Nous anticipions quelques belles séances à l’approche des quatre sorcières. Les acheteurs habitués à tirer les cours avant l’échéance technique (roulement des contrats avant basculement du 3e au 4e trimestre) ont vu leur tâche grandement facilitée par la « sagesse de la Corée du Nord » le week-end dernier, puis par le passage moins destructeur que prévu du cyclone Irma (nous allons en débattre dans quelques instants et apporter la preuve que les opérateurs sont en plein délire post-traumatique).
Le CAC40 a donc rapidement gagné 120 points en 72 heures et l’indice a retracé 50% du terrain perdu entre le 8 mai (5 432 points) et le 28 août (5 032 points)… Par rapport à la précédente séance des 4 sorcières du 16 juin, il ne manque plus que 45 points au CAC40 pour afficher une performance positive… Mais corrigé du versement des dividendes sur fin juin et juillet, le trimestre est déjà gagnant (52 Mds€ de dividendes distribués) ; et corrigé de la hausse de l’euro, c’est un jackpot de +5% pour un gérant américain.
Donc les jeux semblent donc faits – à moins que les banques centrales aient l’intention de chouchouter encore plus les permabulls. Mais une phénomène assez singulier nous incite à ne pas partager leur optimisme béat : il est relatif à la qualité de la hausse des trois dernières séances.
Les volumes ont bondi à trois reprises (miracle) de près de 50% au fixing, passant par exemple de 2,25 à 3,45 Mds€ mercredi soir, ce qui permet aux opérateurs un peu candides – ou de très mauvaise foi – d’affirmer fallacieusement que « ça ne monte pas dans le vide, c’est du costaud ». Les opérateurs les plus honnêtes qualifieront ces pics « d’échanges techniques »… mais la tendance de fond à la contraction des échanges réels ne fait que s’accentuer.
▶ Les brokers bientôt au chômage technique
Nous vivons en fait depuis 18 semaines (et demie) sous le régime de l’extinction des transactions réelles et de la baisse de la volatilité (intraday, hebdo, mensuelle).
Les géants du brokerage à Wall Street s’inquiètent de cette volatilité peau de chagrin et redoutent une forte chute de leurs résultats au 3e trimestre – tout comme ce fut le cas au deuxième (les recettes de trading ont fondu de -13%).
La cause est connue de tous : les banques centrales ont pris le contrôle de la volat’ et du risque. Or ces deux ingrédients fondamentaux, il n’y a plus de marché… alors les brokers ne servent plus à rien puisqu’il n’y a plus rien à trader ! Et puisque « plus rien ne fait rien » aux indices boursiers, les opérateurs en sont venus à inventer n’importe quelle fable délirante pour rationaliser ce qui témoigne d’un dysfonctionnement de plus en plus radical du marché !
▶ Il faut trouver des raisons à l’hallucination collective
La dernière nouvelle fable en date est, si j’ose l’exprimer ainsi, « de saison » : les cyclones Harvey et Irma vont produire des effets positifs !
Outre le fait que la question du shutdown du Congrès (plafond de la dette US) a été balayée par l’union sacré en faveur des victimes, les Etats-Unis vont bénéficier du classique phénomène schumpétérien de « destruction créatrice » .
Ah bon.
▶ La destruction créatrice… de pertes colossales
Nous n’avons évidemment pas la même analyse. De nombreuses victimes d’Harvey n’étaient pas assurées contre les crues catastrophiques et les habitants de la Floride ne seront, eux, pas remboursés à 100% – les franchises sont très élevées dans cette région exposée régulièrement aux cyclones. Donc, ils ont subi des destructions qui ne vont créer que plus de difficultés financières et d’érosion de leur patrimoine. Zéro gain d’aucune sorte à la clé mais de la peine, du désarroi et de l’impuissance à retrouver sa vie d’avant.
Les banques globales – qui font de l’assurance-dommages – ont parfois même eu l’indécence de souligner dès lundi leur peu d’exposition aux dégâts provoqués par les cyclones (traduction : ils savent qu’ils vont mal indemniser leurs clients). Ils se montrent en revanche beaucoup plus discrets sur les pertes sans précédent qu’ils vont subir sur les prêts hypothécaires adossés à des maisons inondées ou détruites… et de fait, invendables !
N’oubliez pas que lors de la crise des subprime, il y avait à la clé un bien immobilier à saisir en cas d’impayé. Dans le cas d’Irma et Harvey, il n’y a souvent plus rien.
Là, vous allez mesurer l’ampleur vertigineuse du problème qui risque d’inonder le système bancaire des dettes irrécouvrables : 2 millions de maisons ont été endommagée ou détruites. C’est un record absolu. Irma, c’est le double de maisons dégradées ou inhabitables par rapport à Katrina en 2005. D’après les dernières estimations, Irma + Harvey, c’est un encours de 370 Mds$ de créances hypothécaires impactées !
Vous avez dit « destruction créatrice » ?
Vent d’optimisme après les cyclones : les marchés ne manquent pas d’air !
1 commentaire
La destruction créatrice décrit la force de l’innovation créatrice détruisant les situations établies. Dans le cas des ouragans, il serait plus judicieux de se placer dans le cadre logique de la vitre cassée de Bastiat.