Lorsque personne ne s’y attend… c’est classique.
De façon furtive et, dans l’idéal… à partir d’un « tout petit rien ».
Il ne faut pas que l’élément déclencheur retentisse comme un coup de canon à étourneaux : ne surtout pas faire s’envoler les acheteurs à tire d’aile.
Grâce à Wall Street mercredi soir – qui affichait un repli dérisoire et qui préservait tous ses supports court ou moyen terme – le vent de déprime qui a soufflé sur l’Europe et emporté de nombreux seuils de soutien majeurs, devrait se transformer en une simple brise marine… Voire en vents portants pour ceux qui auront l’audace de jouer le rebond avant le pont du 1er mai.
Il faut entretenir la conviction qu’il faut « payer tous les creux », ce qui est d’autant plus facile qu’il suffit de rappeler que cela marche à tous les coups depuis mi-octobre 2014.
La cassure des 5 140Pts sur le CAC40, des 11 700Pts sur le DAX30, des 3 669Pts sur l’Euro-Stoxx50, ne font certes pas très bonne impression d’un point de vue chartiste. Le verdict baissier est soudain devenu unanime. Résultat, plus un acheteur entre 14h31 et 17h35 ce mercredi… et la totalité des gains du mois d’avril est partie en fumée.
Les initiés ont commencé à vendre… mais pas des actions : c’est bien trop visible et cela ne permet pas de dégager massivement des liquidités. Le marché obligataire est beaucoup – vraiment beaucoup – plus profond… et avec une BCE prête à tout racheter – à raison de 60 Mds€ par mois –, la contrepartie ne risque pas de se dérober comme sur le CAC40 ou le DAX30. Les marchés obligataires ont connu ce mercredi 29 avril la pire séance de l’année sur le plan de l’étendue de la correction : toutes les dettes souveraines, toutes maturités confondues, ont été laminées de part et d’autre de l’Atlantique.
Et la dégradation ne s’est pas déclenchée avec les mauvais chiffres en provenance des États-Unis de 14H30 (le PIB américain en chute libre, de +2,2% vers 0,2%). Le phénomène a démarré furtivement dès le début de la matinée avec le semi-échec d’une émission de bons à 5 ans par la Bundesbank. Etrange cas de figure puisque la veille (mardi), une adjudication d’OAT de maturité 2020 par l’Agence France Trésor s’était merveilleusement déroulée (largement sursouscrite) et le taux de rendement ressortant négatif pour la première fois de l’histoire sur du 5 ans.
L’élément déclencheur aurait été l’indice d’inflation allemand du mois d’avril, ressorti à 0,3% contre 0,2% attendu, ce qui demeure à des années lumières de l’objectif des 2% de la BCE.
Cela peut sembler surréaliste comme prétexte d’une vague mais comme je l’ai déjà expliqué à de nombreuses reprises, les marchés peuvent se retourner radicalement le jour où un ou plusieurs initiés se convainquent « qu’il n’y a plus rien à gratter à la hausse ».
Juste cela et ça suffit… Fin de la partie, l’orchestre du Titanic financier dépose ses instruments et va boire un dernier verre : ce n’est plus la peine continuer à jouer puisque les danseurs se ruent vers la sortie la plus proche. Oui vers la sortie car cette fois, nous n’observons pas d’arbitrages entre grandes zones économiques (USA, Europe du Nord, Europe du Sud) : l’aversion pour le risque devient totale.
Pas de rescapés parmi les bons du Trésor les mieux notés, aucune maturité de taux n’a été épargnée : la brusque tension de 13 points de base des Bunds à 0,29% est absolument spectaculaire puisque la hausse de rendement a été de +80%. Sur les Bunds à 9 ans, c’est carrément du +100% à 0,23% contre 0,107% la veille.
Bill Gross aurait-il eu raison d’évoquer il y a 10 jours le « short du siècle » sur la dette germanique ?
Nous supposions qu’il avait déjà pris position à la baisse mais avec un horizon de réalisation lointain de son scénario baissier : il est peut-être le premier surpris que les marchés lui donnent raison aussi rapidement. N’oubliez jamais : le but des initiés, c’est de vendre le maximum de papier au plus haut, à un maximum d’idiots… Donc ils vont s’efforcer de convaincre tout le monde qu’il faut se ruer à l’achat et qu’une telle opportunité ne se représentera pas de sitôt. Pour que le piège fonctionne, il faut effectivement exciter l’avidité des « retardataires » avec des promesses d’OPA, de rachats massifs de titres, et démontrer que c’est de l’argent facile, sans risque.
Et si cela ne suffit pas, asséner l’argument massue : « voyez, les grosses mains commencent à se délester des obligations et pour toutes ces liquidités, il n’existe pas d’autre possibilité d’allocation que les actions ».
Mais la réalité, c’est que c’est déjà miraculeux d’avoir pu revendre des bons du Trésor à des niveaux aussi stratosphériques… Si les rendements obligataires se retendent malgré le QE de la BCE et le report de toute hausse des taux par la FED au-delà de fin 2015, alors tout le raisonnement qui consiste à acheter des actions à n’importe quel prix (puisque les Bunds ou les OAT rapportent zéro) s’effondre.
Face aux 2,06% de rendement sur les T-Bonds US, jugez-vous que les 1% du Nasdaq sont attractifs ? N’oubliez pas que pour les initiés, des liquidités, même peu rémunérées, cela vaut mieux qu’un portefeuille boursier qui se désintègre !