Les gouvernements, les Banques centrales, les parlements en étaient sûrs et certains au lendemain du krach de 2008 : le temps des folies spéculatives, des prises de risques insensées, des bulles boursières était bel et bien révolu.
Plus question que des algorithmes incompréhensibles, des prévisions absurdes ou mensongères aboutissent à des niveaux de valorisation délirants pour les actifs financiers.
Les marchés allaient être mieux encadrés (aujourd’hui le « laisser faire » triomphe allègrement), les opérateurs allaient se montrer beaucoup plus prudents quant à leurs scénarios économiques (et ne pas promettre une croissance éternelle à +4%) et adopter une politique d’allocation d’actifs protégeant les avoirs de leurs clients.
◊ Dire que les marchés sont censés être « raisonnables »
Aujourd’hui, les stratèges de Goldman Sachs affirment qu’il circule des masses d’argent considérables dans le système financier. Il faut donc bien qu’elles s’en aillent quelque part, de préférence là où l’argent rapporte un peu mieux que zéro — donc jamais dans l’économie réelle naturellement…
Les actions offrant depuis quelques mois les meilleurs retours sur investissement (puisque le CAC40 affiche une progression de 20% depuis le 1er janvier !), il est normal que leur hausse spectaculaire attire les capitaux. Autrement dit, et comme vous le disait ma collègue Nathalie Boneil mercredi dernier, c’est parce que la Bourse flambe que tout le monde vient s’y précipiter, comme des moucherons la nuit sur l’ampoule incandescente d’une lampe halogène.
Ainsi, et sans que les marchés aient la moindre certitude d’une croissance réelle des profits des entreprises en 2010, 2011 et 2012, ils relèvent au fil des semaines leurs prévisions de bénéfice par action. Les analystes se livrent à une véritable surenchère, dépassés qu’ils sont par l’envolée des cours.
Le consensus tablerait aujourd’hui sur une hausse de 30% des bénéfices par an (contre +15% pour les plus optimistes au début de l’été). C’est évidemment totalement improbable, et jamais observé depuis plus d’un siècle, surtout quand le chômage dépasse les 10% dans les pays développés.
◊ Une nouvelle bulle boursière dans un marché théoriquement assaini
Mais d’un point de vue technique un syndrome inquiétant apparaît. Les investisseurs se désintéressent totalement de l’écart abyssal qui se creuse entre le rythme de la hausse des cours de Bourse et l’évolution des moyennes mobiles. Autrement dit, tous les cadres théoriques ont volé en éclats, il n’y a plus de limite. Puisque la rémunération des placements monétaires est proche de zéro, le potentiel d’appréciation des actions peut tendre vers l’infini.
En conséquence, l’Euro Stoxx 50 atteint la barre des 2 900 points au prix d’une accélération haussière de +8% en deux semaines. Sa performance atteint +12% sur un seul mois boursier (depuis le 19 août) et +29% depuis le 13 juillet : c’est la plus forte hausse estivale depuis l’été 1993 !
Mais ce n’est pas le plus hallucinant. Le rebond de l’Euro Stoxx 50 depuis le plancher des 1 765 points du 9 mars dépasse les 64%. C’est de très loin la plus forte hausse de l’indice en 6 mois depuis 20 ans — et même depuis l’origine des places européennes.
Il faut remonter au rally d’octobre 1998 à juillet 1999 (entre 2 420 et 3 980 points) pour retrouver une telle performance. Mais même là, il résultait du gonflement exponentiel de la bulle des dot.com. Ensuite, le rebond consécutif au krach des dot.com n’avait atteint qu’une amplitude de +43% de mars à septembre 2003. Il faudra attendre le 8 mars 2004 pour voir l’Euro Stoxx 50 engranger +60%. Mais il ne gagnera +65% que bien plus tard, début février 2005 — avec une croissance économique optimale et confirmée depuis plusieurs trimestres.
◊ A force d’être trop gonflée, la bulle éclate
Alors que le zénith du 14 octobre 2008 (2 855 points) a été pulvérisé et le cap des 2 900 points franchi dès les premiers échanges, la plupart des opérateurs ont déjà en tête l’objectif psychologique des 3 000 points qui coïncide pratiquement avec le plancher du 18 septembre au 2 octobre 2008. Sauf que voilà. Tout ceci nous semble bien étrange, comme nous vous l’avions dit vendredi dernier.
Donc ayons en tête un scénario de correction pour savoir comment jouer la baisse — juste au cas où. Dans un premier temps, l’Euro Stoxx 50 devrait refermer les gaps des 2 743 points du 4 septembre et des 2 365 points du 19 août avant de retrouver le palier de soutien des 2 600/2 550 (MM100, ex-zénith du 1er au 5 juin dernier).
A plus long terme, une correction de 50% de ce qui s’apparente par tant d’aspects à une bulle boursière ramènerait l’Euro Stoxx 50 vers les 2 350 points. Mais nous n’y sommes pas encore, et étant donné le fonctionnement absurde mais très orchestré des marchés en ce moment, nous sommes dubitatifs quant à ce qu’ils « devraient » faire. Mais ayons d’avance un scénario défini, afin d’être prêt à l’appliquer…