Comment trouver une métaphore assez puissante pour résumer la genèse et la violence des événements depuis mercredi dernier ?
Celle qui me vient évoquera de vieux souvenirs aux admirateurs d’Hergé, l’auteur de « Tintin et l’étoile mystérieuse »: un point très lumineux est apparu dans le ciel et il grossit au fil des heures. Il devient même visible en plein jour et grossit encore…
C‘est alors que les astrophysiciens de la maison Blanche (et d’autre exécutifs de grands pays industrialisés) nous annoncent qu’il s’agit bien d’une météorite de belle taille, heureusement bien trop petite pour anéantir toute vie sur terre, qui fonce apparemment vers nous.
Mais d’après les calculs de la Maison Blanche, son point d’impact sera le centre de la Chine, dans la région de Wuhan, qui sera effectivement dévastée, mais aucune retombée n’est à prévoir aux Etats Unis.
Le problème, c’est que la titanesque onde de choc se propage tout le long des lignes de fracture de la croûte terrestre et déclenche une série de séismes là où les tensions tectoniques étaient les plus fortes (déverrouillage de la faille de San Andreas en Californie, ligne de faille à l’Est du Japon, Anatolie en Turquie, région de Bam en Iran etc.).
Et là, c’est un monde qui s’écroule, démentant brutalement la thèse du « deep impact » cantonné à l’échelon local.
Beaucoup de nos concitoyens, beaucoup d’américains se sont fiés au discours minimisant cette épidémie, pensant sincèrement à une « diversion », thèse soutenue par Trump (et son entourage) jusqu’à l’effondrement de Wall Street qui était -de très loin- sa pire hantise, avant de changer de priorité, la partie étant perdue côté indices boursiers.
Sa thèse initiale était que l’épidémie était un problème sino-chinois et qu’en cas de pandémie, les Etats Unis étaient tout a fait capables de faire face sans prendre de mesures impactant la vie de tous les jours, l’American Way of Life… et que les informations alarmistes relevaient de la « Fake News » et d’une intention maligne et délibérée de provoquer une panique boursière avec des arrières pensées politiques.
Selon Trump, le Covid-19 relevait du problème « MTR », c’est à dire Maitrisable, Temporaire, Réversible.
Nous savons tous désormais que s’il est réversible, c’est dans un futur que personne ne peut « timer » à quelques semaines près, mais qui se situe probablement au-delà d’un intervalle de 3 mois… ce qui signifie du « temporaire qui dure ».
Enfin, tout le monde a bien compris que le « maîtrisable » était l’aspect le plus mensonger de la fable du « MTR » qui fut la ligne directrice de la communication de la Maison Blanche durant plus de 2 mois (ce qui est très long -et certains écrivent « criminel »- dans le domaine d’une non-réponse à une pandémie virale aussi léthale que le Covid-19″).
Covid-19 : Ce que montrent les courbes chinoises
En France, le télescopage de certains discours raisonnablement alarmistes – dont nos textes et vidéos qui ne vous ont rien dissimulé des enjeux – avec une absence totale de mesures concrètes de la part de nos autorités ont créé une véritable discordance cognitive.
Je n’irai pas jusqu’à accuser notre gouvernement d’avoir choisi délibérément, par inconscience et amateurisme, de ne pas avoir appliqué les même mesures de dépistage qu’à Taïwan puisque nous étions totalement démunis en masques et en tests de dépistage du virus : même si l’Elysée ou Matignon l’avaient voulu, ils ne l’auraient pas pu… En revanche, des mesures complémentaires fortes n’ont pas été adoptées.
Cependant, la communication de certains ministres très concernés par cette crise a été totalement aberrante et la décision de ne pas fermer les frontières (par pure idéologie), de ne pas tracer les voyageurs « à risque » (par manque de moyens, probablement) va contribuer à faire de la France un foyer épidémique majeur à l’échelle planétaire, avec le risque d’une submersion de nos moyens hospitaliers qui engendrera des conséquences léthales bien au-delà des seules personnes admises en réanimation pour cause de détresse respiratoire.
Tous les « réanimés » pour des dizaines de causes sans rapport avec le Covid-19 pourraient pâtir de l’indisponibilité du matériel respiratoire nécessaire à leur survie.
Martin Hirsch a déjà prévenu : « Quand les réanimateurs jugeront que la réanimation n’a comme effet que de prolonger que de 8 jours, ils feront le rationnel, c’est à dire ne pas se lancer dans une réanimation dont la conclusion est déjà connue.”
Ce n’est que la continuité d’une stratégie pluri-millénaire appliquée en temps de guerre et qui consiste à soigner en priorité ceux qui ont les meilleures chances de survie.
Lorsque l’on en arrive à ce point et que le pays est incapable de mobiliser des moyens et de prendre des décisions de mise en quarantaine radicale (ultra-coercitives) comme en Chine, c’est que le pire est déjà inscrit dans les courbes épidémiologiques.
Et le problème, c’est qu’avec le Covid-19, les projections relèvent du « worst case scenario » en terme de progression exponentielle des courbes de contamination.
La Chine n’aurait officiellement pas dépassé la barre des 100 000 cas et le taux de mortalité serait demeuré contenu en-dessous du seuil des 4%, données quasi-invérifiables. Mais ce qui importe, c’est que le nombre de nouveaux cas déclarés ne dépasse plus quelques dizaines par jour et tend vers zéro… au bout de 3 mois d’épidémie.
En France, nous sommes à la semaine 3 sur 12 avec déjà plus de 5 000 cas recensés, et probablement un nombre très élevé de « non détectés » (toujours faute de moyens et en priorisant les cas les plus critiques, sachant que l’entourage familial et professionnel n’est -délibérément- pas dépisté).
Les courbes chinoises sont implacables : la progression du nombre de cas en France va être au moins aussi vertigineuse qu’en Italie et des mesures de confinement aussi radicales vont être prises (en Espagne, l’armée se déploie dans les grandes villes pour faire respecter le confinement, du jamais vu en temps de paix en Europe).
Des multinationales américaines sont en train d’envoyer des messages à tous leurs salariés les informant de la fermeture de L’ENSEMBLE de leurs bureaux sur les 5 continents et l’instauration du télétravail…
Le lockdown chinois puis européen se transforment en un shutdown planétaire: il n’y a plus grand chose que la FED puisse faire.
Ce lundi 16 mars sera « le jour ou la planète s’arrêta » !
La banque centrale aux commandes du nouveau monde
Les conséquences économiques vont être sans commune mesure avec le choc post-Lehman puisque le coup d’arrêt va être immédiat et global, cumulatif en terme de conséquences négatives.
Outre les dizaines de millions de personnes se retrouvant au chômage technique du jour au lendemain, la moitié sans la moindre indemnité ni maintien partiel du salaire, les entreprises un peu justes en trésorerie vont devoir se tourner vers leur banquier qui à son tour va devoir se précipiter aux guichets de la FED ou de la BCE.
Car pour une entreprise prise à la gorge, lever sous forme d’emprunt de l’argent en mode « panique » quand il n’y a plus un seul acheteur sur le marché (il y a 3 semaines, les investisseurs s’arrachaient encore les émissions « BBB ») et que l’encours des dettes « corporate » susceptibles d’un abaissement de notation s’élève à 16.000Mds$, cela va relever de la « mission impossible ».
Toutes ces difficultés vont entraîner la suspension ou le rejet pur et simple de centaines de milliers de dossiers de crédit sur le point d’être validés et qui soudain ne « passeront plus », ce qui va porter un coup terrible à l’immobilier et à tous les corps de métier liés à ce secteur.
En France, cela se traduira également par un effondrement des recettes fiscales assises sur l’activité (TVA notamment).
Avec des millions de consommateurs au chômage, des dizaines de millions d’épargnants lessivés ou ruinés, quel genre de rebond espérer ?
Il va falloir que les Etats deviennent d’authentiques Etats-providence furieusement sociaux-démocrates (bien au-delà de ce préconise un Bernie Sanders) pour éviter la répétition du scénario de 1929.
A ce sujet, le taux de corrélation de la correction boursière actuelle avec le krach de 1987 sur 3 mois n’est que de 80% alors qu’il est supérieur à 90% avec le krach de 1929.
Espérons que la crise de solvabilité générale sera évitée… mais ce sera au prix du sacrifice de la valeur des monnaies (autrement dit, choc inflationniste).
Les candidats dits « libéraux », prônant l’individualisme (comme la majorité des républicains conservateurs) pourraient bientôt bâtir des programmes électoraux bien plus à gauche que ceux d’Elisabeth Warren, Bernie Sanders et proposer des modèles de type « suédois » pour restaurer l’espoir d’une sortie de crise.
En ce qui concerne la crise boursière et financière : elle ne fait que commencer !
La FED en a si bien pris la mesure (après le krach de jeudi) qu’elle aavancé de 72H sa réunion programmée pour mardi 17 et mercredi 18.
La situation lui est apparue si critique (les 1.500Mds$ injectés via le « repo » en 3 jours n’ont pas stabilisé Wall Street) qu’elle a décidé de griller d’un coup ses 4 dernières cartouches monétaires -le taux directeur est ramené à zéro- et en annonçant le lancement d’un 4ème « QE » de 700Mds$.
La FED précise que ce « QE » peut-être étendu au besoin car il n’existe aucune limite théorique à sa capacité d’action… ce qui est vrai en théorie, mais ne sera pas sans conséquences sur la valeur de la monnaie/dette que chacun d’entre-nous détient.
L’intervention de la FED, en coordination avec ses consoeurs (BCE, BoE, BoJ) fait définitivement tomber les masques et met un terme à ce qui n’était plus qu’un pathétique simulacre d’économie de marché.
Le « marché » tel que l’ont théorisé des générations d’économistes depuis la fin du 18ème siècle -et tel qu’il est encore enseigné dans nos Grandes Ecoles- a officiellement cessé d’exister ce dimanche 15 mars à 23H30 (heure française).
Il n’existe plus qu’un acteur unique face à tous les agents économiques (épargnants, entreprises, entités para-publiques, Hedge Funds, etc.) et il s’agit bien sûr de la banque centrale.
Elle officialise le fait que la stabilité de la valeur de la monnaie (celle qui constitue notre épargne et notre instrument d’échange quotidien) cesse de constituer le cœur de son action.
La métaphore du casino
Pour bien comprendre à quoi correspond les 700Mds$ , je vous propose la métaphore du Casino.
Les partenaires de la FED (les banques systémiques bénéficiant du statut de « SVT », ou grands redistributeurs des injections quotidiennes sur le marché interbancaire) ont déposé il y a bien longtemps de vraies liquidités au guichet du casino financier (dont ils sont d’ailleurs actionnaires).
Ils jouissent du privilège de pouvoir jouer et gagner à tous les coups au black Jack depuis 30 ans.
Ils ont ainsi accumulé sans prendre le moindre risque un énorme tas de jetons, fabriqués par le casino lui même et qui n’ont de valeur que dans la salle de jeu : personne ne peut les utiliser dans le monde réel, à l’instar des billets de Monopoly refusés par votre boulanger.
Les jetons « casino » n’ont donc de valeur que dans le Casino émetteur.
Pour pouvoir en profiter dans le monde réel, il faut repasser par le guichet qui convertit les jetons en vrais dollars ou euros.
Si personne n’est venu entre temps déposer un peu de l’argent qui a fructifié dans la vie réelle, la masse qui peut être distribuée aux joueurs souhaitant respirer un peu d’air pur (pas contaminé par un « Covid-19 » qui circule sournoisement via la « clim » d’une salle à l’autre), seuls les premiers partants récupèreront leur mise.
La FED tente alors de rassurer les autres parieurs en doublant la quantité de jetons qu’ils sont autorisés à jouer s’ils retournent bien sagement à leur table (c’est le rôle du « QE », des TLTRO, des « POMO », du « Repo », etc.) .
Mais cela ne sert plus à rien puisqu’ils savent que les caisses de la banque sont vides et qu’ils ne détiennent que de la monnaie de singe.
Et lorsque par la fenêtre, ils aperçoivent soudain des chars dans la rue destinés à interdire aux citoyens d’aller travailler ou dépenser leur argent, alors se produit cette prise de conscience qui se termine immanquablement par un « game over« … et la destruction du casino.
Qu’est ce que notre économie reconstruira à sa place ? Ce sont précisément ces pistes que nous explorons depuis le 20 février dernier.
2 commentaires
Je vous avez envoyer un commentaire il y a plusieurs années après les secousses boursières 2009 ou 2013 que le marché tombé sur la tête et que je préférais rester sur l’agriculture en attendattendant que le marché s’ ecrolue. Ca été long. Aujourd’hui je suis d’accord avec vous monsieur becha de. Seulement vous oubliez une chose si il y a plsuiveurs millions de morts il y aura deflation. Je vous remercie pour vos analyses que je suis depuis des années . Je ne sais pas si je verrais la suite de cette guerre qui verra les États-Unis s’ effondrée la Chine sé revoltée et l’Europe renaitre sous un nouveau système car j’ai des problèmes asthme chronique. Mais je suis fiers de voir que j’avais raison sur cette folie d’endettement comme vous . Encore merci monsieur bechade
Merci Mister Bechade!
Très bon papier pondu en des temps difficiles pour certains, bénis pour d’autres 🙂 !!!