Toute médaille a son revers et même étant une ancienne star des marchés, il se trouve que les entreprises qui déçoivent sont aujourd’hui particulièrement sanctionnées.
Dernier exemple en date : Nexans (FR0000044448-NEX), dont le titre a chuté d’un peu plus de 16% lundi à la suite d’un avertissement sur résultats. S’il est logique que les investisseurs se soient formalisés, je suis convaincu que le décrochage eut été moins marqué en des temps pas si lointains. Pour mémoire, le fabricant de câbles industriels vient de faire savoir qu’il tablait désormais sur une stabilité de ses ventes organiques au titre de l’exercice en cours, contre une hausse comprise entre 2 et 3% attendue originellement. L’Ebitda devrait pour sa part ressortir à 350 M€, loin des 411 M€ dégagés l’an passé.
Autre exemple, Iliad (FR0004035913-ILD). Le groupe a invoqué des retards dans la signature de contrats, mais il a aussi subi de plein fouet les foudres des investisseurs, lesquels avaient déjà « ratiboisé » le titre le 15 mai dernier. La maison-mère de Free s’était en effet effondrée de 19%, coupable d’avoir perdu des abonnés dans le segment du fixe au premier trimestre (19 000 résiliations), une première dans son histoire qui a semé le doute quant au maintien de la stratégie de baisse des prix que tous les opérateurs ont aujourd’hui adopté.
Le lendemain de la chute d’Iliad, c’était au tour d’Elior (FR0011950732-ELIOR) de dévisser de 14% après des comptes semestriels inférieurs aux anticipations des analystes et surtout un deuxième profit warning en l’espace de quelques mois (le premier, survenu en novembre, avait déjà entraîné une chute de 18% de l’action) qui a porté à la fois sur les ventes et sur la rentabilité.
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▶ Les investisseurs surréagissent
Ces trois cas parmi d’autres sont à mes yeux révélateurs de la propension actuelle des intervenants à surréagir aussi bien aux bonnes qu’aux mauvaises nouvelles et je suis prêt à parier que si d’aventure un géant du luxe comme LVMH ou Hermès devait faire état de chiffres sous les attentes, il en serait lui aussi quitte pour une baisse à deux chiffres. Parce que les exigences sont élevées – surtout dans le secteur du luxe, qui enregistre une croissance impressionnante –, et parce que des doutes commencent à poindre quant à la durabilité de la dynamique économique américaine et la solidité de la reprise dans l’eurozone.
Ces gadins me semblent attester d’un regain de nervosité dans un environnement global dont les investisseurs semblent (re-)découvrir qu’il n’est en réalité peut-être pas aussi enthousiasmant que ce qu’ils pouvaient imaginer. Ils démontrent aussi que les déceptions de court terme prévalent sur les stratégies au long cours, sachant par exemple que Nexans n’a pas, du moins à ce stade, remis en cause les prévisions à horizon 2022 inscrites dans son plan Paced for growth (« En marche pour la croissance »).
▶ Bien gouverner n’est pas toujours prévoir
A mon sens, il convient aussi de se poser la question de la nécessité ou non d’établir des guidances. C’est « une stratégie à double tranchant et cela est particulièrement vrai lorsqu’elles sont trop précises », soulignait Eric Lewin dans ces colonnes en décembre dernier. « De même, quand vous évoluez dans un secteur ultra-concurrentiel, il est difficile de faire preuve de précision tant les lignes sont mouvantes et les parts de marchés jamais réellement acquises », ajoutait-il.
Je vous l’accorde, donner des indications au marché peut soutenir le titre et rassurer les actionnaires, mais plus dure est la chute si les objectifs ne sont pas atteints, quelles que soient les raisons de l’échec. Et dans de telles conditions de marché, avec une résurgence des incertitudes et une concurrence toujours plus âpre, je suis de ceux qui plaident pour des objectifs globalement moins précis.
C’est sans doute le prix à payer pour s’épargner des révisions à la baisse et ainsi éviter que des millions voire des milliards d’euros ne partent en fumée…
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