Les trois principaux indices US ont tous inscrits des plus-hauts absolus vendredi dernier. Après une succession de 2 à 4 séances de records consécutifs, ils gagnent en moyenne 1% sur la semaine écoulée : +0,8% pour le S&P500, +1% sur le Dow Jones, +1,25% pour le Nasdaq). La confiance inoxydable de Wall Street s’accompagne d’une décrue symétrique du VIX qui affiche un niveau de complaisance toujours plus stratosphérique – ou plutôt abyssal : « l’indice de la peur » est au plus bas depuis fin 2007 et 1993.
Les places européennes, en panne la semaine dernière, continuent donc de perdre du terrain sur Wall Street alors que les gérants considèrent de façon chaque jour plus unanime que les actions de l’Eurozone sont injustement décotées. Alors pourquoi les investisseurs continuent-ils obstinément de s’en détourner ?!
Qu’est-ce qui les indispose donc à ce point ?
Nous sommes peut être en mesure d’avancer quelques éléments de réponse et l’un des premiers motifs, c’est l’incertitude politique et mine de rien, le risque d’éclatement ou de fissure de la zone euro dont nous avons déjà parlé.
L’incertitude politique plombe les marchés européens
Non pas que nous voyons les votes d’extrêmes (gauche ou droite) constituer une réelle option en France, mais il est bien difficile de deviner quelle politique sera menée par les prétendants les plus sérieux – et avec quelle conséquence sur la croissance, la stabilité sociale, la fiscalité, etc.
En Allemagne, Angela Merkel apparaît de plus en plus fragilisée malgré les succès économiques qu’elle peut revendiquer… mais qui apparaissent à double tranchant : désormais, Donald Trump accuse l’Allemagne de mener une marche triomphale au détriment de ses principaux partenaires grâce à une monnaie trop faible qui ne sert que ses intérêts (mais l’euro est en revanche trop fort pour les pays du Sud).
Et pour couronner le tout, Hans Walter Steinmaïer vient d’être élu Président de l’Allemagne. Une fonction certes honorifique, mais il est connu pour sa vision critique de l’action de l’actuelle Chancelière.
Mais délaissons un peu les échéances électorales franco-germaniques dont les médias nous abreuvent pour nous intéresser au cas de Jean-Claude Juncker.
Jean-Claude Juncker, symbole de la rupture européenne
Il vient de faire savoir qu’il ne briguera pas de second mandat comme Président de la Commission européenne.
Outre son impopularité (il cristallise le rejet d’une Europe technocratique et minée par les trous noirs fiscaux qu’il a favorisés), il invoque ses préoccupations concernant des forces centrifuges qui se propagent depuis bien avant le Brexit. Il affirme que « le moment est venu où l’Union européenne des 27 doit montrer de l’unité, de la cohésion et de la cohérence ».
Et là, il ne parle pas du cas britannique mais des intérêts divergents qui écartèlent l’Europe entre la vision des Hongrois et des Polonais puis celle de l’Allemagne ou la France, sans parler des Finlandais désormais en panne de croissance à cause des sanctions contre la Russie qui sont applaudies par Berlin et Varsovie ou les pays Baltes.
La crise grecque rentre dans sa 7ème saison et le FMI menace de retirer son soutien financier (et il ne vous reste que 7 jours pour vous préparer à cette menace bien réelle pour laquelle même Greenspan s’inquiète !)
La Turquie peut à tout moment rouvrir le robinet des migrants dont Angela Merkel ne veut plus et dont la Hongrie ou la Slovénie n’ont jamais voulu.
Enfin, J.C. Juncker est l’homme qui a exprimé ce qui passe pour être la vision de certains membres très influents des élites eurocrates (un mot valise, chacun y met un peu ce qu’il veut) : « il ne peut y avoir de décisions démocratiques votées à l’encontre de l’Europe ». Il faisait référence à des référendums bloquant certains processus constitutionnels ou contestant des décisions prises dans le secret des hautes instances (comme les négociations sur le TAFTA)
Qui va lui succéder, avec quelle vision ?
Une Eurozone malade de l’Allemagne
Donald Trump a fait savoir qu’il ne ferait pas de cadeau, sinon pas de quartier, aux pays qui dégagent de gros excédents commerciaux vis-à-vis des Etats-Unis.
Tout le monde pense aussitôt à la Chine mais en fait, l’empire du Milieu a été battu en 2016 par l’Allemagne, laquelle va se retrouver dans le viseur de la nouvelle administration américaine.
Et Donald Trump ou ses proches conseillers ont déjà commencé à attaquer l’Allemagne et tentent de semer la zizanie au sein des pays de l’U.E. Ils jouent sur du velours car l’Allemagne a augmenté l’an passé ses exportations vers les autres pays européens, tandis que les exportations vers des pays comme la Chine ou les émergents sont en recul.
Elle a enregistré en 2016 un excédent commercial record de 253 Mds€ (environ 260 Mds$) contre 244 Mds€ en 2015 d’après les tous derniers chiffres de l’Office fédéral des statistiques germanique. Mais ce sont surtout les exportations allemandes à destination de l’Europe qui ont progressé en 2016 à 708 Mds€, avec une augmentation de 1,8% des ventes aux pays de la zone euro et de 2,8% aux autres pays européens.
Ces excédents massifs ne sont pas réinvestis dans des grands travaux d’infrastructure ni dans des importations de produits provenant des pays voisins parce que les ménages Allemands ne consomment pas (ou le minimum vital). Ils se passent de champagne, de mets raffinés, de produits de luxe : la frugalité est devenue un art de vivre depuis les années Schröder où les salaires ont beaucoup baissé pour les classes moyennes et populaires.
Et l’allemand n’a pas de raisons d’importer des Peugeot et des Renault quand il peut acheter pour le même prix des Skoda ou des Volkswagen. Pour les véhicules haut de gamme, c’est totalement à sens unique : aucun concurrent pour Audi, BMW, Mercedes, Porsche (à part Ferrari… car Bentley, c’est Volkswagen).
Vous allez mieux cerner le problème sous-jacent si nous mettons l’accent sur la force du Dollar (+6,5% face à l’Euro en 2016) qui renforce le pouvoir d’achat des ménages américains.
Intuitivement, vous pensez que l’Allemagne a dû faire un carton outre-Atlantique et accroître mécaniquement ses exportations de 5 à 6% vers les Etats-Unis.
Il n’en est rien : en 2016, les exportations vers les pays non-européens (dont les Etats-Unis) se sont tassées de 0,2% à tout juste 500 Mds€.
Donc, l’Allemagne augmente surtout ses excédents face aux autre pays d’Europe parce qu’elle a éliminé ses concurrents, la Monnaie Unique ayant réduit à néant la possibilité d’un ajustement compétitif comme avant l’an 2000.
Alors bien sûr, les germanophiles vous dérouleront l’habituel couplet sur la qualité allemande, la productivité des salariés de l’industrie, la robotisation qui créerait de l’emploi… Mais tout cela ne résiste pas à l’examen des faits. L’Allemagne s’en sort d’abord parce qu’elle s’impose comme assembleur de pièces fournies par des sous-traitants à main d’œuvre bon marché implantés dans les ex-pays de l’Est, sans parler des mini-jobs (personnel corvéable à merci) qui ont proliféré sur son propre sol.
Autrement dit, l’Allemagne exerce une double concurrence déloyale (par la monnaie et les coûts de production) et ne corrige cet état de fait par aucune forme de transfert au profit de ses partenaires. Alors qu’aux États-Unis, par exemple, l’ensemble du pays profite de la prospérité de la Californie, de la Floride, du Texas ou du Dakota du Nord (c’est récent, avec les gaz de schistes), de Wall Street, etc. Si tel n’était pas le cas, la moitié des Etats américains seraient depuis longtemps en faillite, à tour de rôle pour certains d’entre eux (la Californie avait été ruinée par Enron à la fin des années 90) !
Enfin, la fiscalité sur le sol américain est la même pour tous (et le paradis fiscal du Delaware profite de façon égale à tous les entrepreneurs US le souhaitent).
Voilà ce qui nous semble donc être un début de réponse à notre question initiale : pourquoi les investisseurs continuent-ils de privilégier Wall Street plutôt que la zone Euro.
Et c’est ce genre de zone euro en voie de dislocation (en crise depuis 9 ans), raillée par Donald Trump, décriée par de nombreux Prix Nobel d’économie, dont va hériter le successeur de J.C. Juncker.
La zone Euro est certainement malade d’une devise toxique pour l’essentiel de ses membres. Et en matière de poison, dans le règne animal, le seul qui y résiste est précisément celui qui le sécrète… C’est exactement ce que dénonce l’administration Trump et que les investisseurs jouent en préférant Wall Street.
7 commentaires
Ni BMPS ni Unicredit n’ont fait chanceler les indices boursiers EU, contrairement à toutes les craintes exprimées avant le vote italien. Donc il en sera de même pour la Grèce. Au contraire, plus les craintes s’expriment, plus la BCE inonde le marché de liquidités, plus les indices montent.
Je suis affligé du portrait à charge et surtout à très courte vue que vous faites de l’Allemagne :
– Les excédents commerciaux et budgétaires de l’Allemagne sont une marque de sa réussite industrielle et de la bonne gestion du pays – et non pas une TARE ni un PECHE qu’il faudrait qu’elle expie en payant ses voisins PEU COMPETITIFS et incapables de se gérer eux-mêmes correctement !!
Il est consternant de voir les « mauvais élèves » de la classe (comme la France) faire ainsi la leçon au premier de la classe en lui demandant de venir subventionner leur nullité… On rêve debout, là ??? C’est bien dans la ligne du misérabilisme scolaire et universitaire qui s’est emparé du pays, mais si vous imaginez une seule seconde que cela intéresse qui que ce soit en Allemagne ou en Chine, vous vous mettez le doigt dans l’oeil jusqu’au coude !!!
– Les « dévaluations compétitives » que vous semblez présenter comme des solutions n’en sont aucunement – sinon cela fait longtemps que la France et l’Italie seraient devenues beaucoup plus compétitives que l’Allemagne et la Suisse – et bien évidemment c’est tout le contraire que l’on a pu observer au cours des années 1960 – 2000.
– Vous semblez oublier au passage que ces « dévaluations compétitives » appauvrissent d’autant les citoyens des pays où elles interviennent, en dévalorisant la valeur de leur patrimoine. Si c’était une solution viable aux problèmes de compétitivité d’un pays, cela ferait lontemps que le Zimbabwe et le Venezuela seraient devenus les pays les plus compétitifs et les plus riches de la planète : excusez-moi mais C’EST D’UNE STUPIDITE RARE !!
Ce qui me navre le plus, c’est que les sous-entendus et l’esprit de votre article s’inscrit essentiellement dans « l’air du temps » de personnalités politiques populistes qui ne comprennent rien de rien ni à l’économie – ni à l’Allemagne – ni à rien du tout d’autre de réél, d’ailleurs, sauf leur réélection.
En écrivant des âneries pareilles, vous servez « d’idiot utile » à ceux qui veulent continuer de ruiner la France encore davantage, en proposant des « solutions » qui sont totalement crétines mais dont ils pensent (peut-être à raison) qu’une majorité de Français sont assez stupides pour soutenir dans les urnes.
Pourtant vous valez bien mieux que cela, cher M. Béchade.
De grâce, resaisissez-vous !!!
Bien à vous,
Monsieur,
Je me permets de prendre de temps en temps de prendre le contrepied des « germanolâtres » qui nous infligent le modèle allemand comme l’exemple à suivre et la preuve que les Allemands sont les « bons élèves » parce que je connais un peu ce pays. J’y ai séjourné un peu longuement et à plusieurs reprises depuis les années 80, et j’ai pu constater des mutations considérables que la plupart des journalistes et universitaires dénient comme si cela les rassurait de pouvoir démontrer qu’il existerait un « bien » économique allemand et un « mal » absolu français.
La réalité n’est (de très loin) pas aussi simple : l’Allemagne a bénéficié en premier lieu d’une demande chinoise en machines outils d’ampleur historique qui coïncidait avec le point fort de l’industrie Allemande, sans oublier les grosses berlines de prestige achetées par millions par les nouveaux riches chinois. C’est donc un peu le fruit une concordance idéale entre une tradition industrielle qui végétait jusqu’en l’an 2000 et un client ayant soudain besoin de tout ce que l’Allemagne pouvait lui fournir.
La France qui avait fait le choix du tertiaire avait une croissance supérieure à l’Allemagne (on l’oublie trop facilement) avant que la Chine n’accède à l’OMC, et l’Angleterre avait fait le même choix de la désindustrialisation dans les années 85/90, avec le « tout pour la City ».
Mais la France a clairement manqué de réactivité face à l’opportunité chinoise, la France fait de la mauvaise graisse et produit de la mauvaise dette, elle se transforme en enfer fiscal, elle a tous les défauts que vous connaissez… mais le miracle allemand n’aurait jamais existé sans la Chine et sans les Lois Harzt qui ont transformé une bonne partie des ouvriers allemands en prolétaires (et même sous-prolétaires, étant mis en concurrence avec les tchèques et les polonais notamment). Et ces derniers ne se sont pas révoltés car ils sont pragmatiques (une façon élégante de dire « résignés » ou fatalistes): l’immobilier étant peu cher en Allemagne, on peut encore se payer un toit avec un salaire modeste, et le « hard discount » a proliféré, permettant de mener une vie à bas coûts (en voudriez-vous pour vous-même ?).
En France, cela eut été impossible car il n’existe aucune « marge » pour gagner moins et vivre décemment.
Les Allemands se serrent la ceinture sans se plaindre, les Français hurlent dès qu’ils redoutent de voir le garde manger se dégarnir… et la réponse est toujours la même : pour sauvegarder le niveau de vie des plus faibles, la France taxe les classes moyennes qui s’appauvrissent à leur tour, tandis que les 1% délocalisent leur patrimoine.
Rappel: l’Allemagne a supprimé son impôt sur la fortune dans les années 2000, bien instruite des effets dévastateurs d’une taxation idéologique.
Voilà, je n’ignore rien des forces et des faiblesses des uns et des autres et ne cesse de marteler que la France devrait s’inspirer du système de formations germanique qui donne un vrai métier aux jeunes… Je finis par cette réflexion : si vous aviez appartenu aux 50% les moins riches en France en l’an 2000, vous ne voudriez pour rien au monde appartenir aux 50% qui étaient les plus pauvres à l’époque en Allemagne, car c’est pire question patrimoine et niveau de vie 15 ans après, croyez-moi.
Les pauvres d’Allemagne ont la fierté d’être traités de « bons élèves » et de savoir leur pays en excédents… mais pas sûr que cela égaye chaque jour leur quotidien ! En fait, ils envient notre modèle de protection sociale. Le problème c’est que ces excédents sont en grande partie dus à un Euro sous évalué pour l’Allemagne et asphyxiant pour ses partenaires… et même au détriment de ses partenaires.
Et comme vient de le rappeler Merkel ce week-end au G20, ce n’est pas la faute de l’Allemagne (et pas celle de la France non plus), il faut traiter de cette question avec Mario Draghi.
Nous ne sommes pas prêts de voir les problèmes de la France résolus et l’Allemagne a probablement fini de manger son pain blanc avec le ralentissement chinois et l’allergie de Trump pour les pays qui dégagent des excédents face aux Etats-Unis.
Un grand merci de votre contribution au débat et un grand merci de nous rester fidèle quand bien même nos avis peuvent ponctuellement différer des vôtres.
Cordialement,
Ph Béchade
Cher Mr Béchade.
J’apprécie votre jugement et vos observations pertinentes sur les marchés financiers mais je constate comme le précédent commentateur que vous ne comprenez pas bien la « micro économie » (comme l’appelle les escronomistes), c.a.d. celle qui fait l’économie d’un pays par ses acteurs que sont le tissus des entreprises commerciales et industrielles.
Le recours à la « dévaluation compétitive est une fuite en avant qui à terme appauvrit les peuples comme le dit mon prédécesseur, il a parfaitement raison sur ce point.
Accuser l’Allemagne de gagner par des moyens honteux en jouant sur la monnaie et son égoïsme présumé est ne pas comprendre la différence de modèle sociétal entre France et Allemagne.
Le pays germanique et sa population sont prospères non pas parce qu’ils possèdent une industrie dite de « hauts de gamme » expression stupide des journalistes mais parce que ce sont des gens pragmatiques qui ont remisés les utopies marxistes et qui font leur job sans penser que c’est la faute des salauds de capitalistes s’ils ne sont pas aussi payés que chacun le voudrait . Au total ils vivent plus sereinement que nous avec un niveau de vie supérieur et dans un environnement social apaisé .
Ils ont des syndicats puissants (plus qu’en France) qui ne cherchent pas à affaiblir voir à casser le patron, mais à chercher à améliorer en permanence leur niveau de vie, ce qui est un jeu normal.
En Allemagne chaque chose a son coût et l’on n’attend pas de l’Etat qu’il vous donne la sécurité la santé l’éducation , le gite, sans payer un centime comme en France..Les Finances publiques sont tenues au carré sans gaspillage.
La France, contrairement à ce que je lis a plus de leaders mondiaux dans des domaines souvent de pointe (technologie et innovation) que l’Allemagne) l’aéronautique, le spatial , l’énergie, le nucléaire, les technologies industrielles de pointe (Air liquide par exemple) les industries de service et du numérique
comme oracle Atos Cap gemini ,Dassault système etc… sans compter le luxe et le cosmétique/parapharmaceutique comme le Groupe L’Oreal mais aussi dans les industries plus traditionnelles comme Michelin. Bref Mr. Bechade cesser de penser que l’industrie c’est l’auto, la mécanique avec vos « belles allemandes » et ses moteurs truqués. Savez vous que le groupe PSA est l’entreprise qui dépose le plus grand nombre de brevets en France?
Non la faiblesse de la France vient plutôt du poids de son administration de ses réglementations et du coût de ses dépense publiques : 10 points de base de plus que l’Allemagne qui écrasent les entreprises et les particuliers . C’est plus de 25% de charges qui pèsent sur nos entreprises et son corps de fonctionnaires de près de 30% supérieur à L’ Allemagne
Alors Mr Bechade, non il faut balayer devant notre porte et avoir la courage de revoir de A à Z les missions et le fonctionnement moyenâgeux de notre Etat et de ses superstructures !
Merci de votre attention
JPD
Monsieur,
Je me permets de prendre de temps en temps de prendre le contrepied des « germanolâtres » qui nous infligent le modèle allemand comme l’exemple à suivre et la preuve que les Allemands sont les « bons élèves » parce que je connais un peu ce pays. J’y ai séjourné un peu longuement et à plusieurs reprises depuis les années 80, et j’ai pu constater des mutations considérables que la plupart des journalistes et universitaires dénient comme si cela les rassurait de pouvoir démontrer qu’il existerait un « bien » économique allemand et un « mal » absolu français.
La réalité n’est (de très loin) pas aussi simple : l’Allemagne a bénéficié en premier lieu d’une demande chinoise en machines outils d’ampleur historique qui coïncidait avec le point fort de l’industrie Allemande, sans oublier les grosses berlines de prestige achetées par millions par les nouveaux riches chinois. C’est donc un peu le fruit une concordance idéale entre une tradition industrielle qui végétait jusqu’en l’an 2000 et un client ayant soudain besoin de tout ce que l’Allemagne pouvait lui fournir.
La France qui avait fait le choix du tertiaire avait une croissance supérieure à l’Allemagne (on l’oublie trop facilement) avant que la Chine n’accède à l’OMC, et l’Angleterre avait fait le même choix de la désindustrialisation dans les années 85/90, avec le « tout pour la City ».
Mais la France a clairement manqué de réactivité face à l’opportunité chinoise, la France fait de la mauvaise graisse et produit de la mauvaise dette, elle se transforme en enfer fiscal, elle a tous les défauts que vous connaissez… mais le miracle allemand n’aurait jamais existé sans la Chine et sans les Lois Harzt qui ont transformé une bonne partie des ouvriers allemands en prolétaires (et même sous-prolétaires, étant mis en concurrence avec les tchèques et les polonais notamment). Et ces derniers ne se sont pas révoltés car ils sont pragmatiques (une façon élégante de dire « résignés » ou fatalistes): l’immobilier étant peu cher en Allemagne, on peut encore se payer un toit avec un salaire modeste, et le « hard discount » a proliféré, permettant de mener une vie à bas coûts (en voudriez-vous pour vous-même ?).
En France, cela eut été impossible car il n’existe aucune « marge » pour gagner moins et vivre décemment.
Les Allemands se serrent la ceinture sans se plaindre, les Français hurlent dès qu’ils redoutent de voir le garde manger se dégarnir… et la réponse est toujours la même : pour sauvegarder le niveau de vie des plus faibles, la France taxe les classes moyennes qui s’appauvrissent à leur tour, tandis que les 1% délocalisent leur patrimoine.
Rappel: l’Allemagne a supprimé son impôt sur la fortune dans les années 2000, bien instruite des effets dévastateurs d’une taxation idéologique.
Voilà, je n’ignore rien des forces et des faiblesses des uns et des autres et ne cesse de marteler que la France devrait s’inspirer du système de formations germanique qui donne un vrai métier aux jeunes… Je finis par cette réflexion : si vous aviez appartenu aux 50% les moins riches en France en l’an 2000, vous ne voudriez pour rien au monde appartenir aux 50% qui étaient les plus pauvres à l’époque en Allemagne, car c’est pire question patrimoine et niveau de vie 15 ans après, croyez-moi.
Les pauvres d’Allemagne ont la fierté d’être traités de « bons élèves » et de savoir leur pays en excédents… mais pas sûr que cela égaye chaque jour leur quotidien ! En fait, ils envient notre modèle de protection sociale. Le problème c’est que ces excédents sont en grande partie dus à un Euro sous évalué pour l’Allemagne et asphyxiant pour ses partenaires… et même au détriment de ses partenaires.
Et comme vient de le rappeler Merkel ce week-end au G20, ce n’est pas la faute de l’Allemagne (et pas celle de la France non plus), il faut traiter de cette question avec Mario Draghi.
Nous ne sommes pas prêts de voir les problèmes de la France résolus et l’Allemagne a probablement fini de manger son pain blanc avec le ralentissement chinois et l’allergie de Trump pour les pays qui dégagent des excédents face aux Etats-Unis.
Un grand merci de votre contribution au débat et un grand merci de nous rester fidèle quand bien même nos avis peuvent ponctuellement différer des vôtres.
Cordialement,
Ph Béchade
à l’attention des Publications AGORA
J’avais laissé un commentaire parfaitement courtois, en réponse à la position de Mr Béchade qui pense que l’Allemagne exerce en Europe une politique déloyale .
J »ai présenté une argumentation basée tant sur la micro économie correspondant à la réalité du tissus économique français par rapport à celle de l’Allemagne que m’a inspirée ma connaissance de l’Allemagne ou j’ai exercé un rôle de direction générale d’une entreprise de plus de 1500 personnes, que sur les équilibres macro économiques.
Je ne vois pas mon texte repris dans vos colonnes et serais désireux de connaître les raisons de ce parti
pris de ne pas retenir cet avis qui n’est que le mien et qui peut être bien sûr contesté mais qui résulte d’une analyse qui trouve ses fondements de l’expérience.
N’ayant pas, moi même enregistré ce papier de près de deux pages, je vous serais reconnaissant de bien vouloir me le retransmettre sur mon e.mail ;jpdc@magic.fr
Remerciements et désolé de vous avoir posé problème.
J.P. Dufournet fidèle lecteur des Publications AGORA
Bonjour
il n’y a aucun problème monsieur
nous avons transmis votre commentaire à Philippe Béchade et attendons sa réponse pour pouvoir la publier