
Le PC chinois est un lourd paquebot qui évite les changements de cap brutaux depuis la mort du grand timonier. Le carré des officiers détenait la réalité du pouvoir, le capitaine jouissant d’un poste plus statutaire que stratégique (c’est le comité central qui, par exemple, nomme les dirigeants des grands groupes bancaires, industriels, technologiques).
Xi Jinping incarne donc la renaissance d’une tradition impériale un peu passée de mode au tournant du XXe siècle. Il ne lui reste qu’à rétablir le mandarinat, une garde rapprochée de hauts fonctionnaires hyper-compétents et intègres chargés de gérer les affaires courantes.
De la période Mao, il retient surtout les premières années de transformation post-occupation japonaise et post-Tchang Kaï-chek.
En ce qui concerne l’intégrité, Xi Jinping en a fait son cheval de bataille : il a mené une chasse aux corrompus largement relayée par des médias, soucieux de lui complaire. La presse s’est montrée beaucoup plus discrète quant à l’épuration qu’il menait à l’encontre des opposants politiques – potentiels ou déclarés – de telle sorte qu’il n’existe quasiment plus aucun contre-pouvoir ni alternative à la ligne du parti (la sienne).
Les investisseurs étrangers apprécient beaucoup ce genre de configuration : un pouvoir central fort, un cap clair, une presse aux ordres, une opposition muselée.
Il ne sera sûrement pas aussi facile de museler les créances douteuses, de faire toute la lumière sur le shadow banking et de mettre un terme à des pratiques spéculatives qui sauvent les apparences mais compromettent la stabilité à moyen terme.
Remarquez, si la Chine s’apprête à placer son destin dans les mains d’un seul homme, les démocraties occidentales ont remis le leur entre les mains des banquiers centraux, lesquels administrent la valeur des actifs à la Mao depuis l’automne 2008.
▶ L’empire des banques centrales écrase le VIX
Le rôle des marchés se borne depuis 8 ans à ventiler les liquidités injectées par les banques centrales et ils s’en remettent de façon de plus en plus évidente et caricaturale, aux « robots ». Le recours aux algos vient de franchir un nouveau cap à la rentrée. Après le pic de volatilité des 10, 11 puis du 17 août derniers (+40% en 24 heures), il a apparemment été décidé que le contrôle de la volatilité serait renforcé… ou plutôt placé sous le strict contrôle des sherpas avec l’appui d’une communication mieux calibrée des banquiers centraux.
Et hop, la volatilité a disparu, aussi sûrement que le rendement sur les Bunds de 0 à 8 ans au lendemain du lancement du QE de la BCE.
Une jauge du stress durablement collée au plus bas absolu (VIX ancré sous les 10) est synonyme de prise de risque prolongée, d’où cette séquence haussière sans précédent. Tokyo a enchaîné 13 séances consécutives de hausse, dont 10 records et Wall Street, 14 !
Une volatilité sous les 10 constitue, aux yeux de beaucoup d’opérateurs, une anomalie.
Mais il y a peut-être plus singulier encore : les volumes d’échanges quotidiens décroissent spectaculairement alors que les cours sont sur une trajectoire interstellaire.
▶ Plus ça monte, moins il y a d’acheteurs
Regardez la divergence qui apparaît nettement, quand nous mettons le graphe en bougies mensuelles : chaque barre représente un mois. Et alors que le S&P500 poursuit sa hausse depuis août, les volumes sont en très nette baisse !
Mais entrons dans le détail des volumes sur les contrats à terme sur le S&P500, les plus représentatifs de l’activité et les plus liquides, sur des données quotidiennes.
Il se traitait 2,2 millions de contrats par jour en moyenne mi-août, puis 1,6 million fin septembre/début octobre… puis seulement 800 000 le 17 octobre, le volume tombant à 740 000 le 18 et 750 000 le 19. Le constat est d’emblée vertigineux et totalement contre-intuitif : plus ça monte, moins il y a d’acheteurs… et ce fait est incontestable, même en supposant une activité plus soutenue dans les dark pools.
La proposition inverse, plus ça monte, moins il y a de vendeurs serait plus logique… et en ce mois d’octobre, on constate effectivement une absence sidérale de vendeurs. Cela s’explique par deux facteurs.
Le premier est technique : la volatilité est écrasée ; les portefeuilles peuvent être couverts à moindre frais, les investisseurs sont donc en mode risk on à fond.
Le second est tactique : la baisse de la fiscalité promise par Trump (au profit des… 0,001% les plus riches) est censée améliorer les performances des entreprises et alléger les impôts des entreprises dont le métier est de manipuler les valeurs mobilières.
La promesse d’une moindre pression fiscale conduit les investisseurs « rationnels » à patienter jusqu’à l’entrée en vigueur de la ristourne pour matérialiser des plus-values boursières (ou de toute autre nature pour les directeurs financiers des entreprises cotées et dont l’assiette de taxation va se trouver allégée).
Parmi ces investisseurs rationnels, Warren Buffett annonce clairement la couleur : il s’abstient de toute vente importante pour le compte de son fonds Berkshire Hathaway pour éviter de payer des taxes inutiles sur ses gains. « Je me sentirais stupide si je réalisais un gain de 1 Md$ et payais 350 M$ en impôts alors que si j’attendais quelques mois, je ne paierais plus que 200 M$ ».
Et c’est ce genre d’attentisme calculé qui a inspiré Steven Mnuchin, le secrétaire américain au Trésor, pour cette déclaration qui relève carrément du chantage à l’intention du Congrès : « si vous ne votez pas en faveur de la réforme fiscale que nous proposons, vous provoquerez un krach boursier ».
Les marchés ont tellement payé cette réforme depuis l’élection de Trump que sa non-exécution se solderait en effet par un désastre.
Le Congrès se voit donc face à deux mauvais choix :
- soit donner raison à ceux qui ont gonflé cyniquement le pire bulle boursière depuis 1929… et provoquer un creusement abyssal du déficit budgétaire au cours des trois prochaines années (qui se terminera à terme par un krach obligataire) ;
- soit refuser un nouveau cadeau fiscal aux ultra-riches et déclencher colère et terreur à Wall Street… dès aujourd’hui.
Face à une alternative qui ne débouche que sur des conséquences désagréables, il nous a plus que jamais paru urgent de décorréler notre portefeuille des marchés US, mais également de miser sans trembler sur une résurgence imminente de la volatilité. Pour suivre notre stratégie et nos conseils, vous pouvez commander le dernier numéro de ma lettre Béchade Confidentiel ici.