Le bel ordonnancement uniformément haussier du printemps se lézarde : finie la progression façon finale d’un 50 mètres en nage libre de l’ensemble des actifs !
- Depuis quelques mois, et à l’exception de Londres ou Berlin, les prix de l’immobilier ont cessé de progresser : en France et en Chine depuis près de 6 mois, aux Etats-Unis depuis juillet, en dépit d’une hausse fracassante de +18% des ventes de maisons neuves au mois d’août.
- Celui des matières premières et de l’énergie a plongé durant l’été : nous y voyons l’anticipation d’un ralentissement économique, d’autres y voient l’impact du rebond du dollar. Ce n’est qu’à moitié vrai : le billet vert a repris 7% en 3 mois face à l’euro (entre 1,37 et 1,27), ainsi que face au yen ou au franc suisse, mais le pétrole et le gaz ont corrigé plus profondément, de l’ordre de -12,5%, soit une échelle de 1 à 2.
- Un troisième symptôme de risque de retournement des marchés nous alerte : les stars du Russel 2000 qui affichaient des PER stratosphériques (40 en moyenne) viennent de perdre entre 20 et 40% ces dernières semaines… Ce reflux est suivi par celui des dettes high yield libellées en dollar (un peu à la manière des subprime avant que la glissade de 2007 ne se transforme en chute libre en 2008).
- La Fed parle encore de taux zéro pour une « période considérable »… mais les anticipations sur de nombreuses dettes corporate s’ajustent sur des projections de taux entre 3,5% et 4% à l’horizon 2017. Certes, l’argent pourrait demeurer gratuit durant encore 9 mois mais, plus le temps passe moins la trajectoire de l’économie réelle préfigure les anticipations bénéficiaires pricées par les marchés actions (qui battaient record sur record aux Etats-Unis jusqu’au coup d’arrêt survenu le 19 septembre). Les taux US à 5 ans sont au plus haut de l’année, le 10 ans flirte avec les 2,6% (retour 4 mois en arrière) et le spread par rapport aux Bunds (toujours ancrés sous les 1%) dépasse les 160 points de base : un record depuis la crise.
Voilà une divergence que les marchés ont probablement tort de prendre à la légère. Quand a-t-on observé au cours des dernières décennies une anticipation de taux maintenus à zéro jusqu’en 2017 en Europe et qui grimperaient vers 3,50% ou 4% aux Etats-Unis ? Cela n’a jamais existé et n’existera plus jamais, à moins que la BCE et la Fed aient envie de nous rejouer le scénario de 1987 avec une Bundesbank qui monte ses taux quand la Fed réduit les siens (cette fois-ci, les rôles seraient inversés). Car comment l’Europe trouverait-elle des capitaux en offrant entre 1 et 2% de rémunération sur 10 ans si l’Amérique offre le double ?
Mais surtout, comment une Amérique aussi endettée pourrait-elle faire face à un dollar qui s’envolerait vers une parité de 1/1 face à l’euro ? Comment pourrait-elle faire face à un coût de l’argent qui remonterait alors que la fausse croissance achetée à crédit a déjà du mal à tenir la distance avec des taux courts quasi-nuls depuis 5 ans ?
Il y a manifestement une contradiction irréductible dans le scénario que les marchés anticipent.
La croissance américaine ne saura survivre ni à un dollar 25% plus élevé, ni à un loyer de l’argent « normalisé » au-delà des 3,5% en l’espace de 24 mois.
Et s’il n’y a pas de croissance, d’où les entreprises US vont-elles extraire les dividendes qui justifieront les PER record qu’elles affichent actuellement ?
Cela signifie que les banques centrales sont peut-être parvenues à l’extrême limite de leur capacité en matière de pilotage des marchés. Les marchés ne leur ont peut-être obéi que tant que cela servait leurs intérêts… Mais, à part la BoJ engagée dans une fuite en avant suicidaire en matière de planche à billets, qui va inonder les marchés de liquidités au cours des prochains mois ?
Le premier TLTRO de la BCE dissipe l’illusion d’un déferlement de monnaie/dette qui prendrait le relai de la Fed à raison de 60 à 70 milliards d’euros par mois (l’équivalent des 85 milliards de dollars que M. Bernanke injectait dans le système financier avant de quitter son poste). A part se convaincre qu’à l’image de ce que nous observons depuis 5 ans « tout va bien se passer », si jamais les banques centrales donnent le sentiment de perdre la main, ce sont les banques systémiques qui vont décrocher en premier et, parmi elles, les banques américaines probablement. Et nous passerions très vite d’un contexte où le risque n’existe nulle part à un chaos où le danger est partout.
Et puisque cela va si bien aujourd’hui, les banques centrales n’ont aucune difficulté à maintenir les métaux précieux la tête sous l’eau : contrairement à 2008, l’or et l’argent ne sont pas surévalués par rapport aux indices boursiers et aux produits de taux. Ils sont au contraire très bon marché par rapport à octobre/novembre 2008… sachant qu’entretemps, la quantité de fausse monnaie en circulation a plus que doublé.
Surveillez le comportement du métal précieux et des mines d’or à l’approche des 1 190$ l’once : en effet, le prix du pétrole a fortement reculé et le coût de l’énergie est une variable importante dans le prix de revient de la plupart des producteurs.
Et contrairement à l’automne 2008, ce ne sont pas les acheteurs qui sont longs sur dérivés de l’or mais les vendeurs, lesquels ont les yeux rivés sur les indicateurs de volatilité.
Pas de volatilité : pas de danger. Et aucune raison de détenir de l’or.
Mais, dans la vraie vie, loin des modèles mathématiques de grands manipulateurs de produits dérivés, la demande d’or ne fléchit pas, ni de la part de la bijouterie, ni de l’industrie. En revanche, les quantités extraites continuent de reculer… et si la Chine a mis le turbo pour en extraire des centaines de tonnes supplémentaires, c’est pour le stocker, non pour le ventiler sur les marchés.
Nous voyons refleurir les articles prédisant une chute aussi inexorable que désespérante de l’or vers les 1 000 $ : c’est donc bientôt le moment d’en acheter !
PS: les banques centrales comme la Bundesbank demandent à rapatrier leur or des coffres américains et français. Ce qu’elles ne savent pas, c’est qu’elles risquent fort de ne jamais revoir leurs lingots ! Découvrez pourquoi sans plus attendre…
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