Quel troublant centenaire ! Il y a un siècle, une calamité baptisée « grippe espagnole » ravageait la planète.
L’épidémie se déclara en France dès le printemps 1918 mais fut tenue secrète pour des raisons « stratégiques ».
L’Espagne qui n’était pas en guerre fut la première à produire une description du fléau et à poser le diagnostic de ce qui fut qualifié « fièvre infectieuse » ou « pleurésie » (terme désignant les atteintes pulmonaires).
Donald Trump qui ne cesse de désigner le Covid-19 comme le « virus chinois » n’aurait pas aimé la grippe « espagnole » car les premiers cas furent recensés dans le Kansas au début de l’année 1918… et ce sont des soldats américains venus en renfort des troupes franco-britanniques qui ont importé le virus sur le vieux continent.
Qu’en penserait -il si les historiens faisaient leur travail et rebaptisaient la calamité qui a fait 50 millions de victimes (2,5% de la population mondiale de l’époque) de « grippe américaine » ?
Pour avoir trop tardé à prendre la menace au sérieux et accusé les médias de diffuseurs des « Fake News » concernant un risque de pandémie et les démocrates de « comploter contre Wall Street » ; pour avoir prétendu contre toute évidence scientifique que les Etats Unis étaient « étanches » ; pour avoir empêché les contaminés d’avoir accès aux tests de dépistages dans des conditions financières décentes (pas de tests : pas de cas), Donald Trump a pris le risque de voir son pays payer le plus lourd tribut humain à la pandémie de Covid-19… mais aussi, le plus lourd tribut économique depuis 1929 car il était évidemment vital -dans tous les sens du terme- d’éviter que se produisent les conditions techniques de l’éclatement de la « bulle de tout », et notamment l’effondrement du château de carte des dettes « BBB », basculant massivement en catégorie « high yield », un compartiment en train d’exploser en vol, avec +1 000 points de « spread » en une semaine.
Des experts avaient déjà calculé il y a une semaine que la FED devrait mobiliser 5 000 à 6 000 Md$ pour « se mettre en face » de ce tsunami de dettes bannies des portefeuilles et ne trouvant plus preneur. A t-elle d’ailleurs le choix ? Il n’existe aucune limite théorique au gonflement de son « bilan » qui n’est à ce jour que de 1/3 du PIB américain quand la BCE s’apprête à franchir ces prochains jours le cap des 50%… soit moins de la moitié du bilan de la Bank of Japan, lequel comporte en plus un volet « actions » qui est juste titanesque à l’échelle de la Bourse de Tokyo (qu’adviendra-t’il d’ailleurs de la BoJ si son « portefeuille » d’ETF perd la moitié ou 60% de sa valeur au cours des prochaines semaines ?).
Le millième des 1 500 Mds$ du budget supplémentaire que Donald Trump a alloué en 3 ans (et entièrement à crédit) au Pentagone aurait pu suffire à procurer des masques FFP2 à la totalité de la population américaine… mais en fait, le centième d’un tel stock distribué précocement aux quelques premiers cas détectés et à leur entourage (stratégie sud-coréenne et taïwanaise) aurait suffi à endiguer la pandémie.
Quelques centaines de milliers de dollars de tests de dépistage auraient permis de mettre en quarantaine le petit contingent de personnes infectées, n’occasionnant que des conséquences infinitésimales sur l’économie américaine.
Le résultat de cet aveuglement et de cette mesquinerie budgétaire militante (défaire tout ce qu’avait fait Obama en matière de santé), ce sera donc le plus grand désastre économique de l’histoire des Etats-Unis, tout le monde vient d’en prendre conscience avec le « lockdown » de New York et de la Californie.
Les salles de marché de Manhattan se vident, les campus de Californie également, le cours du baril WTI s’effondre et emporte avec lui le secteur pétrolier, la consommation se désintègre brutalement : les 4 piliers de l’économie américaine s’écroulent simultanément.
Le Dow Jones qui était parvenu à préserver les 20 000 points le 19 mars grâce aux annonces spectaculaires de la FED (notamment les 1 000 Mds$ de « repo » par jour) s’apprête à plonger vers les 18 000 ce lundi 23 mars (l’objectif a d’ailleurs été tutoyé à 1% près dans les transactions hors séance de la nuit de dimanche à lundi).
Contrairement à ce que Christine Lagarde prétendit maladroitement le 12 mars dernier, la BCE, tout comme la FED, sont bel et bien les premières mais aussi les dernières lignes de défense contre l’effondrement anarchique et la panique des marchés.
Pour en revenir à cette triste époque 14/18, les banques centrales vont devoir envoyer les « taxis de la Marne » monétaires pour empêcher que Wall Street ne tombe aux mains des ours (bien que tout démontre déjà que nous avons basculé dans un « bear market »).
Les investisseurs se retrouvent comme des lapins pris dans les phares à minuit au beau milieu d’une autoroute, avec des semi-remorques de 38 tonnes qui leur foncent dessus en rugissant.
Quel contraste avec le silence total qui règne dans mon quartier pendant que j’écris ces lignes : plus un son de moteur dans les rues, plus un avion dans le ciel depuis 48h, plus aucun bruit de train toutes les 5 minutes dans le lointain (j’habite à moins de 300m des voies de la ligne Saint-Lazare/Saint-Cloud/Versailles).
Oui, Paris et sa banlieue sont devenus plus silencieux qu’une nuit d’hiver dans un hameau du Cantal… il n’y a plus que le bruit du vent.
Dans le domaine économique, ne jamais dire « jamais »
Nul besoin de multiplier les banalités sur le caractère sans précédent, surréaliste, vertigineux de l’effondrement auquel nous assistons.
En revanche, je ne saurais trouver de mots assez durs pour dénoncer l’inconséquence des principaux dirigeants occidentaux. Dans la série des « économies qui coûtent cher », le record absolu de l’histoire de notre pays sera battu par les 15 millions de budget « économisés » dans le non-renouvellement de notre stock de masques chirurgicaux, lequel a fondu de 1,6 milliard d’unités en 2012, à une grosse centaine début 2020, selon le discours officiel… mais leur non-distribution laisse craindre que le chiffre réel des stocks existants ne constitue qu’un mensonge d’Etat de plus.
Aux mensonges, nos dirigeants ont rajouté des erreurs de jugement désastreux (que beaucoup d’acteurs dans les milieux de la santé n’hésitent plus à qualifier de criminels) aux erreurs de communication, avec la mise en scène de sorties au théâtre, de flânerie sur les Champs Elysées de notre couple présidentiel entre 2 haies de gardes du corps pendant que le « 20h » titrait sur des italiens qui mourraient par centaine du Covid-19.
Plongés au milieu de ce désastre économique, de cette hécatombe, de ce chaos sanitaire sans précédent depuis un siècle, nous ne savons plus faire la part de ce qui relève de la bêtise, de l’inconscience, de la vanité, de l’aveuglement idéologique des gouvernants occidentaux… L’histoire tranchera et retiendra peut-être une combinaison de ces 4 facteurs, plus d’autres que nous oublions certainement.
Ce qui est en tout cas certain, c’est que l’irréparable a été commis en Europe comme aux Etats Unis alors même que la Chine, la Corée ou le Japon nous offraient la démonstration de ce qu’il fallait faire et qui fonctionnait : encore fallait-il posséder des masques, du gel, des tests de dépistage en grand nombre… mais nos dirigeants ont jugé ce genre de dépenses superflues.
Ils en répondront, car « gouverner c’est prévoir » !
Et je ne parle pas forcément de la légitime vengeance des contribuables mais des puissants qui détiennent entre 85 et 90% des actifs financiers et qui perdent déjà le tiers de leur mise en 1 mois. Il ne faudra peut-être pas attendre très longtemps pour que l’addition se monte à -50%: il suffira que le « confinement » et le « lockdown » durent 3 mois et non 2 (dans la meilleure hypothèse) et que la reprise d’activité soit aussi lente que celle constatée dans la métropole de Wuhan et sa région.
L’une des antennes de la FED s’attend déjà à un taux de chômage de 30% d’ici fin avril.
Même sous perfusion temporaire de la FED, un grand nombre d’entreprises vont plonger dans le néant, sous le poids des dettes contractées pour procéder à des « buybacks » (ce n’est pas pour rien que Trump vient d’interdire -verbalement- cette pratique, il lui reste juste à légiférer) !
Nous avons listé les secteurs d’activité qui vont aller au tapis et ne s’en relèveront pas, dans une étude à paraître dans notre édition hebdomadaire de la « lettre confidentielle« : c’est vertigineux !
Et nous n’évoquons même pas les compagnies aériennes et les groupes automobiles susceptibles d’être nationalisés, les producteurs de « shale oil » zombies dont la disparition est déjà certaine pour au moins 50% d’entre eux… Non, seulement les secteurs s’effondrant sous le poids des dettes contractées alors que la date de retour à une « activité normale » est : JAMAIS.
Le mot JAMAIS s’applique d’ores et déjà à l’hypothèse d’un retour à l’orthodoxie monétaire et budgétaire « germanique » qui asphyxiait l’Europe depuis la création de l’euro, et surtout depuis 2008 (notamment la règle des 3% de déficits qui vient de voler en éclats le 16 mars), tandis que les Etats-Unis caracolaient à un rythme de creusement des déficits de 5 à 6% par an depuis 1 décennie.
L’expression « PLUS JAMAIS » s’applique -au moins pour une génération- à la crédibilité du discours sur les bienfaits de l’austérité budgétaire en matière de soins et d’équipements médicaux.
Et nous avons la démonstration qu’il ne faut jamais dire « jamais » dans le domaine économique car Donald Trump est passé d’un déni total du risque de crise sanitaire à l’approbation de l’ »helicopter money » à raison de 1 000 $ versés sur les comptes de tous les américains identifiés comme en difficulté financière (Bernie Sanders vient de surenchérir à 2.000$ par personne et par mois).
Que consentira-t-il pour s’assurer du bon confinement des dizaines de milliers de SDF californiens qui ont pourtant un travail mais pas assez d’argent pour se loger ? La réquisition de tous les hôtels de la Silicon Valley actuellement désertés ?
Toutes ces règles d’airain qu’il était impossible de transgresser, tout ce qu’il était hors de question d’accorder au Peuple « qui se lève tôt » devient soudainement possible.
Parce que le Peuple, c’est vous qui nous lisez, c’est vous qui produisez la vraie richesse, c’est vous qui avez encore quelques moyens d’investir dans des entreprises qui ont une réelle « utilité sociale » à long terme : si ce qui était garanti impossible ne vous devenait pas possible, alors ceux qui ont confisqué plus de 100% de la (fausse) richesse créée à coup de planche à billets, depuis 10 ans, perdront tout
La partie est d’ores et déjà perdue pour les monnaies telles que nous les concevons, l’euro notamment : les monnaies-dettes ont vécu et un grand « reset » se profile.
Toutes les pistes pour en profiter figureront dans notre prochaine édition mensuelle de la lettre confidentielle publiée fin mars.
En attendant, « cash is king » en matière d’investissement boursier (notamment si le CAC40 bascule sous les 3 650 points), et nous vous rappelons que la garantie de 100 000 € de vos dépôts bancaires n’existe pas et n’a JAMAIS existé… et que si cette crise suscite de nouvelles velléités gouvernementales d’abolir le « cash », c’est qu’il est PLUS QUE JAMAIS impératif d’en détenir physiquement, de quoi « voir venir » pour quelques mois.
https://agorapub-labourseauquotidien.pf6001.wpserveur.net/banque-centrale-bce-fed-retablit-doctrine-draghi/
4 commentaires
Excelent, serait intéressant que Le Monde ou un autre grand média le publie, c’est pas seulement un article économique, c’est politique, et humaniste merci Philippe Béchad.
Qu’entendez par d’en détenir physiquement de quoi voir venir pour quelques mois
Mr Béchade je pense que Q+ ne manquera pas de rebaptiser la Gripe Chinoise en temps voulu….ce sera peut-être un signal indiquant
la fin de la drôle de guerre que nous sommes entrain de vivre !
tous mes voeux de santé.
Chez nous, l’histoire des masques me fait penser a un enorme coup de volant dans un sens au nom du principe de precaution pousse a l’extreme (Bachelot qui claque 1 milliard en masques et vaccins pour rien en 2009) suivi du mouvement dans le sens oppose mais avec degagement « total » (initie par Xavier Bertrand puis poursuivi par l’equipe Hollande : on garde quelques malheureux masques de bas de gamme ). Les 2 ont des responsabilités colossales et ont desservi le pays alors que la bonne démarche serait dans une situation intermediaire avec des processus d’injection dans un usage courant et renouvellement pour eviter la peremption (voire initier des etudes pour des masques qui ne se periment pas). Ces dirigeants sont….mauvais, incompetents