Sur le marché des changes, s’il y a bien une devise à part, c’est le yen. Effectivement, après trois décennies de stagnation économique et l’intervention énorme de sa banque centrale (BoJ), le yen est, en quelque sorte, le laboratoire de la politique monétaire… ou plutôt le cobaye des délires monétaires du Japon, qui ne sait plus à quel saint se vouer !
Une tendance lourde depuis le début de l’année.
Comme je vous le disais la semaine passée, le yen est la devise ayant le plus progressé ces derniers mois. Il suffit de regarder un graphique sur un an pour s’en rendre compte :
Oui, en mauve tout là-haut, c’est la devise nippone. Plus de 20% de hausse sur un an. Seule la livre sterling a fait mieux, mais dans l’autre sens et avec un Brexit !
Une tendance lourde et pénalisante
Le Japon vivant principalement de ses exportations, un yen fort est une très mauvaise nouvelle pour sa compétitivité.
Regardez la parfaite corrélation sur 3 mois du Nikkei et de la paire USDJPY. Dès que l’USDJPY baisse, le Nikkei corrige également.
Comparatif Nikkei 225 & USDJPY
Du coup, les statistiques économiques restent en demi-teinte avec des dépenses de ménages en baisse de 4,6% sur un an en août alors que les investissements sont également en dessous des attentes à 3,1% contre 5,6% attendus. Le Tankan (indicateur économique très important au Japon) de la semaine dernière a été également décevant.
Une banque centrale à court d’idées
Pire, l’inflation tant recherchée ne revient pas. Toujours en août dernier, les prix flanchaient de 0,5% à Tokyo. Du coup, la BoJ plonge un peu plus dans l’inconnu et dans l’impasse des taux négatifs.
Le seul véritable avantage de la BoJ, c’est que les Japonais détiennent eux-mêmes la majeure partie de la dette nippone, autorisant la banque centrale à aller toujours plus loin. Et, on ne peut pas le nier, la BoJ est créative !
Kuroda, le gouverneur de la BoJ, a d’ailleurs dû jouer les équilibristes à l’heure de son bilan, après trois années d’offensive monétaire. Sa politique est tellement ultra-accommodante qu’il a été obligé d’assouplir les règles imposées aux banques… qui sont justement le coeur du problème ! C’est à ne plus rien comprendre.
Les Japonais ne semblent pas non plus saisir grand-chose à ces grandes manoeuvres, et la morosité ambiante persiste.
Les spéculateurs en position extrême
Vous trouverez ci-dessous le tableau mis à jour cette semaine pour le rapport du Commitment Of Traders. Je vais faire simple…
Le premier tableau résume les volumes échangés par les professionnels sur la semaine.
Le deuxième graphique (que j’ai positionné sous le tableau) représente les positions nettes des deux grands groupes de traders : les commerciaux (entreprises, producteurs, exportateurs…) qui travaillent à contre-tendance (et font la tendance) face aux non-commerciaux (spéculateurs) qui suivent la tendance.
Ce deuxième graphique nous indique que les commerciaux sont positionnés à la vente pour se protéger de la tendance haussière du yen.
Mais le plus intéressant, c’est le troisième graphique qui représente le COT Index. On y constate le positionnement extrême des traders.
Une forte phase d’accumulation a provoqué la hausse du yen. Le cycle normal de marché voudrait donc que la phase de distribution démarre avec le débouclage des positions en cours. Un tel débouclage provoquerait une violente baisse du yen.
USDJPY : un achat évident ?
Attention, ce n’est pas si simple !
Le yen menace de reculer, mais cette fois pour la pire des raisons. Je parle de la perte de crédibilité de la BoJ et de la fuite des investisseurs. C’est le signe de la perte de contrôle du monstre créé par la politique ultra-accommodante de la banque centrale japonaise.
Toutefois, le yen est très corrélé au risque. En cas de retour de l’aversion au risque, il pourrait donc avoir un sursaut d’orgueil. Mais celui-ci sera, à mon sens, vite limité par la BoJ qui peut encore intervenir massivement sur le marché et provoquer un recul momentané mais violent du yen.
Jetons maintenant un oeil technique à l’évolution de la paire USDJPY. Une figure de retournement se profile.
Les moyennes mobiles rapides viennent flirter avec la MM 100 jours et marquent le début d’une impulsion.
Le RSI indique également une reprise de force.
Acheter l’USDJPY – et donc parier sur une baisse du yen – revient donc à se mettre du côté de la BoJ. C’est la meilleure stratégie car, même moins crédible, elle a les poches pleines de faux billets. Je vous propose un achat sur repli vers 102,80/103 puis un renfort vers 101,80 avec un stop à 99,50. Stop qui sera aussi protégé par d’éventuelles interventions de la BoJ si le yen devait trop résister.
Bons trades,
Jérôme