Le Dow Jones s’est envolé de +1 630 points en 14 séances… et quoique le graphique en données mensuelles puisse suggérer en jetant un regard périphérique, c’est un exploit sans précédent – et c’est ce que le graphique en données journalières, lui, nous illustre très clairement.
Bon en fait si. Il y a bien eu un précédent : 1 880 points gagnés en un seul mouvement en octobre 2011 (tiens encore un mois d’octobre). Néanmoins, en ce qui concerne ce dernier, il s’agissait de corriger à la hausse un plongeon de -18% en l’espace de deux mois. Et le retracement de 75% de la baisse avait pris quatre semaines pleines.
Cette fois-ci, ce ne sont pas moins de 110% qui ont été repris, à l’issue de la plus violente reprise en « V » sous-sommitale de l’Histoire. En faisant la moyenne des trois principaux indices US, la hausse de mercredi n’était autre que la 12e séance de progression sur 14.
Ne nous demandez pas ce qui va mieux sur le front conjoncturel mondial, ni si le rythme de la croissance américaine est soutenable : sans l’expansion des budgets d’armement en 2014, après une année de vaches maigres en 2013 pour cause de disputes budgétaires, le PIB US n’afficherait pas plus de 2% cette année.
Il faut plutôt se demander comment Wall Street peu passer aussi subitement et aussi radicalement du « fear » au « greed » (de la peur à l’avidité pour le risque) en si peu de temps.
La manipulation à l’oeuvre
Cela tient au fait que le marché est manipulé par un acteur unique : les vendeurs disparaissent du jeu dès qu’ils identifient les « algorithmes tueurs » (facile à repérer : l’actualité du jour est toute pourrie et les indices passent de -0,5% à plus de 2% sans aucun catalyseur identifiable).
Les shorts ne sont pas stupides au point de se faire écraser par le bulldozer haussier piloté par les banques centrales. Celui qui a été lancé « plein gaz » vendredi par la banque centrale du Japon n’a, pour l’heure, rencontré aucun obstacle à sa démesure (+20Mds$ par mois) et il écrase tout sur son passage.
Vouant un culte au bulldozer, les permabulls en revanche se font parfois contrer douloureusement (comme fin septembre) parce qu’ils ne conçoivent jamais que le marché soit suracheté, ni qu’il y ait la moindre raison de le voir baisser tant que les taux sont à zéro: même avec un PER de 50, une action rapporte toujours plus que le monétaire. Argument imparable, non ?
L’autre argument massue, c’est que plus aucune figure baissière ne fonctionne et se transforme systématiquement en bear trap : un « M » baissier ou un triple top parfaitement dessiné et dont la base est cassée, c’est forcément un piège.
Et en effet, le marché recule durant deux ou trois séances, histoire de bien valider le signal baissier, pour déclencher un maximum de stops à la vente (résultat garanti avec une sortie de canal telle qu’observée le 10 octobre)… Et, dès que la volatilité augmente, les « sherpas » arrachent les cours à la hausse (de préférence un jour où il n’y pas de statistiques, histoire de susciter le plus grand scepticisme et de défier les shorts).
Un rebond surprise
Et c’est exactement le scénario qui nous a été rejoué entre le 19 septembre et le 16 octobre. Le Dow Jones a rebondi au milieu de nulle pour inscrire mercredi soir un record absolu, au-delà même des 17 440 points (à 17 485 points… provisoirement ?).
Au-delà du fait que ce niveau correspondait très exactement à un rebond de +10% par rapport au plancher des 15 855 points du 16 octobre, les 17 440 points correspondaient également – et tout aussi exactement – au passage de la résistance majeure moyen terme unissant les quatre précédents records historiques du 31 décembre 2013 (16 588 points), des 3 et 17 juillet derniers (17 075 points et 17 138 points) du 19 septembre (17 350 points en séance, 17 280 points en clôture).
Comme dans le même temps, le Dow Jones a inscrit trois « creux » indiciels à 16 703 points (le 12 juin), puis 16 333 points (le 8 août) puis 15 855 points (le 16 octobre), nous assistons à la formation d’une splendide et rare structure en « porte-voix » qui traduit la versatilité des marchés qui ne savent plus fonctionner qu’en mode panique, à la hausse comme à la baisse.
Depuis six mois, le marché fonctionne comme un malade profondément maniaco-dépressif (buy only puis sell only). C’est ce comportement dément et suicidaire que reflète un « porte-voix » aussi spectaculaire que celui dont nous observons la construction depuis six mois.
Ce genre de figure apparaît souvent avant une désintégration de l’actif sous-jacent, un peu comme les pales d’une éolienne offshore culminant à 174,85 mètres de haut lorsque le mécanisme de freinage tombe en panne en pleine tempête (de volatilité).
2 commentaires
[…] à lire l’article de Philippe Béchade « porte-voix sur le Dow Jones » https://agorapub-labourseauquotidien.pf6001.wpserveur.net/le-porte-voix-sur-le-dow-jones-nous-hurle-fuyez/ . La situation générale y est très bien […]
[…] à lire l’article de Philippe Béchade « porte-voix sur le Dow Jones » https://agorapub-labourseauquotidien.pf6001.wpserveur.net/le-porte-voix-sur-le-dow-jones-nous-hurle-fuyez/ . La situation générale y est très bien […]