Les banques centrales semblaient acculées à la poursuite d’une politique suicidaire de taux nuls ou négatifs et d’impression monétaire no limit.
Faire machine arrière, remettre l’avion économique à l’endroit semblerait être une stratégie raisonnable… Mais c’est impossible. Au bout de 8 ans d’injections massives, l’exceptionnel est devenu la « nouvelle normalité » et nous arrivons au début de la désintégration du système. Les marchés, sous shoot monétaire permanent depuis octobre 2008, sont désormais impossibles à sevrer… (voir notre video du jour)
Les banques centrales ont joué à l’apprenti sorcier
Et les banques centrales ont sans doute conscience que la stratégie de l’apprenti sorcier a atteint ses limites avec l’échec des Abenomics. Les marchés commencent à comprendre qu’elles n’ont aucune idée de la couleur de la fumée qui sortira du chaudron ou des tubes à essai au prochain ajout de poudre de perlimpinpin.
Comme le dit souvent Jim Rickards, qui a rencontré de nombreux membres de la Fed et s’est également entretenu avec Bernanke l’année dernière : les banques centrales n’ont aucune idée de ce qu’elles font.
« Les responsables de la Réserve fédérale m’ont confié qu’ils n’avaient aucune idée de ce qu’ils faisaient : c’est quelque chose qu’ils ne déclarent jamais en public. Ils essaient simplement certaines mesures, un peu comme de l’expérimentation. Si jamais cela fonctionne, ils en rajoutent un peu. Si jamais cela ne fonctionne pas, ils les abandonnent aussitôt. La plus grosse erreur que puissent commettre les investisseurs, c’est de croire que la Fed sait ce qu’elle fait : ce n’est pas le cas », écrit-il dans sa lettre.
La dernière fumée, celle des taux négatifs, apparaît hautement toxique mais les banques centrales ne peuvent pas s’enfuir de la pièce en criant « arrêtez de respirer ou vous allez tous y passer ». Il faut absolument donner le sentiment que tout est sous contrôle et agir avec calme et sang-froid. Elles se proposent donc d’aller tranquillement ouvrir les fenêtres, ce qui semble relever du simple bon sens.
Sauf qu’il n’y a pas de fumée sans feu… et que dans un cas sur deux, l’oxygène provoque une accélération de la combustion, voire une explosion.
Impossible de repasser à des taux positifs ?
L’explosion, c’est d’annoncer un durcissement concerté des conditions monétaires, ce qui équivaut à revenir sur la promesse que tout sera fait pour valoriser et maintenir les actifs à haut risque… aux frais des banques centrales – en apparence car c’est aux frais des contribuables en dernier ressort si les choses tournent mal.
Les banquiers centraux ne vont pas tarder à nous expliquer qu’ils sont parvenus à la conclusion que les taux négatifs présentent finalement plus d’inconvénients que d’avantages et qu’il faudrait désormais s’orienter vers une stratégie de repentification de la courbe des taux… mettant fin à un cycle de largesses monétaires débuté il y a 36 ans.
Ce furent 36 années d’orgie de dettes et de records successifs à Wall Street (nouveau record mercredi soir à 5 330 points pour le Nasdaq)…
… alors comment les marchés prendraient-ils un changement historique de paradigme, la logique de la baisse des taux étant arrivée à son terme ?
Game over de 35 ans de baisse de rendement ?
Les taux directeurs US flirtaient avec les 20% fin 1980 sous l’impulsion de Paul Volcker qui était déterminé à casser les reins de l’inflation qui prospérait anarchiquement depuis 1974… Il y était parvenu.
Mais depuis 1990, le Japon tente d’échapper à la déflation… et échoue dans cet exercice depuis 26 ans.
Malgré une débauche d’initiatives de moins en moins conventionnelles et de plus en plus aventureuses et qui se conclut par la prise de contrôle totale de la courbe des taux (via la monétisation intégrale de la dette) et l’administration à la soviétique de la Bourse de Tokyo.
Cette évidence est tellement ancrée dans le conscient, le subconscient et l’inconscient des brasseurs d’argent que pas un seul n’envisage de mettre la BoJ au défi. Elle, ou ses homologues (FED, BCE, BoE), se mettra en face de n’importe quel vendeur téméraire. Soit… Mais que ferait-elle face à un sell off massif causé par un opérateur contraint de liquider ses actifs pour éviter une faillite (je suis certain que quelques noms de banques de notre bonne vieille Europe vous viennent déjà à l’esprit).
Un sell off qui rimerait avec Madoff… car chaque détenteur d’actif voudrait être le premier à retirer ses billes avant son voisin, le gars de la banque d’en face, l’initié parti faire un golf, le trader qui suit la tendance… En résumé tous ceux qui espèrent laisser l’ardoise aux épargnants, aux détenteurs de contrats d’assurance vie, à l’ensemble des contribuables.
Vous êtes pourtant prévenu !
Les lanceurs d’alerte sont pourtant nombreux et, parmi les plus écoutés, il y a Bill Gross qui ne cesse d’invoquer la plus grande bulle obligataire de l’histoire.
Il y a le FMI lui-même qui prédit qu’un bon tiers des banques européennes pourraient disparaître (disons plutôt: exploser en vol, c’est plus parlant).
Il y a la BRI (la banque centrale des banques centrales) qui dénonce des « effets de leviers démesurés » tous azimuts (elle est la seule à connaître les vrais chiffres) et un risque de « surgissement de la volatilité » (comprendre : une débâcle financière devenant rapidement hors de contrôle).
Jim Rickards donne d’ailleurs une analyse complète du dernier rapport de la BRI dans le dernier numéro de Intelligence Stratégique :
La BRI n’a pas craint interpeller ses confrères des banques centrales sur les dangers que représentent la faiblesse des taux d’intérêt, les bulles sur les actifs et le risque systémique. Les derniers rapports de la BRI indiquent que le monde est au bord d’une nouvelle catastrophe financière, pire que celle de 2008. Il ne s’agit pas là d’un délire émanant d’un site marginal. Il s’agit de l’opinion réfléchie d’une des institutions financières les plus connectées du monde. Dans le dernier rapport, divulgué le 26 juin 2016, Jaime Caruana, le directeur de la BRI, identifie trois risques majeurs et trois menaces majeures émanant desdits risques. Caruana a qualifié ces risques de « trio de conditions menaçantes » (Ndlr : retrouvez l’analyse complète de Jim et les solutions qu’il conseille pour protéger votre patrimoine dans le dernier numéro de Intelligence Stratégique).
En fait, toutes proportions gardées, les rédacteurs de la Bourse au Quotidien et des autres lettres des Publications Agora y vont au sifflet quand la BRI y va à la sirène de paquebot. Mais les marchés n’entendent rien !
Hausse des rendements : le mur se lézarde
Enfin, certaines oreilles commencent néanmoins à se déboucher puisqu’elles décèlent des rumeurs de tapering et les marchés obligataires commencent à piquer du nez. De façon très symbolique, le rendement des Bunds vient de repasser positif mercredi en fin d’après-midi et nos OAT françaises affichaient 0,33% de rendement contre 0,25% la veille, et 0,1% jeudi dernier.
Cette hausse des rendements provoque la correction la plus brutale observée sur l’or depuis le Brexit (le 24 juin).
Le Gold vient de chuter de 50 $ (presque -4%) depuis lundi et de -5% en une semaine. Qu’il passe sous les 1.260 $, et il atteindra notre principale fenêtre d’achat moyen et long termes. Les investisseurs qui délaissent l’or réagissent encore comme si l’essentiel, c’était de capter du rendement et de se détourner de ce qui n’en procure pas (i.e l’or) alors que ce qui se joue, c’est probablement le début de la désintégration de la finance virtuelle et du Ponzi planétaire de la dette.
Un peu comme ces crabes terrestres qui s’immobilisent et dressent leurs pinces en guise d’intimidation quand ils détectent qu’un camion leur fonce dessus… alors qu’ils auraient tout le temps de se carapater vers le bas-côté.
Si seulement c’étaient des « crabes aux pinces d’or » ! (clin d’oeil à l’expo « Hergé » qui se tient au Grand Palais à Paris).