La bourse est un univers fantastique qui, régulièrement, arrive encore à m’étonner.
La dernière surprise en date ? La réaction de BNP Paribas (FR0000131104) vendredi dernier.
Avant l’ouverture des marchés la nouvelle tombe par le biais du Wall Street Journal : la justice américaine se prépare à poursuivre BNP Paribas pour avoir contourné les embargos qui visaient l’Iran, Cuba et le Soudan. À la clé, une amende record de 10 Milliards de dollars (vous pouvez d’ailleurs lire la réaction de Philippe Béchade sur cette affaire ici).
10 Milliards de Dollars ? Cela représente grosso modo l’équivalent d’un an de bénéfice net pour la banque. Un an de bénéfice net !
Imaginez maintenant ce qui arrive habituellement quand une entreprise cotée annonce un beau matin un profit warning de l’ordre 15%. Les marchés ne pardonnent pas ; la valeur dévisse.
Ici, on ne parle pas d’une simple baisse de 15% du bénéfice estimé. On parle d’une amende qui viendrait effacer l’équivalent de la totalité d’un an de bénéfice net.
Je m’attendais donc naturellement à une suspension de cotation de l’action BNP et à la cassure simple et nette du support du canal haussier hebdomadaire (segment vert ci-dessous). Je prépare même, au cas où, un plan de trade pour éventuellement jouer un rebond intraday du titre sur le support de la zone des 42 € (rectangle bleu). Cela représente un décrochage d’une vingtaine de pourcents ce qui ne serait pas cher payé pour une telle nouvelle.
Rappelez-vous par exemple le jour où « l’affaire Kerviel » a été révélée : le montant de la perte pour la Société Générale était estimé à 4.8 malheureux milliards d’euros – la moitié de l’amende probable que devra régler la BNP – or l’action de la Société Générale avait alors été suspendue, puis avait rapidement perdu 20% emportant le CAC40 dans sa chute !
Donc là, je me disais… attention au choc : on ne touche pas et on regarde se qui va se passer.
Eh bien… j’ai vu !
D’autres temps, d’autres moeurs, un autre marché
Premier étonnement : pas de suspension de cotation.
À l’ouverture, le titre de BNP Paribas perd dans les 5% et à la clôture, la baisse n’est plus que de 2.43%.
2.43% de baisse sur une telle annonce ?! C’est un non-événement.
Toujours pour vous donner une idée de ce que cela représente et afin de mettre les choses en perspective, j’ai inclus dans le graphe ci-dessous le calcul de l’ATR de BNP Paribas. L’ATR (ou Average True Range) permet de calculer l’amplitude des variations des prix entre les plus hauts et les plus bas d’une bougie sur une période donnée (ici 14 jours, ce qui est standard). Autrement dit, la mesure de l’ATR nous informe que pendant cette période – les 14 jours qui précédaient l’annonce de cette amende – l’écart entre les plus hauts et les plus bas est en moyenne de 1.22 euro par jour.
Calcul vite fait et à la louche : 1.22 € rapporté à 51 € (prix de l’action), cela nous donne une variation moyenne journalière et en temps normal de l’ordre de 2.4%. Et le titre clôture la journée en baisse de 2.43% ?
Et bien voilà. Là, j’avoue, je fus totalement scotché !
Qu’est-ce que cela nous enseigne sur les marchés ? Qu’ils sont totalement irrationnels ? Que les nouvelles fondamentales, quelles qu’elles soient, ne sont plus prises en compte ? Comment cela peut-il être possible ?
J’ai ma petite idée là dessus et ce nouvel exemple vient de nouveau conforter l’opinion que j’ai des marchés actuels.
Les volumes : la face cachée des marchés
En deux mots : les marchés n’en sont plus. Je rejoins complètement les analyses de Philippe Bechade à ce sujet : ils sont robotisés (80% des transactions sont passées par des algorithmes, contrôlés par 4 ou 5 grosses mains qui font le marché et emmènent les prix où ils veulent.
Les transactions importantes entre grosses mains s’y font maintenant sous le manteau, dans un recoin obscur soigneusement caché au grand public et que l’on appelle « Dark Pools » (ce sont des plateformes alternatives progressivement apparues à partir de 2008 / 2009). Les transactions qui y sont faites représentent (estimation) au moins 30% des volumes réellement échangés. Elles sont non divulguées – justement pour ne pas que vous sachiez qui fait quoi à qui et comment et que vous ne puissiez en tirer des conclusions.
Toutes ces nouvelles facettes qui constituent ce que sont devenus les marchés en 2014, je vous les expliquerai en détail lors du prochain webinaire que je consacrerai aux volumes (disponible en fin de semaine). Je pense que vous serez choqué par ce que je vous expliquerai ; mais au moins, vous comprendrez les mouvements et ne serez plus surpris par les réactions irrationnelles (quand on ne connait pas) du marché.
Pour en revenir à la BNP : que faire en termes de trading ?
Techniquement, la valeur a débuté une consolidation en touchant la résistance de son canal haussier (rouge pointillé) et est en train de former une figure graphique de retournement (segments bleus) qui s’appelle « anse avec tasse ». C’est en fait une Epaule-Tête -Epaule dans laquelle la deuxième épaule est manquante (je vous l’ai signalée par la boite bleutée). Mais c’est le même principe.
Donc, en cas de cassure du la ligne d’eau (oui, on ne parle pas de ligne de cou dans cette figure) des 50.5 €, le premier objectif théorique devient un retracement sur 43 € (amplitude de la anse avec tasse = boite bleue) et en suite la zone des 36 € qui correspond à un nouveau report de cette amplitude et au support graphique horizontale bleu pointillé.
Mais franchement, personnellement ma recommandation est… de ne surtout pas y toucher même si ce short est très tentant sur le papier.
Imaginez que d’ici quelques jour on apprenne que BNP a réussi à négocier une amende de 8 Mds$ en lieu et place des 10 Mds$ dont elle pourrait écoper. Le titre sera alors capable de reprendre 8% dans la journée suite à cette très mauvaise nouvelle un tout petit peu moins pire que prévu ! Et ce genre de comportement serait tout à fait possible et dans la logique de ce que nous avons pu constater Vendredi dernier.
Donc, sauf à avoir des envies de jouer à la roulette russe, ma recommandation est d’éviter de risquer de se bruler les doigts sur un dossier aussi chaud et aussi peu franc du collier que celui de la BNP.
PS : Si vous voulez lire une autre analyse que j’ai faite des volumes, je vous renvoie à mon article sur les volumes de l’Eurostoxx50 qui vous montrera que bien que les prix montent, il ne faut sans doute pas se positionner à l’achat !
Bons trades et soyez prudents !