Nous avons déjà recommandé plusieurs trades à nos lecteurs, dans Alerte Guerre des Devises afin d’en profiter…
Et ce n’est pas fini car nous nous apprêtons à jouer la carte de l’accord de Shanghai sur les quatre devises impliquées : le yen, le yuan, le dollar et l’euro, car cet accord ouvre la porte à d’énormes gains potentiels pour les investisseurs capables d’en déchiffrer le secret.
Cependant, il nous semble utile de revenir sur ce que sont ces accords secrets de Shanghai, car finalement, je me rends compte que cette analyse est peu courante dans la presse. Elle me semble pourtant évidente, et est d’ailleurs confirmée par mon système IMPACT.
Petit rappel des faits, donc, pour bien y voir clair et comprendre les enjeux des guerres des devises entre les grandes nations.
L’accord de Shanghai constitue la plus puissante action concertée que les principales puissances financières aient menée depuis mars 2011 sur le marché des changes, date à laquelle le G7 était intervenu afin de déprécier le yen, au lendemain des séismes tsunami et accident nucléaire de Fukushima.
Cette nouvelle intervention coordonnée a été programmée pendant le sommet du G20. Mais vous pouvez considérer les puissances qui en sont à l’origine comme une sorte de G4 (Etats-Unis, Chine, Europe, Japon). La présence des autres membres du G20 (tels que la Russie, le Brésil et l’Inde, entre autres) n’a pas été requise autour de la table.
L’accord de Shanghai a été conçu afin de résoudre un problème. Le Chine avait besoin de dévaluer sa monnaie afin de donner une impulsion à son économie. Or, les deux dernières fois que la Chine a dévalué sa monnaie (août 2015 et janvier 2016), les Bourses américaines ont sombré. Le problème, c’était donc de parvenir à dévaluer la monnaie chinoise sans faire chuter les bourses américaines (ni, si possible, les autres marchés du monde entier).
La solution, c’était de reconnaître que le dollar (USD) et le yuan (CNY) n’étaient pas les seules devises engagées dans la partie.
L’accord secret de Shanghai a suivi la logique des guerres des devises faisant rage partout dans le monde depuis 2010. Pour comprendre les guerres des devises, il faut être conscient qu’elles représentent un jeu à somme nulle. Là où il y a un gagnant, il y a forcément un perdant.
Si vous prenez la paire euro-dollar, quand le dollar s’affaiblit, l’euro se renforce. Avec la paire yuan-yen, si le yuan s’affaiblit, le yen se renforce. Il ne peut en être autrement. Les devises ne peuvent pas se dévaluer simultanément. Mathématiquement, c’est impossible.
Toutefois, il existe une exception à cette règle implacable des guerres des devises : il est possible que toutes les devises dévaluent simultanément par rapport à l’or. En effet, l’or est une monnaie, mais ce n’est pas une monnaie fiduciaire pouvant être dévaluée. L’or ne peut se défendre, dans le cadre des guerres des devises : c’est simplement de l’or. Et c’est pourquoi les perspectives à long terme, pour l’or, sont excellentes. C’est d’ailleurs un sujet sur lequel nous reviendrons dans les prochains numéros d’Alerte Guerre des Devises.
Cette dynamique de la somme nulle explique pourquoi les guerres des devises paraissent interminables. Les pays en concurrence dévaluent chacun à leur tour les uns par rapport aux autres, et le processus se renouvelle jusqu’à ce que le système soit réformé ou bien s’effondre. En ce moment, les probabilités de réforme semblent faibles, alors qu’un effondrement systémique semble bien plus probable.
Imaginez que les pays engagés dans une guerre des devises s’apparentent à quatre soldats combattant sous une forte chaleur. Ils sont fatigués, ils ont soif et décident de marquer une courte pause. Mais ils n’ont qu’une seule gourde d’eau à partager entre eux. Que font-ils ? Ils se passent la gourde. Chaque soldat a soif et voudrait bien boire toute l’eau de la gourde. Mais ils sont tous engagés dans la même bataille ; ils ont besoin les uns des autres. Alors, chacun prend une gorgée puis passe la gourde au suivant. Tant bien que mal, ils survivent tous.
Or le G4 se passe la gourde depuis 2010.
Cela a démarré avec la dévaluation du yuan. Vous souvenez-vous de Timothy Geithner, alors secrétaire au Trésor, qui se plaignait que la Chine « manipule sa monnaie », en 2010 ?
Ensuite, en 2011, cela a été au tour du dollar. Le dollar a atteint un plus-bas historique en août 2011. (C’est à la même période que le cours de l’or a atteint un plus-haut historique. Et ce n’était pas une coïncidence).
En 2012 et 2013, le moment était venu de déprécier le yen. Cela a débuté avec les « trois flèches » des Abenomics, en décembre 2012 (l’une des flèches étant la dépréciation du yen). Le yen s’est dévalué au cours de l’année 2013, chutant à un plus-bas de 124 yens par dollar.
En 2014, l’Europe avait soif et cela a été à son tour de boire à la gourde. Draghi a déprécié l’euro via les taux d’intérêt négatifs en juillet 2014, puis a bu une nouvelle gorgée, en janvier 2015, avec le « QE (assouplissement quantitatif) de l’euro ». En janvier 2015, l’euro a atteint un plus-bas intermédiaire de 1,05$ (il avait culminé à 1,60$ pendant la phase de faiblesse du dollar).
Vous voyez comment cela fonctionne.
A présent, il est à nouveau temps de passer la gourde à quelqu’un.
Le yen est bas depuis trois ans, et celui de l’euro depuis près de deux ans. Le Japon et l’Europe voudraient bien que cela demeure ainsi, mais la Chine et les États-Unis ont soif.
L’économie chinoise s’apprête à atterrir brutalement et celle des États-Unis flirte avec la récession. Dans le monde, la Chine et les États-Unis représentent les deux plus grandes économies. Si elles sombrent, le monde sombre avec elles. C’est incontestable. Il est donc temps de procéder à un nouveau round de dévaluation du yuan… et les États-Unis ont également besoin de déprécier le dollar.
Voilà qui nous ramène au problème auquel le G4 était confronté à Shanghai. Comment dévaluer le yuan sans faire sombrer les marchés actions américains ?
La solution, ce n’était pas de dévaluer le yuan par rapport au dollar, mais de déprécier le yuan et le dollar simultanément. Ainsi, le cours croisé USD/CNY demeure inchangé. Les acteurs du marché se focalisent de façon obsessionnelle sur le cours croisé USD/CNY. Si ce cours croisé demeure inchangé, les traders pensent que tout va bien. Cela donne l’impression que la Chine ne se livre pas aux guerres des devises.
En réalité, le yuan et le dollar se sont dévalués furtivement, tout en créant les conditions propices à un renforcement de l’euro et du yen.
Les échanges commerciaux entre la Chine et l’Europe plus le Japon réunis sont plus importants que ses échanges avec les États-Unis. Par conséquent, le plan prévoit que l’Europe et le Japon resserrent leur politique monétaire, que les États-Unis assouplissent la leur et que la Chine ne fasse rien. La Chine et les États-Unis obtiennent ainsi le « soulagement » dont ils ont besoin (dans leurs échanges commerciaux avec l’Europe et le Japon), tout en préservant la stabilité du cours USD/CNY, et sans que personne ne semble le remarquer.
A la rédaction d’Alerte Guerres des Devises, nous utilisons le système IMPACT afin d’identifier et de traiter ce type de manœuvres complexes survenant dans le cadre des guerres des devises. (Après tout, l’Accord de Shanghai est secret. Ce n’est pas comme si quelqu’un avait publié un communiqué de presse pour l’annoncer). Le système IMPACT s’appuie sur des indicateurs & alertes, une technique que j’ai apprise à la CIA. En évaluant l’ensemble du champ de bataille, vous pouvez utiliser des indicateurs et points de repère particuliers afin d’identifier l’endroit où vous vous trouvez ainsi que la direction prise, même si personne ne vous a dit où vous alliez au départ.
C’est un peu comme un détective qui recherche des indices sur une scène de crime. On ne déclare pas qu’une « affaire est classée » sous prétexte que l’on n’a pas été témoin du crime. On commence en recherchant des mobiles et en analysant l’ADN trouvé, jusqu’à ce que l’on identifie le meurtrier.
Alors, quels sont les indicateurs & alertes, en ce qui concerne cet accord de Shanghai ? Ils sont partout.
- Le 10 mars dernier, Mario Draghi, président de la BCE, a surpris les marchés en déclarant qu’il en avait fini avec l’assouplissement, en Europe. Par rapport aux attentes, cela représente une sorte de resserrement.
- Le 15 mars, Haruhiko Kuroda, gouverneur de la Banque du Japon, a également procédé à un resserrement en annonçant un « QQE » (assouplissement quantitatif et qualitatif) inférieur à ce que les marchés attendaient.
- Le jour suivant, le 16 mars, Janet Yellen a donné un tour accommodant à sa politique, lors du Comité de politique monétaire de la Fed (FOMC). Cela représente également une sorte d’assouplissement par la « persuasion ».
- L’ADN présent sur la scène de crime a été retrouvé le 29 mars dernier, lors du discours que Janet Yellen a prononcé à l’Economic Club de New York. Ses remarques ont été super accommodantes. Elle a fait volte-face par rapport à la position qu’elle avait adoptée tout au long de 2015, préférant soudain celle de son rival intellectuel, Charles Evans, de la Réserve fédérale de Chicago.
Janet Yellen a déclaré que les risques posés par le relèvement des taux et le non-relèvement de ces derniers penchaient de façon asymétrique en faveur du non-relèvement. (C’est Evans, qui a inventé l’analyse de risque asymétrique, dans un article qu’il a rédigé en mars 2015). Pour les marchés, le relèvement des taux américains n’est plus à l’ordre du jour.
Observez ce qu’il s’est produit pour le yen, tout de suite après le discours de Janet Yellen :
Le plus important, c’est que sur le théâtre des guerres des devises, cet ultime rebondissement va avoir un effet durable. L’épisode du dollar fort a duré plus de quatre ans (2011 – 2015). L’épisode du yen déprécié a duré plus de trois ans (2011-2015). Ce nouvel épisode du yen et de l’euro renforcés // d’un dollar et d’un yuan affaiblis ne fait que commencer.
Il se pourrait que le yen s’échange à 100 yens par dollar et que l’euro repasse à 1,20$, avant qu’il ne soit à nouveau temps de passer la gourde à quelqu’un. Cela vous donne énormément de marge en vue de tirer parti des guerres des devises.
L’épisode du yen fort va se poursuivre et ses conséquences sur les actions, les obligations et la déflation japonaises sont importantes. Nous avons pas mal de cartes à jouer et de manières de nous positionner pour en tirer profit. (Ndlr : N’hésitez pas à profiter des analyses et des conseils de Jim Rickards… et soyez rassuré : vous ne toucherez pas au Forex. Les conseils de Jim portent sur des produits boursiers bien moins dangereux, et avec un risque complétement maitrisé).
Philippe Béchade a, de son côté un autre avis sur la question de la hausse du yen : à découvrir dans sa video du jour.