Alors que les banques européennes – et italiennes tout particulièrement – ont traversé la semaine dernière une période de fortes turbulences, il est aujourd’hui sérieusement question d’un mariage entre Société Générale et UniCredit, la première banque de la péninsule.
Unicredit est valorisée un peu moins de 31 Mds€ au moment où j’écris ces lignes, soit environ un milliard de plus que la « SG ». Certes, la banque française a démenti hier « toute discussion de son conseil d’administration en vue d’un éventuel rapprochement avec (son homologue transalpine) », mais il en faudra certainement plus pour faire taire les rumeurs. D’autant qu’une telle opération entre deux établissements dits systémiques ne manquerait pas d’intérêt, par-delà la crise politique en Italie et l’accession désormais acquise d’eurosceptiques notoires à des postes clef de la nouvelle administration, qui ressemble déjà à une véritable usine à gaz. Bruxelles a néanmoins évité le pire, le nouveau ministre de l’Economie Giovanni Tria n’étant pas favorable, du moins pour l’instant, à une sortie de l’euro…
Trêve de digressions, et je ne m’appesantirai pas outre mesure non plus sur la situation économique très difficile de nos voisins, Philippe Béchade s’en étant chargé dans le dernier numéro de Béchade Confidentiel. Intéressons-nous plutôt ici aux banques italiennes largo sensu. Aux prises avec une véritable cascade de créances douteuses, elles ont été littéralement sauvées du chaos par Rome grâce à un vaste plan gouvernemental de renflouement de 40 Mds€ étalé sur fin 2016 et les premiers mois de 2017.
Une grosse bouffée d’oxygène, mais qui doit tout de même être relativisée. Philippe rappelait en effet avant-hier dans ces colonnes que les banques italiennes supportent aujourd’hui quelque 200 Mds€ de NPL (prêt non performant, autrement dit des créances pourries), qui recouvrent trois catégories : les prêts irrécouvrables, les prêts susceptibles de ne pas être remboursés et les prêts avec impayés de plus de 90 jours et au-delà.
UniCredit reste sur de bons résultats au premier trimestre
Il y aurait donc matière à s’inquiéter, mais UniCredit va bien, merci pour elle ! Publiés mi-mai, ses comptes du premier trimestre ont en effet révélé une hausse de 4% de son produit net bancaire (PNB) en rythme annuel à 5,1 Mds€, une progression de 23% du bénéfice net à 1,11 Md€ ainsi qu’un ratio de fonds propres (CET1) de 13,06%, à comparer à 11,45% un an auparavant. Environ deux ans après en avoir pris les rênes, le Français Jean-Pierre Mustier, instigateur d’une « giga » augmentation de capital de 13 Mds€ début 2017 et à l’origine de la cession de quelque 18 Mds€ de créances douteuses pour assainir le bilan, semble commencer à récolter les fruits de son travail.
La « SocGen » ne se rapprocherait donc pas d’une banque agonisante ou perfusée comme cela aurait été le cas lors de son arrivée.
Le bilan d’UniCredit flirte par ailleurs 824 Mds€, un chiffre qui soutient la comparaison avec le 1,27 milliard de la troisième banque française.
Bref, on se dirigerait vers une fusion entre égaux et non vers une absorption qui n’aurait pas manqué de faire jaser de l’autre côté des Alpes.
Société Générale n’est pas implantée en Italie
Autre avantage : Société Générale pénètrerait enfin le marché italien, dont elle est à ce jour totalement absente, à la différence de ses concurrentes Crédit Agricole et BNP Paribas (via BNL) ; tandis qu’UniCredit pourrait s’implanter en Europe Centrale et en Russie, deux « régions » où la banque française est un acteur de poids.
Du point de vue géographique, un mariage entre les deux colosses aurait donc du sens.
Il existe également une complémentarité stratégique bien réelle, avec d’une part une Société Générale qui tire un peu plus de la moitié de ses revenus totaux de la banque de détail, et d’autre part un UniCredit dont 47% des revenus globaux proviennent de la banque d’investissement.
Sur le papier, l’opération présente donc des atouts peu discutables. Elle pourrait par ailleurs être en quelque sorte facilitée par le profil même de Jean-Pierre Mustier, « capitaine » qui a officié chez Société Générale en qualité de responsable de la banque d’affaires. Il l’a certes quittée en 2009 à la suite de l’affaire Kerviel, mais a tout de même pu croiser Frédéric Oudéa et connaît bien la maison.
S’il n’est pas du tout certain que ce « background » puisse faire pencher la balance du côté de la fusion, un mariage entre égaux entre « SG » et UniCredit satisferait en tous les cas les chantres de la consolidation du secteur bancaire européen. Il est toutefois probable que ces derniers devront prendre leur mal en patience, ne serait-ce qu’en raison de l’incertitude politique en Italie, dont les conséquences sont multiples…
1 commentaire
Il y a une projet politique européen de « zipper » des grands d’un secteur.
Dassault avec Airbus, Bnp avec le Commerz, etc, pour créer des « très grands ».
Je ne suis pas convaincu que cela soit bon a long terme. Il faut que ces éléphants
puissent sur-vivre aux nightmares demographiques des années 30-45, et arriver
a finir le siècle.
J’ai peur que ces mariages cherchent être des réponses aux enjeux d’une époque
qui n’est plus.