N’accordons pas trop d’importance au complexe dossier nord-coréen d’un point de vue strictement boursier – il n’est plus un market mover depuis belle lurette –, mais sachons tout de même apprécier le moment et l’issue.
Impensable il y a encore quelques mois, la rencontre entre Donald Trump et Kim Jong-un a bel et bien eu lieu. Improbable puis envisagée, fixée, reportée et finalement reprogrammée, elle a donné lieu à une poignée de mains historique entre deux des dirigeants les plus controversés de la planète. Deux tempéraments forts que tout semblait opposer, deux destins bien différents, mais deux responsables qui avaient tout de même intérêt à discuter et à trouver un terrain d’entente.
La poignée de mains, mais aussi le déroulement et le décor même du sommet ont revêtu une forte symbolique et consacré une forme de retour de la Corée du Nord dans le concert des nations. Pour en arriver là (quand dans le même temps l’Iran redevient persona non grata), Kim Jong-un a dû accepter le principe d’une dénucléarisation de son pays, ce qui suppose en particulier la fin de tirs quelque peu intempestifs de missiles qui ont donné des sueurs froides aux Etats voisins.
Donald Trump a donc a priori obtenu ce qu’il souhaitait de la part de celui qu’il surnommait avec mépris « Rocket Man », mais il a lui aussi dû lâcher du lest. A la grande surprise de nombre de commentateurs, le président américain a en effet renoncé aux exercices militaires organisées avec la Corée du Sud, perçus comme des « provocations » par Pyongyang. Cette décision a en outre été prise sans concertation ni avec Séoul, ni avec l’état-major américain.
▶ Le rôle de la Chine reste flou
Le « chef » a donc tranché seul et il bombe aujourd’hui le torse, quelques jours à peine après avoir torpillé le sommet du G7 depuis Air Force One. Donald Trump tient là son premier vrai succès d’image depuis son arrivée à la présidence, son premier grand « coup » sur la scène internationale. Mais je tiens tout de même à souligner que le processus de dénucléarisation de la Corée du Nord n’est pas – du moins à ce stade – officiellement vérifiable et irrévocable comme le souhaitait Washington au départ.
De même, la Corée du Nord n’a pas son pareil pour ne pas respecter ses engagements. Jimmy Carter avait ainsi « arraché » en octobre 1994 la signature d’un accord cadre qui prévoyait la mise en place d’un consortium international pour la construction de deux réacteurs nucléaires à usage civil en échange d’un gel du programme atomique de Pyongyang. Or, huit ans plus tard (presque jour pour jour), le secrétaire adjoint américain James Kelly, alors en visite dans la capitale nord-coréenne, s’était entretenu avec des responsables qui avaient admis continuer à développer un programme d’armement atomique.
Bis repetita en septembre 2005. Au terme d’âpres négociations entre la Corée du Nord, la Corée du Sud, la Chine, les Etats-Unis, le Japon et la Russie, les six pays avaient en effet signé une déclaration conjointe dans laquelle Pyongyang s’engageait à faire une croix sur son arsenal nucléaire en contrepartie de la possibilité de recourir à l’énergie atomique à des fins civiles. Celle-ci devint définitivement caduque en octobre 2006, la Corée du Nord ayant alors procédé à un essai nucléaire sous-terrain.
A l’aune de ces précédents, on aurait donc tort de crier tout de suite victoire comme l’a fait Donald Trump…
Je me pose enfin la question du rôle de la Chine dans cette affaire. A-t-elle amadoué la Corée du Nord suivant la volonté expresse de l’Oncle Sam en échange d’un relâchement de la pression commerciale ? J’observe en tous les cas que nous n’entendons plus guère parler des sanctions contre Pékin et que la cible privilégiée des Etats-Unis est désormais l’Union européenne.
Pas sûr que ce soit une simple coïncidence…