Avec ma femme, nous venons de reprendre un abonnement Netflix (soit dit en passant au niveau boursier, le titre est attendu en baisse de 10% ce jeudi à la suite d’une forte déception concernant la croissance du nombre d’abonnés au deuxième trimestre). En début de semaine, j’en ai profité pour revoir The Big Short, un excellent film avec Brad Pitt et Christian Bale consacré à la crise des subprimes.
Je ne vais pas revenir ici sur le pourquoi et le comment de ladite crise, ce long-métrage (que je vous invite à regarder ou à revoir vous aussi) l’expliquant très bien. Disons simplement, pour rappel, que les banques d’affaires américaines finissaient par mélanger des crédits notés « AAA » avec des « BBB » puis à d’autres produits hypothécaires à la notation encore plus basse.
Grosso modo, on logeait tout et n’importe quoi dans des crédits titrisés (adossés bien souvent à des ménages endettés jusqu’au coup et déjà insolvables, ce avant même d’envisager toute remontée des taux et autres baisses des prix immobiliers). Hasard du calendrier ou pas, si je vous parle de tout cela en cette mi-juillet c’est qu’une dérive d’un autre type est actuellement en train de se mettre en place.
Alors que les rendements d’un certain nombre de dettes souveraines européennes (dont nos OAT) sont entrés en territoire négatif au début de l’été, nous commençons en effet à assister à un report sur les dettes corporate. Les obligations d’entreprises commencent par ailleurs à suivre, quelque 500 Mds€ de titres venant en effet de voir leurs rendements tomber sous zéro.
Une course aux rendements préoccupante
En soi, ce n’est pas tellement le fait qu’une société, saine, comme Schneider Electric (laquelle a émis en début de mois 200 M€ d’obligations à cinq ans à un taux de – 0,04%) se finance sur de tels niveaux qui m’interpelle. Cela s’était en effet déjà produit sur de belles valeurs de la cote (comme Sanofi) en 2015, lorsque le rendement du Bund allemand était brièvement passé sous 0.
Non, ce qui me préoccupe, c’est qu’étant donné l’afflux de capitaux dans le segment et la course désespérée à un rendement minimum, le phénomène se propage au « high yield ».
En l’état, quelques « junk bonds » comme Nokia ou encore Altice, deux sociétés lourdement endettées, offrent aujourd’hui des taux négatifs (!). Et à en croire certaines banques d’affaires américaines, la tendance pourrait s’accélérer si le resserrement des spreads se poursuit.
Or, c’est justement ce principe de course aux rendements qui me semble tout sauf sain. Quand vous êtes gérant obligataire et que vous n’avez plus de rendement sur les dettes souveraines, vous vous reportez sur de l’« investment grade », les obligations corporate les plus sûres (l’équivalent des « AAA »), mais à mesure que les capitaux affluent sur ce segment, les cours de ces obligations montent et, mécaniquement, les rendements associés baissent.
Ce qui ensuite, pour les acheteurs suivants, pose la question de ne plus se contenter de l’« investment grade » (qui rapporte donc de moins en moins), mais d’ores et déjà de se reporter sur certaines « junk bonds ». Dans l’immédiat, seuls les « moins mauvais élèves » parmi ces derniers sont concernés (quoique la boulimie de l’emblématique PDG d’Altice, Patrick Drahi, n’est pas sans me rappeler celle d’un certain Jean-Marie Messier au début des années 2000), mais gare à toute dérive frénétique qui ressemblerait alors fortement à la course au crédit ayant précédé la funeste crise des subprimes.
A en croire de nombreux économistes, il ne s’agirait « que » de « nouvelles normes », mais là encore, il faut se souvenir du discours dominant avant 2008.
Reste que dans, ce contexte, je vais pour ma part ressortir les « shorts »… Ce qui sera de circonstance avec le retour annoncé de la canicule.
1 commentaire
Merci pour cette belle analyse..!