Nous avons décidé de délaisser un peu les indices boursiers, les marchés de taux et les parités monétaires pour adopter une vision un peu plus stock-picker.
Les actions, c’est désormais communément admis, sont délibérément pilotées à la hausse par la Fed — et dans une moindre mesure par la BCE, l’Europe jouant un peu le rôle du passager clandestin de ce rally haussier.
L’absence chronique de volumes tient au fait qu’il n’y a qu’un seul acheteur tandis que les fonds de retraite américains ont de moins en moins les moyens d’appuyer le mouvement.
La Fed presse les derniers retardataires de grimper dans le train de la hausse, tandis que les initiés descendent en marche. Les quelques « risque-tout » qui se laissent tenter optent pour les valeurs les plus volatiles : celles du Dow Transport et surtout celles du secteur des constructeurs de maisons individuelles.
Ces derniers en vendent deux fois moins qu’en 2007 mais les cours ont été multipliés en moyenne par 4, 5 ou 7 depuis les planchers de 2008, et même par 10 dans le cas de Lennar.
Une accélération particulièrement brutale s’est enclenchée depuis la fin de l’été 2011 avec en moyenne un triplement ou un quadruplement des cours de PULTE GROUP (US7458671010), DR HORTON (US23331A1097), LENNAR (US5260571048), BEAZER HOMES (US07556Q8814). Tout se passe comme si les marchés anticipaient un retour sous 24 mois aux niveaux de chiffre d’affaires et de marges de 2006/2007.
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La concordance avec les quantitative easing successifs de la Fed semble évidente. L’optimisme des analystes et les valorisations hédonistes sont sans équivalent depuis le premier trimestre 2007 concernant les constructeurs : si Ben Bernanke rêvait d’un secteur qui incarne le concept du risk on et de l’exubérance irrationnelle chère à son prédécesseur, Lennar serait son chef d’oeuvre.
L’euphorie du secteur devrait se retrouver dans le comportement des producteurs de matériaux et d’engins de chantiers…
… Mais une fausse note a retenti mercredi dernier avec ce qui s’apparente à un profit warning de CATERPILLAR (US1491231015).
Le « boom de la construction » qui aurait débuté en 2012 tarde à se matérialiser dans le chiffre d’affaires réalisé par la société sur le sol américain. Les ventes ont stagné au quatrième trimestre. Bon, ce n’est pas grave : si ce n’est pas flamboyant aux Etats-Unis et si l’activité en Chine ralentit un peu, il y a tous les autres émergents… Ce serait bien le diable si la croissance mondiale ne dopait pas l’activité de CATERPILLAR.
Eh bien le diable nous joue effectivement des tours car les ventes d’engins de terrassement et d’exploitation minière ont chuté de 13% au cours des trois derniers mois.
La région Asie-Pacifique figure parmi les principaux coupables : mais que font le Vietnam, l’Indonésie, les Philippines etc. ?
Les ventes en Asie ont carrément plongé de 26%, et les stocks étaient au plus haut en Chine en janvier — les efforts de Pékin pour freiner la bulle de l’immobilier commencent à porter leurs fruits.
Les commandes des entreprises minières d’Australie (de très, très gros clients) sont également au point mort. Quant à l’Indonésie — qui affichait un PIB de 6,2% en 2012 –, ce n’est pas l’Eldorado tant espéré.
Une fois encore, la réalité du terrain s’avère à des années lumières de la propagande des médias anglo-saxons pour qui les Etats-Unis sont sur la pente ascendante…
Ces derniers restent cependant loin des taux de croissance mirobolants des nouveaux émergents qui vont se mettre à construire par centaines des quartiers et des villes hébergeant des centaines de milliers d’habitants.
En Europe, pas la peine de vous faire un dessin sur les perspectives de développement de CATERPILLAR avec le plus faible nombre de construction de logements jamais observé depuis 20 ans… Cela même en Angleterre, qui imprime pourtant de l’argent à tour de rotatives : The Shard, la fameuse merveille architecturale qui constitue le plus haut bâtiment commercial de Londres et même d’Europe, est quasiment vide.
Heureusement que quelques appartements haut de gamme ont été vendus dans les derniers étages et qu’un hôtel occupe un quart de l’espace de la tour, sinon ce serait un bide total.
D’autres tours récemment rénovées dans le même quartier d’affaires de Londres restent totalement inoccupées — et c’est du vécu, pas des contre-vérités comme il en circule tant dans les salles de marché parmi ceux qui ne sortent jamais des frontières de leur pays. Mais revenons-en à notre sujet de départ…
Le compartiment des constructeurs de maisons aux Etats-Unis est outrancièrement surévalué
Tout simplement parce que la gestion quantitative surpaye tous les titres qui « font mieux que l’indice de référence » (il s’agit donc d’une hausse auto-entretenue). Sauf que dans ce cas précis, le phénomène atteint de proportions alarmantes.
Par ailleurs, la croissance réelle des émergents dément les discours « permabullesques » des médias et de Wall Street — les résultats de FEDEX (US31428X1063) ou de CATERPILLAR en témoignent.
Certaines valeurs du secteur se prêtent en théorie à des ventes à découvert… sauf qu’elles continuent de surfer obstinément sur les injections de la Fed. Et elles continueront de grimper tant que les plus gros brokers de Wall Street ne modifieront pas la programmation de leurs robots !
C’est pourtant un pari baissier que nous brûlons de prendre (sur LENNAR et PULTE GROUP notamment)… mais il vous sera peut-être plus facile de jouer une tendance déjà négative sur CATERPILLAR. Le titre a amorcé un pullback sous les 98 $ début février et a confirmé sa correction sous la MM100 qui gravite vers 90 $.
L’enfoncement des 86,8 $ (plancher du 28 décembre 2012) préfigure un repli sur les 83 $ (support oblique long terme) puis 81 $ (plancher de la mi-novembre).