Gros coup de chaud hier pour le rendement des dettes souveraines sur les marchés obligataires européens (+10 points en moyenne, mais il y a certes eu bien pire sur les BTP italiens), traduisant à l’évidence un effet de surprise que les marchés n’ont pas apprécié…
Ce scénario était pour le moins inattendu alors que la séance a été très pauvre en données macroéconomiques dans la zone euro.
Ce brusque regain de nervosité est en fait à relier à des déclarations concordantes de Peter Praet, le chef économiste de la BCE, et de Jens Weidmann, le patron de la Bundesbank. Tous les deux valident en effet le scénario d’une remontée de l’inflation vers 2% via les pressions sur les salaires, la hausse des tarifs publics et la hausse du coût de l’énergie.
Ils jugent par ailleurs « plausible » l’arrêt du QE d’ici la fin de l’année, – ce qui revient toutefois à enfoncer une porte ouverte puisque ce scénario était déjà jugé probable d’ici l’automne par 70 à 80% des opérateurs.
Il est rare que les rendements obligataires montent simultanément dans l’ensemble de l’eurozone et dans des proportions sensiblement équivalentes. Le Bund allemand a pris plus de 35%, passant de 0,32% à 0,50% dans la séance… et seule l’Italie et l’Espagne ont connu des hausses, finalement, très modérées.
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Giuseppe Conte a semble-t-il eu le tort d’évoquer des réductions d’impôts, l’instauration d’un revenu minimum pour les plus déshérités et la refonte du régime des retraites. Autant de sujets sur lesquels les Italiens se sont prononcés favorablement, mais qu’il est impossible de mener à bien puisque les marchés n’en veulent pas.
Ce que les marchés veulent, c’est un scénario « à la Tsipras », avec un leader – ou un mouvement populaire – qui se dresse contre les diktats de Bruxelles et promet d’en finir avec la Troïka, l’austérité, l’apurement des déficits au détriment du PIB et du niveau de vie, mais se trouve empêché.
Ce discours assure une élection triomphale et une majorité au Parlement, sauf que dès sa prise de fonction, le nouveau leader est convoqué par Bruxelles et rappelé à l’ordre. Dès lors, il devient impossible de mettre en œuvre les promesses de campagne (elles n’engagent que ceux qui y ont cru), d’autant que le marché interdira de toute façon qu’elles soient financées… Sans argent, il n’y a plus qu’à maintenir le statu quo.
▶ L’attentisme de la BCE
Il n’y a cependant pas que le marché qui enterre les aspirations des peuples. La BCE aussi donne l’exemple (le mauvais ?), à l’image de ce qui s’est passé les 28 et 29 mai dernier.
Il y a avait alors le feu sur les BTP italiens, surtout sur le 2 ans dont le rendement flambait en 48 heures de 0,29 point, se hissant à 2,73%, mais l’institution n’est pas intervenue pour éteindre l’incendie ou le circonscrire à des proportions qui évitent de susciter un climat de panique parmi les détenteurs de dette italienne.
Certes, la BCE s’est défendue, expliquant qu’elle a respecté son programme d’achats mensuels et qu’il n’y avait pas d’intervention concernant l’Italie en particulier prévue ces deux jours-là, mais nous savons tous qu’elle peut déverser à tout moment des milliards sous forme d’opérations ad hoc de court terme (« OMO »). Ces interventions sont « no limit » et peu importe leur coût (« whatever it takes »).
En la circonstance, ce « whatever it takes » s’est transformé en « whatever ». Comprenez, qu’ils se débrouillent…
1 commentaire
En effet, ce pic du BTP 2 ans reste mystérieux. Et si quelqu’un (un candidat pour la présidence de nationalité allemande, par exemple) avait rappelé qu’un OMO aurait largement franchi la ligne rouge ? C’est-à-dire que la masse de BTP dans le bilan de la BCE dépasse trop visiblement les quotas autorisés par ses règles ?
Attendons un prochain événement obligataire avant de généraliser…