Responsable d’un service de trading sur CFD
Comme je le disais aux abonnés d’Agora CFD mercredi matin, l’attention des marchés est de nouveau restée focalisée, la semaine dernière, sur la question de la dette des Etats européens périphériques — après l’actualité irlandaise récente, les craintes d’une contagion ont de nouveau ressurgi.
Dans ce contexte tendu, certains pays, au coeur de cette actualité, ont passé des tests clés : les adjudications de dettes. Nous avons eu lundi l’Italie, le Portugal mercredi et en enfin l’Espagne jeudi. Si la demande à l’égard du premier pays a été mitigé — malgré le fait que le rendement de la dette italienne à 10 ans ait tutoyé les 4,80% mardi, un record depuis le printemps 2009 –, les résultats pour le Portugal mais surtout l’Espagne ont, quant à eux, rassuré le marché.
◊ Qu’entend-on par adjudication ?
L’adjudication de dette est synonyme de « vente de dette ». En effet, pour se financer, les Etats émettent des obligations (qui payent actuellement un rendement de plus de 5% pour les obligations à 10 ans de l’Espagne, environ 7% pour les obligations à 10 ans du Portugal…). Le taux offert est proportionnel au risque de défaut ou de non remboursement du pays émetteur.
Pour synthétiser, par exemple, s’il y a une forte demande sur telle obligation d’Etat, cela signifie que les investisseurs croient en la capacité dudit pays à faire face à ses obligations — sans mauvais jeu de mots. En d’autres termes, si la demande des investisseurs est forte, c’est qu’ils estiment que le « jeu en vaut la chandelle ». Cela traduit donc un retour de l’aversion au risque.
Dès lors, et par effet mécanique, le prix de l’obligation remonte. Ce qui pousse à la baisse le taux nominal — le prix d’une obligation évoluant en sens inverse de son taux.
◊ Le cas de l’Espagne
L’Espagne a vendu 2,5 milliards d’euros de dette dont l’échéance est fixée en octobre 2013, à un taux moyen de 3,7% — en raison de la tension de ces dernières semaines, c’est 119 points de base de plus que lors de l’émission d’octobre.
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Comme je vous le disais en introduction, on a constaté sur cette émission un intérêt marqué des investisseurs. Dans le jargon, cet agrégat est mesuré par le ratio « bid-to-cover ». De manière basique, disons qu’il mesure le rapport entre l’offre de papier proposée par le pays émetteur et la demande des investisseurs. Dans l’émission ibérique de jeudi, le ratio a été de 2,27 — chiffre à comparer aux 2,16 enregistrés lors de la précédente enchère du 7 octobre.
En d’autres termes la demande pour le papier espagnol est restée forte ; toujours plus de deux fois supérieure à l’offre donc. Elle est surtout en augmentation par rapport à la dernière levée de fonds du mois d’octobre. En conséquence, le rendement des taux longs espagnols a commencé à se détendre et repassait même vendredi en séance sous les 5%.
◊ La BCE en soutien
La réunion de la BCE prévue jeudi après-midi a contribué à confirmer, au moins temporairement, cette accalmie. En effet, la Banque centrale européenne a une technique toute simple pour « rassurer les marchés ». Simultanément aux commentaires de M. Trichet, la BCE est tout simplement intervenue en achetant des achats d’obligations d’Etats en difficultés. Cela avait été le cas il y a quelques mois avec le Grèce. Jeudi dernier, on a ainsi constaté sur le marché secondaire d’importants achats de dettes irlandaise et portugaise de la part de la BCE.
La finalité est évidente : renforcer l’impact du discours du président de la BCE en montrant aux investisseurs que les cours « décalent » bien dans le sens voulu. Dire si cela sera suffisant pour ramener des acheteurs de manière durable sur ces papiers est une autre histoire. Pour mémoire, la Grèce avait mis plusieurs mois avant de voir sa situation se « stabiliser » : une fois l’effet d’annonce passée, les vendeurs avaient alors rapidement repris la main (jusqu’au début de l’été).
La prudence reste donc de mise au cours des prochaines semaines, d’autant que le Bund allemand revient tester des supports.
◊ L’Allemagne comme valeur refuge
Pour être complet sur la question obligataire, je ne pouvais évidemment pas ignorer le contrat de taux allemand, le Bund. En la matière, le phénomène est inverse : en tant que valeur refuge — l’Allemagne étant à juste titre considérée comme le pays le plus « sûr » en Europe — le contrat est acheté lorsque l’aversion au risque revient. Par effet miroir, cela tire alors à la baisse le rendement du Bund.
Sur le graphique ci-dessous, pris sur une base hebdomadaire, on remarque que le contrat revient tester un important soutien autour des 126 — ligne de tendance ascendante de moyen terme + support horizontal correspondant aux points bas de juillet, visible en pointillés.
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Aussi, alors que le contrat s’est bien replié depuis début septembre — hausse généralisée constatée sur les indices actions dans le même temps –, une cassure de ce support ouvrirait la voie à un probable rally des indices actions.
Mais à l’inverse, si les soutiens tiennent, la traditionnelle fête de fin d’année pourrait alors bien tourner court…