Par Yannick Colleu
Si vous parcourez la toile à la recherche d’informations sur les métaux précieux, en français, anglais ou javanais, il est impossible que vous ne tombiez pas de nombreuses fois sur des forums ou des sites commerciaux (faisant la promotion de l’argent le plus souvent) mentionnant le ratio or-argent, en anglais : Gold-Silver Ratio (le GSR).
Ce ratio représente, pour un même poids de métal, le rapport de prix existant à un instant donné entre les deux métaux à l’instar d’une paire entre deux devises. C’est aussi, pour un même pouvoir d’achat d’une quantité de chaque métal, le rapport de poids entre ceux-ci. Le ratio or-argent est donc la parité de l’or exprimée en argent ou, dit autrement, le nombre d’unités d’argent permettant d’acquérir une unité d’or.
Les promoteurs de ce ratio avancent que le rapport de prix entre l’or et l’argent est aujourd’hui dans une situation anormale et qu’il devrait revenir à ce qu’il était historiquement, selon eux autour de 15.
Cette affirmation est particulièrement importante lorsque l’on connaît le niveau actuel du ratio. À l’heure où j’écris ces lignes il est à environ 78. Ceci veut dire qu’à poids égal, l’or se paie 78 fois le prix de l’argent. Si, partant du prix actuel de l’or soit environ 35 700 €/kg, le ratio devait effectivement retrouver le niveau de 15 ceci mettrait l’argent à 2 380 €/kg soit une augmentation de plus de 420 % par rapport à son prix actuel (aujourd’hui : 455 €/kg).
Une telle perspective ne peut pas laisser indifférent. Ceci ne ressemble-t-il pas à ces promesses de rendements mirobolants façon Madoff, terres rares et autres pièges pour investisseurs en mal de rêves qui généralement tournent aux cauchemars?
Alors, mythe ou réalité ?
En premier lieu d’où sort ce ratio de 15 ? L’explication en est très simple et se résume dans ce graphique.
Il représente l’évolution des moyennes annuelles du prix de l’or (en rouge) et du ratio or/argent (en bleu) depuis 1687 au Royaume-Uni. Sans être un expert un lecteur découvrant cette courbe bleue conclura qu’il est possible de distinguer deux périodes :
- une première période allant du 17e siècle à la fin du 19e pendant laquelle le ratio est resté relativement stable, oscillant autour de 15 ;
- une deuxième période prolongeant la première jusqu’à nos jours pendant laquelle le ratio a été principalement instable avec des maxima dépassant 80 et des minima atteignant 20. En outre, le début de cette période d’instabilité du ratio coïncide avec la fin du rôle monétaire de l’argent dans l’ensemble du monde occidental, soit 1873.
Vous l’aurez sans doute compris, la référence à ce chiffre de 15 tient à cet historique anglo-saxon du rapport entre l’or et l’argent né de la réforme monétaire de Newton en 1717 imposant un ratio de 15,5 entre l’or et l’argent.
La longue période pendant laquelle le monde anglo-saxon et une partie de l’Europe ont vécu avec un ratio monétaire imposé de façon arbitraire entre l’or et l’argent autour de 15 s’est subitement interrompue dès lors que l’argent a perdu son statut monétaire en Occident. En devenant un produit purement industriel le prix de l’argent s’est ajusté sur la seule loi de l’offre et de la demande commerciale.
Revenir à un ratio de 15 suggérerait que l’or et l’argent reprennent leur rôle monétaire respectif selon les règles arbitrairement arrêtées autrefois en Occident.
Mais alors que faire de ce ratio ?
Pour considérer ce ratio aujourd’hui il faut se limiter en premier lieu à la période remontant à 1968. En effet, les conditions actuelles sont celles qui sont nées en 1968, date à laquelle l’or a été lui-même démonétisé (on cite souvent 1971 mais, dans les faits, la fin de la convertibilité pour le public est 1968). Il serait anormal de porter un jugement sur la situation actuelle en se référant à un environnement dans lequel or et argent avait un rôle qu’ils n’ont plus aujourd’hui.
Depuis la fin du 19e siècle, le ratio a navigué de 20 à près de 100, affichant une moyenne historique de 1968 à nos jours de 54. Les prix moyens annuels de l’or et de l’argent sont fortement corrélés avec un coefficient de corrélation de 93% en dollars américains (90% en euros sur la base de données journalières depuis 1975). Corrélation n’est néanmoins pas synonyme de performances identiques. Elle traduit une dépendance linéaire forte entre les deux séries de prix, mais pas nécessairement des performances identiques.
Au plan des performances les chiffres parlent d’eux-mêmes :
- depuis 1968, le prix de l’or en dollar s’est apprécié d’un facteur 30 tandis que celui de l’argent progressait d’un facteur 7. Sur une période plus courte, depuis 2000 par exemple, l’or a progressé jusqu’à ce jour d’un facteur 4 et l’argent d’un facteur 3.
- En euros, depuis le 1er janvier 1975, l’or a progressé d’un facteur 10 et l’argent d’un facteur 5. Alors que le métal jaune culminait après avoir vu son prix multiplié par 12, l’argent affichait une progression de 11. Sur un horizon plus court débutant au 1er janvier 2000, le prix de l’or en euro a été multiplié par 4 et celui de l’argent par 2,7. Sur cette dernière période, la performance maximum de l’argent est supérieure avec une progression de 6,5 alors que l’or progresse à son apogée d’un facteur 5.
La conclusion est relativement simple
Du fait d’une volatilité importante, l’argent réalise des performances ponctuelles de court terme meilleures que celle de l’or, mais l’or progresse plus vite que l’argent sur le long terme. La volatilité excessive de l’argent dans les périodes de consolidation lui fait perdre plus de terrain qu’il n’en a gagné sur l’or durant les phases de hausse.
L’écart de prix entre les deux métaux semble donc voué sur le long terme à s’accroître à l’image de ce que révèle ce graphique mettant en perspective les prix de l’or et de l’argent rapportés au même indice de départ (1 en 1968).
Dans ces conditions, le ratio élevé actuel n’a rien d’incohérent, il est simplement le révélateur de la plus forte progression sur le long terme du prix de l’or par rapport à celui de l’argent.
En revanche il est possible d’utiliser ce ratio pour profiter des moments de forte volatilité de l’argent par rapport à celle de l’or.
Sur le graphique mensuel du ratio or-argent (ci-dessous) remontant à 1984 sont portées en jaune les périodes pendant lesquelles l’or affiche de meilleures performances par rapport à l’argent et en gris celles pendant lesquelles l’argent prend le dessus.
Vous noterez que les segments du graphique en gris sont quasi verticaux, c’est-à-dire que les périodes pendant lesquelles l’argent devient plus performant que l’or sont très courtes.
Je ne vois donc pas d’autre utilité à ce ratio or-argent, complété par quelques outils d’analyse technique (ici une moyenne mobile simple par exemple), que de permettre en intervenant à court terme de profiter de ces moments favorables à l’argent !
Ndlr : cet article est extrait d’une analyse complète de Yannick Colleu, publiée dans Crise, Or & Opportunités. Chaque jour, Yannick, Simone Wapler, Graham Summers et d’autres spécialistes vous permettent de profiter des opportunités qui naissent des différentes bulles et crises financières… et de sécuriser vos gains sur l’or, l’argent : minières, trackers, or physique. Ils se sont déjà positionnés pour jouer la prochaine grande envolée de l’or : ne tardez pas, quand l’or explosera, il sera déjà trop tard !
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