Monsieur Hulot, qui est passé brillamment du journalisme à l’écologie, nous donne aujourd’hui des leçons d’économie. Alors que je roulais sereinement en produisant malgré tout quelques grammes de CO2, je découvrais via les ondes que notre aventurier cathodique national avait LA solution à cette crise historique qui pèse aujourd’hui sur nos économies.
Cette solution tient en une phrase : permettre à l’Etat d’emprunter auprès de la Banque centrale sans payer d’intérêt.
Cette proposition n’est pas propre à Monsieur Hulot ; plusieurs candidats à la récente élection présidentielle avaient intégré cette proposition dans leur programme. Il est effectivement plus séduisant de vendre le principe du rasage gratis et de la planche à billets pour financer des propositions plus démagogiques les unes que les autres plutôt que d’essayer de vendre aux électeurs qu’ils sont allés, tous collectivement, trop loin dans le confort et la gabegie.
Le système bancaire, voué aujourd’hui aux gémonies, n’est malheureusement que le sommet d’un système dont tout le monde a profité, de l’Etat aux plus modestes contribuables – y compris ceux ayant défilé contre les différentes réformes que les rares hommes politiques courageux ont essayé d’imposer au pays.
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Au passage, les solutions proposées cherchent à traiter l’endettement « visible », estimé à la louche à 100% du PIB pour la France. Mais je n’ai vu personne nous proposer une solution pour traiter ce que l’on appelle « la dette implicite » (engagements futurs ou implicites). Avec un endettement implicite évalué à plus de 500% du PIB, il me semble que cette question vaudrait d’être examinée sérieusement.
La situation actuelle serait donc une anomalie de l’Histoire survenue en 1973. Est-ce vrai ? Pour le savoir, faisons un peu d’Histoire.
◊ Un peu d’Histoire pour comprendre comment nous en sommes arrivés là
Le paiement d’un intérêt sur une somme prêtée n’est pas une notion pérenne. Selon les cultures l’intérêt a été autorisé ou interdit.
Dans l’antiquité grecque puis romaine, faire payer un intérêt était autorisé. Puis la pratique fut interdite par le concile de Nicée I réuni à l’initiative de l’empereur romain Constantin Ier en 324.
Le concile de Tours en mai 1163 a interdit une forme masquée de prêt à intérêt qui porte le nom de vadium (en français « mort gage » !) et qui se pratiquait pour contourner l’interdiction de 324.
Cette pratique consistait à laisser en gage un bien qui rapportait des bénéfices au prêteur jusqu’au remboursement du capital prêté à l’origine. Les pratiques frauduleuses des suzerains sur la monnaie ont ensuite obligé l’Eglise à modifier progressivement sa position (concile Latran V en 1517). En effet, le prêteur d’une somme prenant un risque – au-delà de celui de ne pas se faire rembourser – celui d’être remboursé dans une monnaie rognée ou un titre manipulé par le pouvoir. Il devait donc être logiquement « récompensé » pour cette prise de risque (sans dépasser l’usure).
Depuis 1804, le Code civil mentionne explicitement le recours à l’intérêt dans son article 1905 (inséré par la loi du 9 mars 1804 promulguée le 19 mars 1804) : « Il est permis de stipuler des intérêts pour simple prêt soit d’argent, soit de denrées, ou autres choses mobilières ».
Jusqu’à la Révolution française, l’Etat s’endettait auprès de groupes sociaux privilégiés. C’était très souvent une dette personnelle au nom du suzerain. Lorsque celui-ci n’était plus en mesure d’honorer ses engagements, les prêteurs étaient alors soupçonnés des pires vilénies et la dette totalement ou en partie effacée. Et hop !
A partir de la Révolution française se met progressivement en place un système de financement de la dette publique à partir de l’épargne privée (rente). De 1815 à 1914, les besoins en financement de l’Etat seront assurés par les marchés financiers. Ainsi, pendant la guerre de 1870 contre la Prusse, la Banque de France refuse de jouer avec la planche à billets pour aider au financement de l’effort de guerre.
En 1915 tout se dérègle. Les mécanismes d’appels au marché ne suffisent plus au financement de l’effort de guerre colossal. Chez tous les belligérants, la course à l’armement est épaulée par une course à la monétisation. Contrairement à 1870, la Banque de France monétise systématiquement la dette de l’Etat. C’est-à-dire qu’elle accepte des obligations du Trésor directement en échange de liquidités qu’elle émet sous la forme de papier monnaie car la convertibilité en or a été suspendue dès 1914.
Cette situation laminera littéralement le pouvoir d’achat de la monnaie qui ne s’en remettra jamais.
Pour agrandir le graphique, cliquez dessus
Le recours à la monétisation de la dette publique sera quasi-permanent jusqu’à la mise en place de la loi de 1973.
En 1945, à la sortie de la Seconde Guerre mondiale, la France sombre dans le collectivisme à outrance.
Les réminiscences des années 1930, attribuant l’origine de la crise des années 1930 à la seule spéculation, poussent le gouvernement à nationaliser l’essentiel du secteur industriel et quasiment tout le secteur financier (banques et assurances). Pour vous donner un ordre d’idée de l’ampleur du phénomène : la capitalisation de la Bourse de Paris est divisée par deux ! Désormais à lui seul l’Etat finance ainsi 41% de l’investissement des entreprises en 1949. A partir de cette époque se met en place une économie d’endettement. La Banque de France est mise sous la dépendance totale et étroite du gouvernement. Les déficits importants, systématiquement monétisés, alimentent une forte détérioration du pouvoir d’achat de la monnaie. L’autarcie financière de la France est totale avec un contrôle des changes en place depuis quasiment 1915. A partir du début des années 1950, les politiques budgétaires s’attaquent aux déficits qui finissent par disparaître, grâce à l’inflation, à la fin de la décennie.
Il faudra attendre 1963 pour voir la création d’un marché monétaire des bons du Trésor négociables détenus par les banques, 1973 pour que la loi interdise à l’Etat d’utiliser la planche à billets pour financer ses déficits (article 25 de la loi 73-7 du 3 janvier 1973), 1984 pour que soit levé l’encadrement du crédit, 1989 pour que les dernières mesures de contrôle des changes soient levées.
Vous le constatez vous-même : l’histoire du financement de la dette publique de la France directement par la banque de France était une anomalie historique héritée de la période d’après-guerre. Cette situation a ouvert la voie à la facilité budgétaire pour les gouvernements et, comme dans l’après-guerre, à un effondrement du pouvoir d’achat de la monnaie.
Prétendre que la France aurait eu comme mode de fonctionnement normal, pour le financement de sa dette, de faire tourner la planche à billets de la Banque de France est d’une part une erreur historique et d’autre part une énormité économique.
Jusqu’en 1914 la France finançait sa dette en faisant appel aux marchés. Ce marché apporte l’épargne disponible (arrêtons de parler des vilaines banques, elles ne font que stocker cette épargne) vers les acteurs économiques (entreprises, particuliers, Etat) en recherche de crédit. Mory Doré vous avait il y a un an expliqué à quoi servaient une banque et vos dépôts.
Si l’Etat fait appel à sa banque centrale pour se financer, de facto, il met en circulation plus de monnaie, créée par la banque centrale, qu’il y en avait à l’instant précédent. Ce faisant l’Etat, et surtout son endettement, participe ainsi à l’accroissement de la monnaie en circulation donc, à terme, à la perte de pouvoir d’achat de la monnaie.
◊ Quel est le lien entre monétisation et inflation ?
Monsieur Hulot prend les Etats-Unis comme modèle en la matière – c’est un choix pour le moins surprenant – et prétend que l’Histoire de ces 10 dernières années démontrerait aux fâcheux monétaristes que l’augmentation de la masse monétaire n’est absolument pas un facteur inflationniste. Il devrait se pencher sérieusement sur les chiffres qu’il avance.
Certes l’explosion monétaire récente n’a pas déclenché d’augmentation significative des prix à la consommation – bien que les chiffres avancés par les statisticiens officiels montrent qu’à l’évidence ces derniers vivent sur une autre planète ; lisez, pour comprendre comment le calcul de l’inflation fonctionne, l’excellent article de ma collègue Simone Wapler à ce sujet.
Pour comprendre comment l’explosion monétaire d’aujourd’hui prépare l’inflation des prix de demain, il suffit de jeter un oeil critique sur ce graphique représentant l’historique de la vitesse de la monnaie (ici il s’agit de l’aggrégat monétaire M2 aux Etats-Unis et l’on parle de la « vélocité » de la monnaie).
Pour faire simple la vitesse de la monnaie est le ratio entre le PIB nominal et la masse monétaire échangée. Si une unité de monnaie permet de générer plus d’une unité de production, la monnaie ainsi introduite dans le système génère réellement de la richesse. Dans le cas contraire, le rendement du système baisse, c’est-à-dire qu’il faut de plus en plus de monnaie pour produire au moins la même chose.
Sur ce graphique il est évident, du moins à mes yeux, que la vitesse de la monnaie de la première puissance économique s’effondre depuis maintenant 10 ans (courbe rouge) et ceci malgré une hausse vertigineuse de la masse monétaire (courbe bleue).
Prétendre que la hausse impressionnante du stock de monnaie depuis l’avènement du papier-dollar en 1973 n’a pas eu d’impact sur les prix à la consommation est une imposture facilement démasquée en examinant l’historique de l’indice américain des prix à la consommation (CPI).
Comme ce graphique le montre parfaitement, avant 1973 les prix évoluaient selon une pente relativement douce. Depuis cette date les prix ont accéléré violemment. Mais l’accélération de la masse monétaire des dix dernières années n’a pas conduit à une augmentation supplémentaire des prix à la consommation grâce au sursis accordé par l’effondrement de la vitesse de circulation de la monnaie qui compense l’explosion actuelle du stock de monnaie. Le jour où la vitesse de la monnaie retrouvera le chemin de la hausse, les prix suivront dans la même direction.
◊ Les taux d’intérêt sont-ils encore trop élevés ?
Le deuxième point porte sur le taux d’intérêt pratiqué. Les intérêts cumulés seraient donc responsables de la situation explosive de la dette et non le capital emprunté.
Les démagogues populistes sous-entendent qu’un Etat devrait être exonéré de payer un intérêt. Je vois néanmoins un énorme avantage à obliger un Etat à se financer sur les marchés. En se finançant sur les marchés financiers, l’Etat s’expose tout nu aux regards des expertises sur ses politiques budgétaires et ses pratiques sinon ses magouilles. Quel meilleur gendarme que celui qui vous dit STOP au moment où vous alliez vous en reservir un ! Si on laisse un Etat libre de se financer lui-même (via sa banque centrale, celle-ci étant de notoriété publique à ses ordres) quel moyen restera-t-il pour l’empêcher d’y retourner ? Ne me dites pas que la démocratie a fait des innombrables téléspectateurs de Koh Lanta des citoyens consciencieux suivant de près les pratiques de leurs édiles. Je ne vous croirais pas. Dans ces conditions, quoi de mieux que de demander aux marchés financiers de jouer les gendarmes pendant que nous restons vautrés sur nos canapés à écouter les YAKA des populistes de tout poil ?
La crise que nous vivons trouve ses racines, comme toutes les crises du même genre qui l’ont précédée, dans un endettement excessif des Etats favorisé par le laxisme monétaire qui s’est installé dès l’après-guerre et qui a été institutionnalisé en 1973.
Cet endettement a « contaminé » la sphère privée en poussant vers les marchés des montagnes de monnaie en mal de rémunération : bulle des actions de 1990 à 2000, bulle de l’immobilier de 2000 à 2006 (Etats-Unis, Irlande, Espagne, pour la France elle reste encore à venir), bulle des matières premières de 2003 à 2008 et, bulle ultime, celle des obligations d’Etat qui est en cours.
Aujourd’hui, cette bulle privée ayant éclaté, les mêmes Etats à l’origine du problème accroissent leur addiction à la dette pour tenter de compenser la déflation des actifs du secteur privé. C’est l’arroseur arrosé en quelque sorte. Et cela n’augure rien de bon.
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3 commentaires
Cher monsieur Colleu,
Vous avez mille fois raison. Quand je rentre de ma journée de travail d’ouvrier sableur, et que je me vautre dans mon canapé, je ne peux m’empêcher de me morfondre d’avoir profité toutes ces années des différentes allocations qui en plus de mon salaire exorbitant, me permettent d’élever dignement mes enfants.
Je me sens évidement co-responsable du doublement de la dette française depuis l’éclatement de la bulle des subprimes.
Et, oui, méa culpa, je ne peux m’empêcher de mettre en garde ma fille qui depuis sa majorité reçoit régulièrement de la part de respectables établissements bancaires des invitations à se sur-endetter pour financer ses études et « ses achats coup de coeur »
Mais, de grâce, cessez ce « nous » qui semble nous placer sur un même plan, nous ne volons pas à la même altitude ni ne respirons le même air.
Ceci dit, ne vous tracassez pas pour le financement de ma retraite, il est des métiers ou l’on meurt jeune.
Bravo
Mais nous sommes en économie Koh L’Antarctique 🙂
[…] parution dans le Billet du Trader le 29/06/2012. AKPC_IDS += […]