En tant que professionnel des marchés exerçant mes activités dans une banque, je suis naturellement très souvent sollicité sur la question de la santé des banques avec la question qui tue : une banque universelle peut-elle faire faillite ? La réponse est de mon point de vue « non ». Mais encore faut-il expliquer avec objectivité, rigueur et professionnalisme pourquoi. Et ne pas se laisser impressionner par les sur-réactions des marchés qui ne comprennent pas toujours comment fonctionne réellement un établissement bancaire.
Il faut savoir que la solidité d’une banque et donc sa faible probabilité de faillite suppose une situation confortable en termes de liquidité et de solvabilité.
Est-ce le cas aujourd’hui ? Difficile d’y voir clair tant les déclarations sont confuses, contradictoires et surtout grevées par la langue de bois imposée.
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Je vais donc travailler, à partir d’aujourd’hui, sur un ensemble d’articles qui vous aidera à comprendre quels sont les risques véritables qui pèsent sur nos banques. Comment comprendre leurs bilans, chiffres et déclarations ? Nous verrons, concrètement et banque par banque les risques qui pèsent sur chacune d’elle et… au final, sur vous : que vous soyez actionnaire ou client d’une banque, risquez-vous de perdre votre argent ?
Commençons donc aujourd’hui avec une approche un peu générale des risques bancaires. La suite, dans les prochaines semaines.
◊ Le risque de liquidité
Une banque pourrait faire faillite si elle était confrontée à un risque de liquidité.
Qu’est ce que cela signifie ?
On sait que l’horizon des agents qui ont des besoins de financement est de plusieurs années (financements à long terme de projets industriels), tandis que l’épargne des ménages doit être liquide et de court terme.
Cette différence dans l’horizon de temps ne rend pas l’échange toujours possible. C’est là que le financement intermédié apparaît et que les banques interviennent. Ce sont les seuls agents qui peuvent transformer des ressources court terme (dépôts à vue et comptes courants des clients) en crédits à moyen et long terme à l’économie.
Les banques établissent le pont nécessaire entre les ménages et les entreprises et accumulent des positions dites de transformation.
Ces positions génèrent ce que l’on appelle « des risques ALM » — pour Asset and Liability Management (ALM) –, qui correspondent à la gestion des risques actifs/passifs, ou, pour le dire autrement, aux risques structurels d’une banque. Ce sont les risques de taux liés à l’instabilité de l’écart entre taux longs et taux courts ou les risques de liquidité matérialisés par la capacité de la banque à assurer le refinancement de ses activités courantes.
Et pour s’assurer qu’une banque maîtrise correctement son risque de liquidité et est donc éloignée du risque de faillite, il faut pouvoir évaluer les éléments suivants :
- le niveau de la réserve en titres liquides, sécurisés et très bien notés de l’établissement et la capacité de ces titres à être facilement négociables, y compris dans des situations perturbées de marché. Il faut donc regarder dans le bilan des banques les encours de ces titres mobilisables et sécurisés. A l’heure actuelle, on peut dire que ces niveaux de réserve sont confortables dans les banques françaises ;
- la capacité de refinancement de l’établissement sur les marchés ou auprès de la Banque centrale. Cela suppose de pouvoir évaluer la richesse du collatéral mobilisable (titres et créances privées éligibles aux appels d’offres BCE ; créances hypothécaires et créances aux collectivités pouvant être adossées à l’émission d’obligations sécurisées). Là aussi, on peut considérer que les établissements disposent de créances privées de qualité et donc de capacités d’émissions sur les marchés à des conditions de prix intéressantes ;
- la stabilité des ressources à vue et de l’épargne de bilan longue collectée auprès de la clientèle ;
- les besoins de liquidité maîtrisés et pouvant supporter un choc violent à la hausse des coûts de liquidité. Sur ce point, il faut sans doute renforcer les stress tests jusque-là pratiqués. Je prépare d’ailleurs mon propre stress test du système bancaire français… travail de longue haleine, il devrait être prêt fin novembre.
◊ De nouvelles normes vont sécuriser le système mais impacter la rentabilité des banques
Les nouveaux ratios prévus LCR (Liquidity Coverage Ratio) et NSFR (Net Stable Funding Ratio) ont pour objectif de faire en sorte que l’adéquation entre la maturité des emplois accordés et celles de leur refinancement soit la plus forte possible. Mais du coup, on va gagner en sécurisation du système bancaire et perdre en rentabilité.
Le LCR, qui devrait remplacer le coefficient mensuel de liquidité, va mesurer la capacité d’un établissement à survivre à une période de stress intense d’une durée d’un mois. Il se calcule comme le rapport entre les disponibilités à 30 jours (constituées d’actifs hyper liquides) et les exigibilités à 30 jours.
Le NSFR est le rapport entre le montant des financements stables et disponibles (fonds propres et ressources de maturité réelle supérieure à un an) et le montant estimé des besoins en financement de maturité supérieure à un an. La nécessité de maintenir un ratio emplois/ressources de financement à un an supérieur à 100% réduit considérablement les capacités de transformation des établissements et remet en cause le métier de base de la banque, à savoir la transformation des échéances et l’emploi à long terme de ressources empruntées à court terme.
La remise en cause de ce métier fort lucratif en période de courbe des taux pentue (ce qui est historiquement la plupart du temps le cas) va réduire la marge de transformation des banques (l’écart entre le rendement des crédits à long terme et le coût de la ressource à court terme) et donc fortement peser sur leur rentabilité. Tout cela pour dire que ce ne sont pas la viabilité des banques et leur solvabilité qui sont menacées mais leur rentabilité qui sera, à n’en pas douter, moins forte.
◊ Le risque de solvabilité
Les banques ont-elles suffisamment de fonds propres pour continuer à développer leurs activités de prêts et pour faire face à de brutales dépréciations d’actifs ?
C’est un vrai dilemme.
Si l’on stresse violemment les risques dits systémiques, alors on crée des phénomènes d’auto-réalisation et cela peut être contre-productif.
En effet, si les marchés avaient la conviction que le système bancaire dans sa globalité était insuffisamment capitalisé (affichant des ratios de solvabilité en deçà des seuils réglementaires) et s’ils avaient surtout la conviction que les Etats les plus solides, le FMI, l’UE et les fonds de garantie créés récemment n’étaient pas en mesure de le re-solvabiliser suffisamment, alors on se serait installé dans le cercle vicieux suivant :
- banques dans l’incapacité de continuer à prêter à l’économie et d’investir sur les marchés financiers pour cause d’insuffisance de fonds propres ; donc effondrement de l’économie réelle et chute de presque tous les actifs financiers ; donc hausse des provisions sur le compte de résultat des banques et nouvelles destructions de fonds propres, donc nouvelles menaces sur la solvabilité des banques.
Cependant, si on ne le fait pas, on perd totalement en crédibilité, et la confiance que l’on aura cherché à tout prix à sauvegarder ne sera pas restaurée pour autant.
◊ Comment les risques de la Grèce, de l’Espagne et de l’Italie sont-ils évalués dans les bancaires ?
En réalité, il faut pouvoir distinguer au niveau des normes comptables IFRS ce qui relève pour les positions sensibles du banking book (moins-values latentes qui n’impactent pas le compte de résultat) et ce qui relève du trading book (moins-values latentes qui impactent directement le compte de résultat).
A ce niveau, on peut considérer que le compte de résultat — et donc la solvabilité des banques — n’est pas menacé puisque la plupart des positions sont logées dans le banking book.
Enfin, il faut pouvoir également distinguer les positions sensibles de Souverains Zone euro ayant une probabilité forte de défaut et les positions sensibles de Souverains Zone euro sujettes à de fortes dépréciations de leurs mark to market mais encore éloignées du défaut.
Dans le premier cas, les Commissaires aux comptes exigeront un passage de provisions qui impactera le coût du risque des banques et donc le résultat net courant à la baisse — et partant les fonds propres et donc la solvabilité des établissements retenus.
On sait que lors du récent plan de sauvetage grec, ces dépréciations ont été forfaitairement fixées à 21% du nominal pour les titres d’état grecs échéancés avant 2020 (21%, c’est ridiculement faible et se limiter à des positions arrivant à maturité avant 2020, c’est trop réducteur). Donc le risque de défaut grec est clairement sous-évalué dans les comptes.
Par contre, il est peut-être exagéré de parier sur des défauts espagnols et italiens qui, pour le coup, menaceraient sérieusement la solvabilité du système bancaire européen.
Tout au plus peut-on anticiper des dévalorisations fortes de ces papiers soumis à une prime de risque structurelle durable avec des impacts comptables négatifs sur la réserve de réevaluation et non sur les comptes de résultat.
On le voit, tant sur le plan de la solvabilité que sur le plan de la liquidité, il est quand même difficile d’imaginer une cascade de faillites bancaires.
Mais j’aurai l’occasion de préciser tout ceci de manière quantifiée par l’établissement de stress tests bancaires précis et rigoureux.
A très bientôt
7 commentaires
[…] parution dans le Billet du Trader du 16/09/2011. AKPC_IDS += […]
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[…] en cas de faillite (mon collègue Mory Doré a entamé une série d’articles à ce sujet dans le Billet du Trader) mais j’ai été stupéfait de constater que cette situation anxiogène pour les marchés se […]
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[…] Quels risques pèsent réellement sur nos banques françaises ? […]
[…] Comme une banque, ce new FESF pourrait alors prêter jusqu’à une “infinité” de fois son capital, surtout si les titres d’Etat achetés continuent à ne pas consommer de capital d’un point de vue réglementaire. Rappelez-vous que lorsqu’une banque prête 100 à une entreprise, elle consomme (au sens de la réglementation bancaire) 8 de capital ; quand elle prête à une autre banque, elle consomme 8 fois 20%, soit 1,6 ; et quand elle prête à un Etat de l’OCDE, elle consomme 8 fois 0%. Enfin tout ceci évolue avec Bâle II puis Bâle III. […]