Le fiscal cliff et ses nombreux rebondissements : jamais une légende urbaine n’avait autant fait grimper les marchés depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale !
La comparaison n’est pas gratuite : souvenez-vous de la fausse légende des mini-serpents hypers venimeux sournoisement dissimulés dans les régimes de bananes importés de pays tropicaux… ou encore des bébés alligators échappés d’un vivarium remontant par les conduits d’évacuation des toilettes new-yorkaises pour venir dévorer ce que la décence nous interdit d’évoquer dans ce Billet du Trader… Nous ne connaissons pourtant pas grand monde qui ait définitivement (ni même plus de 48 heures) renoncé à consommer des bananes ou à faire usage de sanitaires reliés à un tout-à-l’égout !
Mais il faut le reconnaître, dans sa catégorie, le fiscal cliff était une idée de génie !
Vous prenez des investisseurs que vous placez au bord d’un champ de mines économiques (récession, croissance artificielle, déficits insondables, Etats insolvables, chiffres d’activité truqués en Chine…). Puis vous plantez au beau milieu un pseudo-épouvantail politico-économique comme la « falaise fiscale » : hou là là, qu’il fait peur avec un entonnoir sur sa tête et des balais qui dépassent de ses manches !
Vous tirez discrètement sur une grosse ficelle dissimulée par les herbes hautes et l’épouvantail s’effondre en émettant un léger nuage de poussière. Et c’est là que vous criez : « vous pouvez y aller, il n’y a plus de danger » !
Pour vous assurer que les foules naïves vont foncer tête baissée, vous faites courir deux ou trois complices qui connaissent exactement l’emplacement des premières mines (mais pas de toutes car elles sont trop nombreuses).
◊ Et que constatons-nous ?
Eh bien vu les volumes anémiques négociés depuis huit semaines, personne ou presque ne s’élance dans le sillage des « éclaireurs ». La majorité des gérants et leurs clients ne sont pas si fous et savent que le danger reste très présent.
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Bien sûr, vous ne manquerez pas de faire un sondage pour déterminer combien de courageux qui hésitent encore sont prêts à risquer leur peau : le résultat dépasse toutes vos espérances puisqu’ils sont 80% à se déclarer haussiers… Mais, pas bêtes, ils sont en fait 100% à attendre que les éclaireurs aient effectivement fini de traverser le champ de mine sains et saufs (ce n’est pas demain la veille).
Cela peut vous sembler quelque peu machiavélique mais écoutez un peu les arguments des faiseurs d’opinion : en premier lieu, « les obligations rapportent si peu que les actions sont la seule alternative ». Cela fait bien sourire les Japonais qui pratiquent les taux zéro depuis 1993 et dont les marchés actions ne cessent de chuter par paliers depuis 20 ans.
Second argument massue (qui nous assomme effectivement) : « l’appétit pour le risque est de retour ». Comme le rappelle un vieux dicton : si la peur n’éloigne pas le danger, la témérité non plus !
Et cet appétit ne semble pas tenailler les estomacs d’une large majorité d’opérateurs qui montrent beaucoup de tempérance depuis que Mario Draghi a annoncé qu’il allait sauver l’euro le 25 juillet dernier.
Nous aurions de loin préféré qu’il affirme qu’il allait sauver les Européens (du chômage de masse, de la récession, de la désintégration du modèle social, etc.) mais il ne l’a pas fait. A juste raison puisque même la Fed n’y parvient pas… après avoir multiplié par 3,5 la taille de son bilan monétaire (un chiffre qui passera à quatre d’ici la fin de l’année).
Voilà pour la toile de fond économique et psychologique.
◊ Ce que dit la technique…
Voyons maintenant ce que nous apprennent les éléments techniques. Les oscillateurs qui avaient entamé une correction au cours des toutes dernières séances de l’année 2012 ont été pris à contrepied par la furia haussière post-fiscal cliff.
Nous soulignons non seulement la rareté de ce cas de figure mais également l’exception que constitue l’ouverture d’un (énorme) gap sur l’ensemble des indices occidentaux. Plus extraordinaire encore, le Dow Jones a réalisé la meilleure entame d’année depuis… sa création en 1882 (il y a donc 130 ans).
Nous ne sommes pas certains qu’il s’agisse d’une excellente opportunité pour rentrer sur les marchés comme le prétendent certains « bisounours » qui évoquent déjà un CAC 40 à 4 500 pour fin 2013 (après +15% une année de récession, pourquoi pas +20% une année de coup d’arrêt à la croissance artificielle aux Etats-Unis et en Allemagne ?).
Enfin, dernier argument des permabulls qui s’apparente à une véritable escroquerie intellectuelle : les marchés ne sont « pas chers » et les actions largement sous-évaluées par rapport à 2011.
Oui, une escroquerie intellectuelle qui recouvre un discours ambivalent : il faut continuer d’acheter les valeurs qui se payent cher — donc certaines le sont bel et bien — comme les stars du luxe (entame d’année tonitruante de LVMH et Richemont) et les cycliques… et il faut rester à l’écart des canards boiteux (services aux collectivités, valeurs télécom, sociétés endettées… et en cas de nouveaux soucis dans les pays du sud, les valeurs bancaires).
Autrement dit, si vous faites une moyenne entre Apple (qui bat des records de bénéfices) et Kodak (une ex-star du Dow Jones en faillite), le marché apparaît faiblement valorisé… par rapport à 2007, où les indices affichaient un PER de 16 à 20 selon les pays.
En d’autres termes, il faudrait « acheter pas cher » les actions qui battent leurs records historiques, et vendre dès qu’elles remontent un peu les actions délaissées — pour cause d’inadaptation chronique de leur business model — depuis 2008.
C’est décidément trop facile de gagner de l’argent en 2013 !