Salués par les investisseurs, avec il est vrai un bénéfice net et un chiffre d’affaires supérieurs à leurs attentes, les résultats du deuxième trimestre d’Apple (US0378331005-AAPL), qui a récemment défrayé la chronique pour être devenue la toute première société à franchir le cap hallucinant des 1 000 Mds$ de capitalisation, ont également recelé une information de taille et qui pourrait augurer d’un tournant. Pour la première fois depuis 2010, la marque à la pomme, à l’époque devancée par Nokia, n’était plus au dernier pointage le deuxième plus gros vendeur de téléphones au monde derrière l’intouchable Samsung.
Elle a en effet écoulé « seulement » 41,3 millions de terminaux sur la période avril-juin, quand dans le même temps Samsung et le groupe chinois Huawei en ont vendu respectivement 71,5 et 54,2 millions à en croire les estimations de l’IDC (International Data Corporation). Simple coup de mou ou amorce d’une tendance durable ?
Cette performance a quoi qu’il en soit déçu le marché, qui tablait sur 41,8 millions d’exemplaires, mais n’en a pas pour autant tenu rigueur au géant de Cupertino étant donné la progression de 20% des revenus tirés des iPhone. Une hausse qui pourrait sembler de prime abord paradoxale, mais qui s’explique par le niveau élevé du prix moyen des smartphones d’Apple, lequel a atteint 724 $ au deuxième trimestre, contre 694 $ anticipés par le consensus.
De quoi valider la théorie en vogue selon laquelle la firme californienne aurait opté pour un positionnement premium, en mettant davantage l’accent sur les téléphones les plus chers, quitte à perdre des parts de marché. Et si un nouvel iPhone potentiellement plus abordable devrait être présenté dès le mois prochain, on peut compter sur Huawei pour mettre les bouchées quadruples afin de conserver sa médaille d’argent.
Huawei, mais aussi Xiaomi…
De plus en plus en cour en Europe (inimaginables il y a encore deux ans, les affiches dans le métro parisien avec le footballeur champion du monde Antoine Griezmann tenant en main un téléphone Huawei en sont une preuve parmi beaucoup d’autres), le groupe chinois s’est donc mué en briseur de duopole. À en croire Richard Yu, le responsable de la branche produits de consommation de Huawei, ce petit exploit tient sa source dans l’engouement que suscite ses articles hauts de gamme (essentiellement les P20 et P20 Pro de nouvelle génération) en Chine et sur le Vieux Continent. Des téléphones de qualité, robustes, plutôt faciles d’utilisation et surtout meilleur marché pour les consommateurs de tous les continents, ce qui permet au groupe de gommer progressivement son déficit de notoriété par rapport à ses deux illustres concurrents…
La saturation endémique du marché international des smartphones, qui a donné des signes de faiblesse au deuxième trimestre (-1,8% par rapport à la même période en 2017) rend illusoire la possibilité de devenir le numéro un mondial du secteur à brève échéance, mais Huawei devrait pouvoir compter sur l’appui de Pékin, dans un contexte de guerre commerciale féroce entre les États-Unis et la Chine. Il y a deux semaines, mon confrère Philippe Béchade évoquait à cet égard la perspective pour Apple d’être « prochainement victime d’une forme de « patriotisme » technologique des consommateurs chinois si Donald Trump continue de menacer Pékin d’une offensive douanière massive ».
Et de juger vraisemblable « un appel à la préférence pour les produits chinois lorsque le consommateur dispose d’une offre locale de qualité comparable… ce qui est effectivement le cas pour les smartphones avec Huawei, Honor, Xiaomi et d’autres marques plus confidentielles qui se spécialisent sur le segment premium ».
Xiaomi, justement, frappe lui aussi de plus en plus fort à la porte, avec des ventes mondiales de téléphones qui se sont envolées de 48,8% en glissement annuel au deuxième trimestre à 31,9 millions d’exemplaires.
Et pendant que Huawei et Xiaomi commencent à devenir prophètes en leur pays, Apple voit son horizon s’assombrir en Inde. Le gouvernement de Narendra Modi menace en effet d’interdire purement et simplement les iPhone dans le pays si la marque à la pomme persiste à refuser de préinstaller d’office sur tous ses appareils, selon le vœu de l’autorité indienne des télécoms, un filtre anti-spam créé par l’organisme de régulation national (TRAI) afin de lutter contre les appels et SMS indésirables.
Pour l’heure, Apple a opposé une fin de non-recevoir à cette demande, jugeant que cette application ne correspond pas à sa politique de confidentialité. L’importance des enjeux pourrait l’amener à lâcher du lest. Dans le cas contraire, Huawei et Xiaomi auraient là aussi sans doute une belle carte à jouer…
Guerre commerciale : Apple bientôt croquée par les Chinois ?